Retenue à la source sur dividendes : Pour la CJUE, un tiens ne vaut pas mieux que deux tu l’auras

Publié le 7 décembre 2018 à 15h36

Laurent Olléon

Par un arrêt rendu le 22 novembre 2018 (CJUE, 22 novembre 2018, aff. C-575/17, Sofina SA, Rebelco SA et Sidro SA), la CJUE a jugé contraire à la libre circulation des capitaux l’application d’une retenue à la source aux dividendes de source française versés à une société non résidente déficitaire.

Le sujet concerne les dividendes de source française versés à une société non résidente qui ne remplirait pas les conditions pour bénéficier du régime mère-fille si elle était française. Etant hors du champ de la jurisprudence Denkavit (CJCE 14 décembre 2006 aff. C-170/05, Sté Denkavit International BV et SARL Denkavit France), cette société va supporter une retenue sur ces dividendes, tout comme une société française serait soumise à l’impôt sur les sociétés à raison des dividendes qu’elle perçoit en dehors du régime mère-fille. Or si les sociétés déficitaires n’acquittent aucun impôt sur les sociétés lorsqu’elles sont françaises, elles supportent la retenue à la source sur les dividendes perçus lorsqu’elles sont non résidentes.

En 2012, le Conseil d’Etat avait jugé (CE plénière, 9 mai 2012, nos 342221 et 3422222, Société GBL Energy ) que les dividendes perçus par une société résidente déficitaire ne sont en fait pas exonérés, mais imposés de façon décalée dans le temps, au titre de l’exercice où la société redevient bénéficiaire. Il en avait déduit que la retenue appliquée aux dividendes perçus par une société déficitaire non résidente ne posait pas de problème au regard du droit de l’Union européenne, s’agissant d’une simple technique de perception de l’impôt adaptée aux sociétés non résidentes, selon l’adage «un tiens vaut mieux que deux tu l’auras».

C’est ce raisonnement que la CJUE a condamné. Elle voit dans l’avantage de trésorerie ainsi procuré aux sociétés françaises déficitaires – lequel peut se muer en exonération, lorsqu’elles cessent leurs activités sans être redevenues bénéficiaires – une discrimination non compensée par la différence de taux d’imposition, qui ne se limite pas aux modalités de perception de l’impôt et qui n’est justifiée ni par une différence de situation objective entre résidentes et non résidentes, ni par la nécessité de préserver la répartition équilibrée du pouvoir d’imposition entre les Etats membres, ni enfin par la nécessaire efficacité du recouvrement de l’impôt. Les sociétés non résidentes qui ont, au cours d’un exercice déficitaire, supporté la retenue à la source sur des dividendes provenant de France vont, en conséquence, pouvoir en obtenir la restitution.

Laurent Olléon

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