Quelle portée pour la liste noire des paradis fiscaux de l’UE ?

Publié le 24 mai 2019 à 11h29    Mis à jour le 24 mai 2019 à 15h44

Laurent Olléon

Après les «LuxLeaks», les «Panama Papers» puis les «Paradise Papers», l’UE a entrepris d’élaborer des listes d’Etats ou entités jugés non suffisamment coopératifs dans la lutte contre l’évasion fiscale. La liste grise se distingue de la liste noire en ce que les Etats qui y sont listés ont, à la différence de ceux figurant sur la seconde, pris des engagements à répondre aux trois préoccupations de l’UE : se conformer aux standards d’échange automatique de données de l’OCDE, éviter de favoriser l’implantation de sociétés offshore, enfin accepter les lignes directrices de l’OCDE en matière de lutte contre l’évasion fiscale des multinationales.

Les deux premières listes, adoptées le 5 décembre 2017 par les ministres des Finances des 28 Etats membres, avaient surpris à deux titres. Tout d’abord, elles ne comportaient aucun Etat ou territoire européen, au motif qu’ils sont «censés se conformer au droit de l’Union en matière de lutte contre l’évasion et la fraude fiscales». Surtout, parmi les 17 pays qu’elle énumérait, la liste noire comportait un membre de… l’OCDE et du G20 : la Corée du Sud, qui fut retirée dès le mois de janvier 2018, à la suite des protestations du gouvernement sud-coréen.

En France, la liste noire de l’UE était dépourvue de portée pratique jusqu’à ce que, par loi du 23 octobre 2018 relative à la lutte contre la fraude, le Parlement décide de lui donner une consécration législative, en prévoyant son intégration à la liste des Etats et territoires non coopératifs (ETNC) mentionnée à l’article 238-0 A du Code général des impôts (CGI). Or, cette liste emporte des conséquences très concrètes : impossibilité d’imputer sur l’impôt sur les sociétés français les retenues à la source opérées par les ETNC sur les dividendes, intérêts ou redevances, absence de clause de sauvegarde pour l’application des articles 123 bis et 209 B du CGI, exclusion du régime mère-fille des dividendes en provenance des ETNC, interdiction de déduction des sommes versées à des personnes physiques ou morales qui y sont établies, retenue à la source au taux de 75 % sur les intérêts, dividendes et redevances versés dans ces Etats depuis la France, etc.

Après une révision de la liste noire au mois de mars 2019, le Conseil de l’UE a décidé, vendredi 17 mai, d’en sortir trois pays : Aruba, la Barbade et les Bermudes. Restent donc 12 Etats, dont un seul figurait pour l’instant sur la liste française (les îles Marshall), comprenant six autres pays (Botswana, Brunei, Guatemala, Nauru, Niue et Panama). La liste française, inchangée depuis un arrêté du 8 avril 2016, devrait donc prochainement inclure trois Etats du Pacifique (le Samoa, les Fidji, le Vanuatu), trois territoires américains (les îles Vierges américaines, Guam et les Samoa américaines), trois pays d’Amérique centrale et des Caraïbes (le Belize, la Dominique, Trinité-et-Tobago), Oman et (last but not least)… les Emirats arabes unis (accusés de faciliter l’implantation des sociétés offshore).

Laurent Olléon

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