Future of Finance Edition 2019

Vers une direction financière «augmentée»

Publié le 29 novembre 2019 à 15h19

Contenu proposé par Deloitte

A l’occasion de la journée Future of Finance, organisée par Losam Agency et en partenariat exclusif avec Deloitte le 5 novembre 2019, les directeurs financiers sont venus débattre de la transformation digitale de leur fonction. Une évolution portée certes par les opportunités que leur offrent les innovations technologiques en termes d’efficacité et d’usages mais également par les attentes des clients et desncollaborateurs qui œuvrent au quotidien au sein des équipes financières.

Les directions financières sont-elles conscientes de l’impact de leurs choix d’investissement sur le développement durable ?

Laetitia Leonard-Reuter, CFO, ExCom member, Generali : La finance sera verte ou ne sera pas. Lorsque nous allons à la rencontre des investisseurs, notamment aux Etats-Unis, ils nous demandent tous où nous en sommes en termes d’ESG, Green, ISR. Il s’agit là d’une préoccupation majeure. Dans notre métier d’assureur, nous intervenons à un double niveau pour répondre aux attentes du marché autour du développement durable. Nous avons en premier lieu une grande responsabilité sur les investissements. Pour participer à la transition énergétique, nous œuvrons sur différents chantiers. Nous sommes capables de mesurer l’impact, par rapport aux deux degrés de réchauffement climatique, de nos investissements sur la planète. Nous mettons un filtre éthique sur tous nos investissements, dont les deux tiers sont labellisés ISR. Nous faisons également de l’activisme grâce à nos votes en assemblée générale. Par ailleurs, les assureurs ont aussi un rôle sociétal à jouer sur le developpement des produits, favorisant par exemple un meilleur accès aus soins de santé, une préparation de la retraite bien anticipée ou encore une couverture adéquate des risques des petites entreprises. A la direction financière, nous sommes capable de mesurer et d’orienter une partie de nos investissements en faveur de budgets dédiés à l’assurance de projets «verts». Par exemple, les nouveaux véhicules électriques individuels : un risque plus difficilement assurable car sans données historiques. Nous avons un rôle clé à jouer, qui nécessite parfois d’aller aussi discuter avec le législateur des aspects réglementaires.

Sreedhar N, Group Chief Financial Officer, Saint Gobain : Saint Gobain s’est pour sa part engagé à réduire ses émissions de carbone à zéro d’ici 2050. Il est évident que les financiers, dans le cadre de cet objectif, sont fortement impliqués et ont un rôle indispensable. Ils participent aux discussions d’investissement, et déterminent quelles doivent être les rotations de portefeuille (quels sont les métiers à garder, ceux dans lesquels il faut investir, etc.). Nous ne pouvons pas avoir, en termes d’investissement, un comportement différent de nos valeurs. C’est le financier qui en sera le garant.

Laurent Martinez, Chief Financial Officer, Alstom : Alstom a décidé de ne pas investir dans les trains diesel et, au contraire, d’innover dans les trains à hydrogène. Il s’agit d’un choix d’investissement coûteux, mais d’avenir. Nous sommes d’ailleurs convaincus que le transport est un élément clé de la transition énergétique. Et le transport vert est la raison d’être de ce que souhaite aujourd’hui développer Alstom. D’autre part, relever le défi de la transition énergétique dans le secteur du transport est fortement motivant pour les financiers comme pour les opérationnels du groupe Alstom. En qualité de financiers, nous avons tous des choix et une capacité à orienter les investissements sur les produits que nous souhaitons avoir ou encore les investissements industriels quels qu’ils soient. Enfin, de plus en plus, les investisseurs nous questionnent sur ces sujets. Nous sommes d’ailleurs aujourd’hui persuadés que les consommateurs et décideurs feront des choix de produits et d’investissements en faveur d’une croissance durable.

Ugo Supino, CFO Galeries Lafayette : Il s’agit d’une réflexion au cœur de la stratégie d’entreprise. Nous devons respecter les exigences du client. A cet effet, dans le cadre de nos négociations avec les fournisseurs, nous les poussons à nous proposer des produits qui respectent certains critères. Nous veillons également à mettre en œuvre des démarches vertueuses au sein de notre parc immobilier ou en matière de consommation d’énergie, de produits verts, d’éthique, de social, etc. La fonction finance a l’obligation de regarder et de chercher à comprendre le futur, car il lui revient de coordonner ces démarches. Il est important aujourd’hui de savoir se projeter dans le futur et de regarder les mouvements qui se dessinent et qui auront un impact sur le marché mais également sur notre propre fonctionnement, afin de les anticiper. 

