L'analyse de Patrick Hubert, Orrick Rambaud Martel

Scoop : Margrethe Vestager serait «totalement folle» ?

Publié le 6 juillet 2018 à 12h50    Mis à jour le 6 juillet 2018 à 14h59

Patrick Hubert

Laurent Wauquiez déclarait récemment dans la presse, à propos de l’Europe : «Il faut remettre à plat notre doctrine de la concurrence, qui est totalement folle.»

Ces chroniques ont suffisamment critiqué les pratiques de la Commission européenne pour échapper à l’accusation de partialité envers elle mais, franchement, on y cherche en vain des traces de «folie». Par rapport à l’approche qui domine encore (mais peut-être pas pour longtemps) aux Etats-Unis, la doctrine européenne est plus formaliste et moins ouverte à l’idée qu’un monopole est parfois le prix à payer pour favoriser l’innovation. C’est une doctrine «sérieuse», un peu ennuyeuse mais pas folle. Par référence à notre histoire, disons qu’elle serait plus Charles V que Charles VI.

Sur cette base, la Commission a commis quelques erreurs retentissantes (la première était sans doute d’interdire l’opération Aérospatiale/De Havilland) mais elle a aussi représenté le seul obstacle auquel les groupes américains aux vues hégémoniques se sont heurtés (Google étant l’exemple le plus récent). Et la Commission n’a pas empêché la naissance de géants européens de la tech : c’est juste qu’aucun candidat ne s’est manifesté ! Quant à la doctrine américaine, elle est critiquée au sein même de l’Université de Chicago qui l’a engendrée, pour avoir abouti à une concentration excessive de l’économie.

Au fond, on pourrait approuver Laurent Wauquiez s’il disait que manque à la Commission le pouvoir de favoriser de temps en temps les entreprises européennes, en les laissant se concentrer, afin de répondre par notre propre nationalisme à celui des autres. Ce manque ne saurait être qualifié de folie : il est juste qu’une autorité de concurrence s’intéresse à ce que font les acteurs sur les marchés, pas à leur nationalité. Si l’on veut qu’il en aille autrement, il faut que le législateur le leur demande, et avec des précautions car les risques ne sont pas négligeables : déclenchement de représailles, laxisme dont les consommateurs européens seraient les victimes.

Plus qu’un grand coup de barre, il faudrait un microréglage, plus difficile hélas à intégrer dans un programme politique…

Patrick Hubert

Chargement en cours...