Quel lien entre la détention d’un fonds par son gérant et ses performances ?

Publié le 25 septembre 2020 à 16h43

Jean-François Boulier

Le fait qu’un gérant investisse lui-même dans son fonds est souvent présenté comme un signe positif pour l’investisseur final, au motif que cette pratique permet un alignement d’intérêts entre les deux parties. Un chercheur suédois a cherché à savoir si cette caractéristique se traduisait par de meilleures performances.

Comme le soutiennent depuis plusieurs années déjà les tenants de la gestion alternative, la détention d’un fonds par son gérant constitue un signe positif pour l’investisseur externe, au motif que cela permet un alignement d’intérêts entre les deux parties. Cet argument est aujourd’hui également repris par les spécialistes de la gestion de fonds classique. Même si des règlements ont encadré cette pratique dans différents pays et si les caractéristiques de chaque marché ont leur influence, il est utile de vérifier si la détention du fonds par son gérant est synonyme de surperformance d’une part, et si cette dernière peut être mesurée d’autre part.

Plus de 550 fonds étudiés

Le chercheur suédois Markus Ibert s’est justement intéressé aux relations entre les performances des fonds mutuels et leur détention par leur gérant sur le marché suédois. Dans son article intitulé «What Do Mutual Funds Managers’ Private Portfolios Tell Us about Their Skills ?», les données utilisées croisent des sources anciennes, de 1999 à 2009, sur les fonds et leurs gérants. Il utilise pour ce faire plusieurs bases d’information (Sécurité sociale, etc.), qui permettent notamment de suivre les compositions détaillées des portefeuilles individuels année après année. Après un travail de recoupement, l’analyse a pu porter sur 556 fonds de toutes natures (diversifiés, obligataires ou actions) et sur une population de 361 gérants, dont l’âge, le sexe et les revenus sont également connus.

Le principal message de cette analyse, très poussée du point de vue des méthodes statistiques et des données utilisées, peut être résumé par la corrélation marquée entre les détentions et la surperformance relative aux indices de référence des fonds. Pour la résumer, un investissement par un gérant d’un million de couronnes (environ 150 000 euros) dans le véhicule qu’il gère se traduit en moyenne par un accroissement d’environ 0,8 du ratio d’information. Cet indicateur permet de mesurer la surperformance ou la sous-performance d’un fonds par rapport à son indice de référence. A titre de comparaison, un ratio d’information de 0,5 est considéré comme un très bon score. L’étude montre que ce sont surtout les plus gros investissements qui génèrent les surperformances, les investissements plus modestes n’ayant pour leur part pas d’incidence, ou peu s’en faut. Les autres facteurs, comme la richesse du gérant, ses revenus ou encore son sexe, pèsent peu. Un autre paramètre ressort sans surprise, cette fois-ci pour expliquer la baisse des ratios d’information : les divers frais prélevés par le fonds.

Une surperformance plus marquée pour les fonds investis en actions

Ces conclusions s’expliquent toutefois en partie par les spécificités du pays étudié et de la période analysée. Le marché suédois de la gestion de fonds se caractérise par un poids particulièrement important des quatre principales banques, dont les filiales d’asset management gèrent ensemble une moitié dudit marché. La sous-performance moyenne sur cette période de leurs fonds par rapport à l’indice de référence est de 1,5 % alors que celle des autres fournisseurs dans leur ensemble est nulle. De plus, la détention moyenne par les gérants de ces filiales de banques ressort à 12 000 couronnes, là où les gérants des autres asset managers investissent en moyenne 140 000 couronnes. Enfin, l’étude souligne que l’effet mis en évidence est plus prononcé sur les fonds investis en actions.

Est-ce parce que les gérants investissent dans leur fonds qu’ils sont plus performants ? L’auteur pense que non au vu des résultats statistiques. Il ne trouve d’ailleurs aucun lien causal entre les performances passées et les flux d’investissement de leurs gérants.

Jean-François Boulier Président d'honneur ,  Af2i

Jean-François Boulier est président d'honneur de l'Af2i.

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