Dans ce contexte, comment évolue le rôle de la fonction finance ?

Gautier Riche, Associé Deloitte : La fonction finance a parfois été considérée comme étant un garde-fou, le pied sur le frein. Aujourd’hui ses nouvelles missions lui redonnent le «sense of purpose», et donc une légitimité renforcée auprès des décideurs. Une image qui d’ailleurs correspond aux attentes des profils plus jeunes, friands d’innovation et formés aux nouveaux enjeux, dont nous avons besoin aujourd’hui dans la fonction finance. Il s’agit donc d’une évolution enthousiasmante et porteuse de sens.

Sreedhar N : La fonction finance est la seule qui aujourd’hui a un regard global sur l’entreprise, la seule à être impliquée dans toutes les discussions et les décisions. Cela lui donne une responsabilité particulière. Nous ne sommes pas là juste pour dire ce qui se passe, mais aussi pour affirmer des convictions et challenger l’équipe de management sur ce qu’il faut mettre en place.

Laetitia Leonard-Reuter : La finance a des attributions régaliennes. Elle est la garante de la situation financière de l’entreprise. A cet effet, nous avons mis en place des systèmes de sécurisation, d’automatisation, d’appétence aux risques, etc. Tout l’enjeu consiste aujourd’hui à sortir de cette fonction régalienne pour aller embrasser un univers beaucoup plus large. Nous devons être des architectes de la performance et non nous cantonner à un rôle en bout de chaîne pour enregistrer des opérations. Nous devons être en amont pour orienter des prises de décisions, basées sur des faits et des données. Qui mieux que nous peut guider les membres du Comex dans la direction que doit prendre l’entreprise ? Nous avons la chance d’avoir une vision à 360 degrés et de comprendre les mécanismes de création de valeur. Notre rôle de boussole est fondamental. Une mission que nous pouvons d’autant plus légitimement mener lorsque nous sommes passés par des fonctions plus opérationnelles. Avoir des gens au sein des directions financières qui ont été opérationnels nous autorise aujourd’hui à sortir de notre cadre traditionnel. C’est d’ailleurs ce que nous attendons aujourd’hui des financiers. 

Comment évolue la fonction finance au sein des organisations ?

Laurent Martinez : En effet, la fonction finance doit être au contact de tous dans l’entreprise. L’interface client amène une légitimité lorsque nous parlons de la performance. C’est en effet très simple à l’heure actuelle, pour un contrôleur de gestion, de porter un jugement sur la qualité d’une négociation. C’est en revanche beaucoup plus compliqué, lorsque nous sommes assis autour de la table de négociation avec le client, de participer avec le chef de projet à cette négociation. Au contraire, nous pouvons amener, avec des outils et arguments, à quelque chose de plus optimal pour une entreprise. C’est la raison pour laquelle il est pertinent que la finance soit face aux clients. Chez Alstom, nous avons 500 projets, donc 500 «finance managers» à la tête de ces projets. Pour certains de nos financiers qui ont été éduqués dans le reporting et ont peu ou n’ont pas été engagés aux côtés des clients et des fournisseurs, il s’agit là d’une révolution copernicienne. L’une des clés de réussite de cette démarche consiste à créer des interactions entre la finance et les métiers. Aujourd’hui, chez Alstom, nous recrutons par exemple des ingénieurs et des commerciaux à la finance. A l’inverse, certains de nos financiers vont prendre des fonctions au sein d’autres directions métiers. Cette rotation permet d’avoir ce changement culturel dans l’entreprise.

