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L’évaluation d’un usufruit temporaire de titres : le Conseil d’Etat prend position (1) 

Publié le 23 septembre 2022 à 15h06

CMS Francis Lefebvre    Temps de lecture 4 minutes

Par Richard Foissac, avocat associé en fiscalité.  richard.foissac@cms-fl.com

Le Conseil d‘Etat a récemment eu à trancher sur la question de l’évaluation d’un usufruit temporaire de titres dans le cas d’une cession. Il a à ce titre privilégié une méthodologie d’évaluation reposant quasi-exclusivement sur une estimation des flux futurs attendus de la détention de l’usufruit.

Il s’agissait en l’espèce de la cession de l’usufruit temporaire d’une société civile d’exploitation viticole.

L’administration fiscale considérait que la valeur de cession retenue entre les parties était insuffisante et s’est préoccupé de procéder à sa propre évaluation de l’usufruit cédé.

Elle a, pour ce faire, retenu une méthode consistant à effectuer la moyenne arithmétique de deux valeurs obtenues, pour la première, à l’aide de la méthode de la valeur actualisée des flux de revenus futurs, en capitalisant le montant du dividende moyen distribué les trois années précédant la cession en litige, à partir d’un taux de rendement, et d’un taux de croissance des dividendes sur la durée de l’usufruit et, pour la seconde, à l’aide de la méthode de la valeur en pleine propriété des titres, l’usufruit étant alors déterminé à partir du taux de rendement des titres sur la durée de l’usufruit.

L’Administration a ainsi réévalué la valeur de cession de l’usufruit temporaire réalisées et a réintégré la différence dans l’actif net de la société cessionnaire en application de la jurisprudence CERES (CE 3e-8e-9e-10e ch.n°387071 du 09/05/2018).

La société cessionnaire a contesté cette méthode au motif notamment que le montant des distributions prévisionnelles tel que déterminé par l’Administration aurait été surévalué en tant qu’il ne prenait pas en compte certains éléments susceptibles de l’affecter tel que notamment le solde de la trésorerie disponible.

Elle a également proposé une méthode alternative fondée sur le solde actualisé de la trésorerie disponible correspondant à la différence entre l’excédent brut d’exploitation et le besoin en fonds de roulement, les annuités d’autofinancement des investissements et la rémunération des associés.

Le Conseil d’Etat n’a retenu ni les critiques, ni la méthode alternative proposée et a jugé que dès lors qu’en cas de démembrement de droits sociaux, l’usufruitier, conformément à l’article 582 du Code civil qui lui accorde la jouissance de toute espèce de fruits, n’a droit qu’aux dividendes distribués, il en résulte que l’évaluation du revenu futur attendu par un usufruitier de parts sociales ne peut avoir pour objet que de déterminer le montant des distributions prévisionnelles, qui peut être fonction notamment des annuités prévisionnelles de remboursement d’emprunts ou des éventuelles mises en réserves pour le financement d’investissements futurs, lorsqu’elles sont justifiées par la société.

En l’espèce, les hauts magistrats ont ainsi retenu que depuis sa création, la totalité des bénéfices de la société dont l’usufruit temporaire des titres avait été cédé, avait été distribuée et appréhendée par les associés, par perception de numéraire ou par inscription au crédit des comptes courants d’associés, cette dernière précision mettant fin à tout débat sur le montant de la trésorerie disponible, et que la méthode substitutive proposée, en ce qu’elle se bornait à déterminer l’endettement financier de la société et sa trésorerie disponible, ne permettait pas de déterminer le montant des distributions prévisionnelles attendu par l’usufruitier.

On comprend ainsi que les seuls véritables points de désaccord qui pourront subsister seront ceux portant sur l’estimation des dividendes futurs (à ce titre le fait de capitaliser les dividendes antérieurs versés n’est pas à l’abri de toute critique) et sur la politique de distribution des dividendes qui revêt une grande importance en présence d’un usufruit temporaire et surtout lorsque que « cohabitent » au sein de la société, des actionnaires plein propriétaires et des actionnaires usufruitiers lesquels n’ont pas nécessairement la maitrise de la politique de distribution de dividendes. 

1. CE 9e-10e ch. 20-5-2022 no 449385, Sté civile Ambroise Collard et A.


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