Ressources humaines

Les financiers s’adaptent aux Millenials

Publié le 21 juin 2019 à 15h02    Mis à jour le 21 juin 2019 à 17h12

Alexandra Milleret

Jugée moins engagée dans son travail et moins loyale vis-à-vis de ses employeurs, la nouvelle génération des Millennials impose progressivement une perception du monde professionnel différente de celle de leurs aînées. Dans ce contexte, les entreprises financières sont obligées de repenser leurs méthodes de management.

Entrés dans le monde de l’entreprise au début des années 2000, les Millennials (ou génération Y, née entre 1980 et le milieu des années 1990) représentent aujourd’hui environ 40 % de la population active mondiale et 50 % d’ici deux ans, selon l’Insee. Une situation loin d’être neutre pour les entreprises, tant un certain nombre de stéréotypes collent à la peau de ces jeunes salariés. On les dit en effet moins engagés, moins fidèles, portant une attention démesurée aux congés et aux horaires. «Il existe beaucoup d’angoisse de la part des entreprises à l’idée que les Millennials remettent en cause l’autorité de la direction», confie Ouriel Darmon, fondateur de Student Pop, application pour les jobs étudiants. Ces craintes se constatent également dans le secteur de la finance.

Il faut dire que leur comportement surprend bien avant qu’ils intègrent l’entreprise, dès leur recrutement. «Lors d’un entretien d’embauche, les générations précédentes manifestaient leur motivation à rejoindre les équipes internes, explique Cyril Kammoun, CEO de Degroof Petercam. Désormais, les rôles sont inversés. C’est aux dirigeants de séduire ces jeunes candidats et de répondre à leurs questions.»

La quête d’un épanouissement personnel

De fait, les Millennials ne se contentent plus aujourd’hui d’un salaire attractif pour accepter une offre d’emploi. «Ce phénomène se constate même dans le secteur de la banque et de la finance», constate Cyril Kammoun. Si la génération Y veut gagner de l’argent et pouvoir consommer, elle accorde une grande valeur aux aspects communautaires et sociaux de la société. «Intégrer une belle entreprise sur du long terme n’est plus l’objectif des Millennials, souligne Olivier Ramel, fondateur de Kymono et expert de la valorisation de la culture d’entreprise. Ils sont de plus en plus exigeants dans leurs choix. Il existe une réelle réflexion de choix de vie en plus de la réalisation professionnelle. Les Millennials veulent être épanouis dans leur environnement au travail quand les membres des générations précédentes étaient simplement contents d’avoir eu un CDI.» Ainsi, le plan de carrière traditionnel des générations précédentes ne fait plus recette ; les jeunes recrues veulent donner du sens à leur vie active et s’inquiètent de l’impact que leur mission aura sur la société. 82 % des Millennials considèrent que le succès d’une entreprise se mesure à sa capacité d’engagement et à sa contribution au progrès social, selon l’Insee.

«Les Millennials sont attirés par les “à-côtés” d’une entreprise même dans le secteur de la finance : ses engagements en faveur de l’environnement, de l’éducation, etc.», observe Bertrand Gibeau, directeur général délégué de Reinhold Partners et chargé d’enseignement en master finance à l’université Paris-Dauphine. De même, au sein de l’entreprise, les Millennials ne sont pas prêts non plus à tout accepter. S’ils manifestent un réel intérêt pour leur mission, ils entendent la remplir différemment. «Cette génération est très exigeante quant à ses conditions de travail, constate Cyril Kammoun. Elle vit dans l’ère du télétravail et bouleverse les codes vestimentaires en interne. Le traditionnel costume cravate a laissé la place aux tenues plus décontractées, même dans le milieu pourtant très codifié de la banque d’affaires.» D’ailleurs, les Millennials n’hésitent pas à quitter une structure dont le modèle de management est trop rigide. «Augmenter la rémunération d’un collaborateur ne suffit plus à le fidéliser à l’entreprise», déplore Cyril Kammoun.

Une nécessaire évolution du management

Dans ce contexte, depuis quelques années, les chefs d’entreprises ont été obligés de repenser leur méthode de management. Certaines directions des ressources humaines telles que celle de JP Morgan ont même mené une réflexion à l’échelle globale pour mieux comprendre cette nouvelle génération de salariés et la faire adhérer à la stratégie de la banque d’affaires. «Une fois par an depuis deux ans, nous questionnons nos jeunes collaborateurs à l’aide d’un sondage réalisé par un cabinet externe pour les interroger sur leurs attentes, indique Cyril Kammoun. Cette méthode nous permet de nous remettre en question sur un certain nombre de critères : l’éthique, les méthodes de management, les horaires, l’espace de travail, la chaîne hiérarchique, etc.» Ainsi, des pratiques sociales insolites allant des paniers de fruits aux plans d’entreprises dans lesquels les salariés peuvent donner des heures destinées à des causes humanitaires ont fait leur apparition dans les entreprises.

Par ailleurs, les directions générales n’hésitent plus, aujourd’hui, à faire participer les Millennials à la conception de la stratégie de l’entreprise.«Pour créer une cohésion de groupe, les dirigeants doivent être très pédagogiques et transparents avec cette jeune génération, conseille Bastien Valensi, fondateur de Cabaia, start-up de création d’accessoires. Ils doivent créer un dialogue qui aide les Millennials à participer à l’esprit de l’entreprise, à s’y projeter et à construire. Par exemple, nous envoyons chaque semaine un mail “Newsletter Hebdo” interne qui précise les objectifs chiffrés pour chaque canal de vente et les informations importantes de la semaine à venir, ainsi que les objectifs à plus long terme. Ce mail nous permet d’avoir une vision concrète de notre avancée et de déterminer nos axes d’amélioration prioritaires.»

Toutefois, malgré ces évolutions managériales, les Millennials restent encore aujourd’hui très imprévisibles. «C’est une génération très volatile et un peu ingrate, elle adhère à un projet et puis un jour elle quitte l’entreprise, c’est toujours très déroutant», regrette Cyril Kammoun. Une liberté qui n’a pas fini de perturber les entreprises, d’autant que beaucoup d’entre elles n’ont pas encore pris conscience de l’importance de soigner en interne leurs Millennials.

Un enseignement financier adapté aux Millennials

Entrée dans la vie active au début des années 2000, la génération Y, qui travaille dans la finance, a connu successivement en 2008 la crise économique et financière, l’affaire Jérôme Kerviel/Société Générale et le scandale Bernard Madoff aux Etats-Unis. Résultat : Certains métiers, comme celui de trader, sont devenus moins attractifs. «Auparavant, devenir trader était considéré comme très excitant par les étudiants, avec la possibilité de gagner beaucoup d’argent et des bonus importants, constate Bertrand Gibeau, directeur général délégué de Reinhold Partners et chargé d’enseignement en master finance à l’université Paris-Dauphine. Tous voulaient travailler dans des banques d’affaires renommées. Mais les nouvelles réglementations ont fait évoluer les mentalités. Il y a désormais un avant et un après-crise financière.» Ainsi, le contenu des enseignements financiers de Paris-Dauphine a été repensé pour expliquer à la nouvelle génération la nouvelle finance régulée (Bâle III, fonds d’investissement ISR, distribution différée des bonus, etc.).

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