Ugo Supino : La fonction finance comprend, selon les cas, des fonctions très différentes qui vont de la consolidation au contrôle de gestion, du reporting financier au financement, de la fiscalité au juridique, etc. Les financiers sont ainsi formés d’une population très diverse : il ne faut pas limiter la finance au contrôle budgétaire qui analyse des écarts. Ça ne sert en effet à rien de se limiter à la production d’informations si, derrière, personne ne peut ou ne sait, interpréter les données. Il est désormais indispensable d’aller plus loin que la seule production de données, ce qui est parfois le cas dans plusieurs entreprises. Il y a donc aujourd’hui un travail à faire sur la formation des financiers et le recrutement de personnes ayant des expériences différentes. D’autre part, il faut comprendre que le monde actuel est en accélération : si nous ne comprenons pas la vitesse, changeons de métier. Nous ne nous projetons jamais assez dans ce que sera le monde de demain, ce qu’il sera dans 10 ans ; pourtant c’est indispensable pour assurer complètement notre rôle et pour anticiper. Nous devons le faire pour permettre à l’entreprise de s’adapter et d’évoluer. La fonction finance doit être en capacité de voir ce que sera le monde dans plusieurs années pour bien en appréhender les défis. Toute la difficulté consiste à savoir appréhender ce futur tout en gérant le quotidien.

Sreedhar N : Le monde est en train d’évoluer très rapidement. Donc nous devons nous adapter. L’agilité n’est pas un cliché mais une nécessité. Si nous n’allons pas vite, le client ne nous attendra pas et nous manquerons des opportunités. D’autant qu’avec le monde interconnecté actuel, il saura aller se servir ailleurs si nous ne lui apportons pas satisfaction immédiatement. L’agilité doit aujourd’hui être dans notre ADN. Le client n’a pas besoin de nous, c’est nous qui avons besoin des clients. 

Comment se transforment les organisations financières ?

Gautier Riche : Le futur c’est une chose, mais encore faut-il déjà s’approprier complètement le présent. Cela rejoint cette notion de rythme de la transformation. Il faut clairement accélérer. La fonction finance ne va pas disparaître au profit des robots. Certaines de ses missions vont être profondément repensées et ce, notamment grâce aux technologies. Mais c’est une fonction dont la mission évolue, qui se projette et qui offre des perspectives d’avenir.

Laurent Martinez : La transformation nécessite d’embarquer l’ensemble de la fonction finance. Par exemple, chez Alstom, l’énergie et le changement doivent venir des 1 100 personnes qui composent sa fonction finance. Il s’agit d’un premier enjeu. Dans le cadre de cette démarche, nous nous attachons notamment à laisser de l’espace à l’innovation, aux projets, aux proofs of concept. Par exemple, nous avons laissé de l’espace à notre shared service en Inde pour développer des robots d’automatisation qui vont aider à simplifier la vie des contrôleurs de gestion de La Rochelle. De tels projets s’inscrivent dans le cadre d’un plan de transformation globale avec des priorités qui sont la performance, l’efficacité, la digitalisation, etc. Concernant la méthode, je crois davantage aux logiques de mini-projets sous une égide et une gouvernance globales qu’à un sponsorship beaucoup plus vertical.

Comment rendre la fonction finance plus attractive ?

Laetitia Leonard-Reuter : Aujourd’hui, dans notre secteur tertiaire fondé sur le capital humain, la première chose sur laquelle nous devons miser, ce sont les hommes et les femmes de nos équipes. Nous devons réfléchir sur la proposition de valeur d’un passage ou d’une carrière en finance. Nous sommes en effet perçus comme une fonction très exigeante, avec des contraintes, notamment en termes de délais de clôture, de forecast et autres à respecter… Face à ce contexte et à la tension sur le marché de l’emploi, nous ne sommes pas dans une posture où nous sélectionnons les personnes qui vont venir travailler. Nous devons plutôt faire la promotion de notre organisation et les attirer. Nous passons beaucoup de temps à expliquer ce qu’un passage à la finance peut apporter à nos collaborateurs. Nous avons ainsi des initiatives pour donner envie aux gens de venir. A nous de réfléchir sur la proposition de valeur que nous pouvons, au sein de la finance, leur apporter, notamment en termes d’évolution au sein de l’entreprise.

Ugo Supino : Il est important de pouvoir faire évoluer les gens dans différentes fonctions, mais il faut les former. Il faut être capable de communiquer sur le sens de ce que nous faisons avec les autres ; sinon, nous le leur imposons. D’autre part, les nouvelles générations ont un rapport au travail totalement différent. Ils n’ont pas le même attachement à l’entreprise. Il est donc important de les impliquer, de leur délivrer une vision globale de l’entreprise et de leur donner envie de rester.

