La lettre gestion des groupes internationaux

Octobre 2016

L’amélioration des moyens de règlement des différends : l’insécurité fiscale au cœur du débat

Publié le 7 octobre 2016 à 10h17    Mis à jour le 7 octobre 2016 à 17h10

Eric Bonneaud et Myriam Elle, PwC Société d’Avocats

L’OCDE a développé dans le cadre de son projet BEPS un ensemble de mesures dont la vocation est de redessiner les principes de la fiscalité internationale, matérialisé par les désormais bien connues 15 actions pour lesquelles un rapport spécifique a été ou va être émis de manière définitive.

Par Eric Bonneaud, avocat associé, PwC Société d’Avocats et Myriam Elle, avocat, PwC Société d’Avocats

Cette inflation de nouvelles recommandations a pu laisser redouter une apparition rapide de nouvelles normes nationales – on en mesure déjà les effets dans beaucoup de pays qui se sont lancés dans la mise en œuvre du BEPS sous ces différentes facettes – avec le risque que, derrière l’unité de façade des Etats, certains puissent être tentés d’adopter des règles reprenant seulement en partie les recommandations BEPS ou, pire, d’aller au-delà de la «simple» mise en œuvre de ces recommandations.

Fort heureusement, l’OCDE a logé dans ses travaux un volet moins normatif ayant vocation à prendre acte d’une situation – une hausse constante des doubles impositions, en particulier en matière de prix de transfert –, et une incapacité pour la plupart des Etats, pour des raisons allant des moyens dédiés existants, du nombre de dossiers, du manque d’expertise ou de pratique, à les solutionner dans des délais raisonnables à l’échelle de la vie des affaires.

Le sujet n’est pas nouveau. Dès 2002, l’OCDE s’était penchée de manière spécifique sur cette hausse des doubles impositions en consacrant un volet de ses travaux d’alors à l’amélioration du règlement des différends.

Ces travaux avaient débouché sur deux éléments concrets et spécifiques : le développement d’une clause d’arbitrage en matière de prix de transfert depuis intégrée dans le modèle de convention fiscale de l’OCDE et reprise par beaucoup d’Etats dans leurs récentes négociations de conventions fiscales, dont la France ; la mise en place d’un instrument méthodologique pour un meilleur traitement des procédures amiables dénommé alors le MEMAP («Manual On Effective Mutual Agreement Procedures», OCDE, 2007).

D’autres organisations, comme l’Union européenne, se sont aussi attachées à une amélioration du fonctionnement de leur propre instrument de résolution des différends, à savoir la convention européenne d’arbitrage du 23 juillet 1990, sous l’égide des travaux menés par le Forum européen sur les prix de transfert.

Depuis lors, la situation ne s’est guère améliorée. Si l’on en juge par les dernières statistiques de l’OCDE, le nombre de procédures amiables bilatérales des pays membres ou associés non réglées serait passé entre 2006 et 2014 de 2 400 à près de 5 500 cas (hors convention européenne d’arbitrage) avec une durée moyenne de règlement de vingt-quatre mois et un nombre de demandes d’ouverture qui a plus que doublé en moins de dix ans.

On comprend alors les inquiétudes légitimes de la communauté des affaires face à l’introduction de modifications de normes dans une situation globale de doubles impositions dont la résolution s’est déjà fortement dégradée au fil des années.

Ce phénomène s’est par ailleurs accentué avec la tendance générale des Etats et des administrations, pour des raisons aussi budgétaires, à adopter des approches beaucoup plus strictes et intransigeantes dans le cadre des contrôles opérés en matière de prix de transfert.

Cette tendance a aussi son corolaire dans l’ordre interne avec une hausse continue des différends en matière de prix de transfert soumis à l’appréciation des juges.

Dans ce cadre-là, le rapport BEPS Action 14 intitulé «Accroître l’efficacité des mécanismes de règlement des différends» est le bienvenu en ce qu’il vient contrebalancer des rapports véhiculant des actions plutôt anxiogènes.

Ses objectifs, tournés vers une meilleure fluidité, efficacité, rapidité et une moindre opacité dans le traitement des procédures amiables par les autorités compétentes, sont assortis de mesures pragmatiques : la création d’un forum entre autorités compétentes permettant une revue des pairs et au-delà des échanges multilatéraux d’expériences entre ces autorités améliorant le règlement pratique et effectif des doubles impositions dans des délais plus raisonnables, ou encore la promotion de l’arbitrage.

Le sujet a pris une telle ampleur que l’OCDE a vocation à amplifier le résultat de ces travaux afin de créer un environnement beaucoup plus sécurisant pour les entreprises en matière de prix de transfert.

Pour aller plus loin qu’une simple amélioration du traitement des doubles impositions par les procédures amiables, la clause d’arbitrage conventionnelle pourrait trouver ses effets décuplés si elle est, comme cela semble être l’objectif, intégrée dans l’instrument multilatéral devant permettre une mise à jour «automatique» des réseaux conventionnels des pays se ralliant au BEPS. Encore faudra-t-il que l’OCDE examine les moyens nécessaires pour qu’une telle clause puisse fonctionner de manière effective quand un opérateur soumis à une double imposition non résolue demandera sa mise en œuvre.

Autre élément fort et nécessaire, la sécurité fiscale et juridique implique aussi que les situations puissent être traitées en amont. La promotion active par l’OCDE des politiques d’APA (accords préalables sur les prix de transfert), négociés sur des bases bilatérales ou multilatérales, permettrait à cet effet aux entreprises d’effectuer leurs choix stratégiques dans des conditions plus sereines et pérennes.


La lettre gestion des groupes internationaux

Le cadre inclusif : l’OCDE sans frontières

Eric Bonneaud, PwC Société d’Avocats

Après avoir développé son projet BEPS suivant les axes matérialisés par ses 15 rapports, l’OCDE a plus récemment adopté une approche globalisante – intégrer le maximum d’Etats et d’organisations internationales – avec une vision novatrice reposant sur un traitement des Etats – OCDE ou non – sur un pied d’égalité dans l’implication dans les travaux.

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