La lettre de l'immobilier

Mai 2017

La protection de l’architecte auteur

Publié le 26 mai 2017 à 15h05    Mis à jour le 26 mai 2017 à 18h09

Thomas Livenais

A l’instar de tout travail créatif, l’architecture est génératrice d’œuvres de l’esprit protégeables par le droit d’auteur, ce qui est d’ailleurs expressément consacré par l’article L. 112-2 7° du Code de la propriété intellectuelle (CPI) au titre des «œuvres d’architecture».

Par Thomas Livenais, avocat en droit de la propriété intellectuelle et des nouvelles technologies. Il intervient tant en conseil qu’en contentieux, notamment en matière de droit d’auteur, droits de l’informatique et d’Internet et droit des données personnelles. thomas.livenais@cms-bfl.com

Mais si les bâtiments – pourvu qu’ils soient originaux – constituent incontestablement des œuvres au sens du droit de la propriété littéraire et artistique, ils ne sont pas les seuls objets de protection. En effet, les dessins, croquis, esquisses, maquettes et, bien entendu, les plans peuvent accéder au rang d’œuvres de l’esprit.

A ce titre, l’architecte, auteur de ces œuvres, bénéficie de prérogatives qu’il est possible de regrouper sous deux catégories : les droits patrimoniaux et les droits moraux.

Grâce aux droits patrimoniaux, l’architecte bénéficie d’un monopole sur ses œuvres pour toute sa vie, et ses ayants droit pendant 70 ans après sa mort. En somme, lui seul peut autoriser ou non leur utilisation, moyennant, le cas échéant, une rémunération.

L’architecte bénéficie ainsi sur son œuvre d’un droit exclusif d’autoriser la reproduction de celle-ci, c’est-à-dire, la «fixation matérielle de l’œuvre par tous procédés qui permettent de la communiquer au public» (article L. 122-3 du CPI). De plus, l’article L. 122-3 prévoit que pour les œuvres d’architecture, la reproduction peut également prendre la forme d’une «exécution répétée d’un plan ou d’un projet type». Le législateur a voulu ici empêcher la reproduction des plans types utilisés pour la construction de maisons d’habitation dans des lotissements ou des logements collectifs à l’insu de l’architecte. Evidemment, les bâtiments en eux-mêmes ne peuvent pas non plus être reproduits, que ce soit par construction d’un bâtiment identique ou par le biais de dessins ou de photographies (en dehors de l’exception de copie privée visée à l’article L. 122-5 du CPI).

L’architecte est également titulaire d’un monopole sur le droit de représentation de ses œuvres entendue comme «la communication de l’œuvre au public par un procédé quelconque» (article L. 122-2 du CPI). Par exemple, la cour d’appel de Paris n’a pas toléré que le Centre Georges Pompidou expose des œuvres architecturales sans le consentement des auteurs (CA Paris, 4 avril 1985, JurisData n° 1985-021449).

Il revient alors à l’architecte d’organiser de façon idoine, par le biais contractuel, la cession ou la concession de ses droits patrimoniaux. Et ce, d’autant plus que la Cour de cassation estime que le contrat de louage d’ouvrage n’emporte pas, par lui-même, la cession des droits d’exploitation de l’œuvre protégée, les droits cédés devant être expressément mentionnés (Cass. civ. 1re, 16 mars 2004, pourvoi n° 99-12015).

La question des droits moraux de l’architecte est également épineuse. Ces droits qui, contrairement aux droits patrimoniaux, sont perpétuels, inaliénables et insaisissables, comprennent le droit au respect du nom et de la qualité de l’architecte ainsi que le droit au respect de l’œuvre.

Ce droit au respect de l’œuvre, c’est-à-dire à son intégrité, est régulièrement l’objet de contentieux. En effet, la conciliation entre le droit du propriétaire sur le bien immeuble et le droit moral de l’auteur sur son œuvre architecturale n’est pas aisée. Un récent exemple nous est fourni par la cour d’appel de Paris qui a jugé que le centre de la caisse primaire d’assurance maladie faisant partie de l’ensemble dit des «briques rouges» à Vigneux-sur-Seine, conçu par l’architecte Paul Chemetov, pouvait être détruit par son nouveau propriétaire, en dépit du droit au respect de l’œuvre. Pour fonder sa décision, la Cour a notamment considéré que le bâtiment présentait des désordres tels que la présence d’amiante et des problèmes d’isolation thermique et acoustique, ainsi que d’accessibilité aux personnes handicapées.

Au titre du droit à la paternité de l’œuvre, c’est-à-dire du droit au respect du nom et de la qualité, le plan ou encore le bâtiment doivent obligatoirement mentionner le nom de l’architecte auteur ainsi que sa qualité (architecte DPLG1, architecte d’intérieur, etc.).

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