Sreedhar N : Nous avons toujours de nombreux débats d’organisation. Au sein de la fonction finance, pour gagner en efficacité, plusieurs éléments sont à prendre en considération : l’attitude au travail, l’intégration au métier, la compréhension du besoin client et la capacité à remplir ses fonctions régaliennes. Mais le financier doit surtout être capable dans son rôle de business partner d’amener de la valeur ajoutée. C’est comme cela qu’il gagne en crédibilité ce qui lui permet de remplir plus facilement en contrepartie ses roles régaliens. Enfin, il est indispensable que le financier sorte de son bureau pour apprendre et s’inspirer des meilleures pratiques.

Ugo Supino : Nous ne devons plus être la fonction qui dit non ! Si un financier peut apporter quelque chose au business, il trouvera sa marque, sa place. La première étape consiste à apporter quelque chose.

Gautier Riche : La fonction souffre parfois d’une image poussiéreuse. Cela ne correspond plus à la réalité. Les enjeux qu’elle doit adresser sont importants et son rôle auprès du métier se renforce. Sa modernisation répond à une double injonction : d’un côté, l’évolution de ses missions et de l’autre, les forte attentes des collaborateurs. Il faut donc avancer sur plusieurs fronts : les nouvelles compétences des collaborateurs, et notamment de type softskills, et de nouveaux types d’organisation et de management. Les méthodes de travail évoluent également, pour gagner en réactivité et en agilité. Tous ces élements contribuent à l’attractivité de la fonction, notamment auprès des profils plus jeunes. 

Quelle est la place de l’intelligence artificielle dans ce schéma ?

Sreedhar N : Au-delà de nos approches digitales déjà lancées, nous devons trouver comment utilser l’intelligence artificielle pour améliorer l’efficacité de la fonction finance. Chez Saint Gobain, nous avons fixé trois objectifs aux équipes financières : tout ce que nous faisons doit être 100 % sans papier, 100 % tableaux de bord et zéro Excel !

Laetitia Leonard-Reuter : Au sein de la finance, pour notre propre transformation, nous avons déjà beaucoup œuvré sur les problématiques réglementaires et comptables. Il y a, sur ce sujet, un formidable terrain de jeu pour tout le RPA et tout ce qui touche à l’automatisation. Sur les chaînes de production, nous avons fait de véritables sauts quantiques. Par exemple, sur les placements, nous avons été capables en peu de temps d’intégrer complètement notre chaine front to back-office : de l’investissement jusqu’à la comptabilité ce qui, au regard des montants que nous traitons, est énorme. C’est au sein de nos équipes finance que nous avons les projets les plus importants en la matière. En revanche, sur le volet intelligence artificielle, nous avons un peu moins d’applications possibles. Nous en sommes au stade des POC.

Laurent Martinez : Si la finance utilise déjà la data analytics, en revanche, ce n’est pas encore vraiment le cas pour les technologies d’intelligence artificielle. Cette technologie est encore récente pour nos fonctions. Dans la finance, la traçabilité de la source des informations est indispensable. Or, l’intelligence artificielle peut brouiller cette démarche. Aujourd’hui, l’intelligence artificielle reste plus un concept qu’une réalité au sein de la fonction finance.

Ugo Supino : Nous nous frottons à l’intelligence artificielle pour différentes raisons. En qualité de groupe de retail, nous vendons beaucoup de produits différents et avons, à ce titre, plusieurs centaines de milliers de références qui se renouvellent très rapidement. Le digital nous permet déjà de faire face aux difficultés de paramétrage liées à ces référencements. Parallèlement, nous devons faire face à une concurrence complètement digitale et qui mène de nombreuses recherches et démarches autour de l’intelligence artificielle. Nous devons regarder ce qu’il y a à l’extérieur et comment nous pouvons l’utiliser de la manière la plus intelligente possible.

Gautier Riche : L’intelligence artificielle fait l’objet de nombreuses discussions au sein des DAF. Elle n’est d’ailleurs pas toujours bien comprise. C’est aujourd’hui une technologie qui évolue encore beaucoup et dont le potentiel est énorme, même sur la fonction finance. D’ailleurs, certaines solutions digitales innovantes l’intègrent déjà sur certains de leurs composants. Son adoption au sein de la fonction finance est à ce jour limitée et porte sur certaines tâches précises. Mais des expérimentations existent et donnent des résultats très encourageants. Nous ne sommes qu’au début de l’aventure. 

Laetitia Leonard-Reuter : Il faut avant tout être positif vis-à-vis de nos équipes !

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