La lettre des fusions-acquisition et du private equity

Mars 2021

La délicate identification et prévisibilité des risques sociaux dans les opérations de cession

Publié le 26 mars 2021 à 18h37

L’identification des risques en droit social dans les opérations de cession est le plus souvent un exercice délicat et difficilement appréhendable avec précision.


Par Pierre Bonneau, avocat associé en droit du travail et protection sociale. Il est notamment le conseil de plusieurs établissements bancaires et financiers et intervient régulièrement sur des opérations de rapprochement ou de cession d’entreprises. pierre.bonneau@cms-fl.com 


 

 

Délicat tout d’abord tant les mouvements de fond qui intéressent cette matière peuvent apparaitre contradictoires. 


Une plus grande sécurisation des relations de travail…

Ainsi et de premier abord, les réformes que connaît notre pays depuis plus d’une douzaine d’années vont clairement dans le sens d’une plus grande sécurisation des relations de travail. Peuvent à cet égard être notamment citées l’instauration des ruptures conventionnelles avec la loi du 20 août 2008, les multiples mesures de «  sécurisation de l’emploi » et particulièrement des procédures de licenciement collectif pour motif économique avec la loi éponyme du 24 juin 2013, les mesures visant à aider les entreprises à sécuriser leurs conventions de forfait en jours (loi dite El Khomri du 8 août 2016), ou encore les nombreuses réformes intervenues pour raccourcir et préciser les délais de prescription (loi du 17 juin 2008, ordonnances Macron du 22 septembre 2017). S’ajoute bien sûr, l’encadrement par ces dernières ordonnances des indemnités de rupture en cas de licenciement abusif. 


… dans un contexte de revirements jurisprudentiels

Mais dans l’autre sens, ce mouvement de sécurisation des relations de travail se heurte à la poursuite de revirements jurisprudentiels qui continuent à rendre la matière instable. En attestent notamment l’extension du domaine du préjudice d’anxiété (Cass. soc. 5 avril 2019 n°18-17.442), la remise en cause des accords collectifs censés préserver des ruptures d’égalité de traitement (3 avril 2019, n°17-11.970), la saga jurisprudentielle des juges du fond à propos du « barème Macron » ou encore les variations autour des heures supplémentaires et des conséquences de l’illicéité des conventions de forfait en jours (Cass. Soc. 6 janv. 2021 n° 17-28234).

Ces différents mouvements conduisent certes à restreindre le périmètre des risques sociaux dans le temps et dans l’espace mais, également à devoir continuer à les assortir d’importantes réserves qui atténuent les effets de cette sécurisation. 

La difficulté ne concerne du reste pas seulement l’identification des risques mais également leur possible occurrence de réalisation. 

A cet égard et si certaines entreprises peuvent avoir des difficultés à faire montre d’une absolue vertu sur le plan notamment de la gestion de la durée du travail - avec des dispositions pour leur plus grande part conçues à l’époque d’un travail industriel dominant - du recours au travail précaire ou encore dans leurs relations avec leurs sous-traitants, la réalité du contentieux dans ces domaines ne permet pas toujours de faire état d’un risque d’occurrence particulièrement élevé.

La raison en est, et c’est là tout le charme et le drame de la matière, que ces risques reposent pour l’essentiel sur le facteur humain. 


La nécessaire mesure du climat social

Or de ce point de vue, le « contrat social » qui régit les relations de travail entre les salariés, leurs représentants et la direction peut ainsi conduire à l’acceptation d’une application non nécessairement stricte de certaines dispositions légales si la politique générale de l’entreprise se montre suffisamment avantageuse à l’égard des premiers. 

Et la question n’est pas aisée de savoir si ce contrat social risque d’être remis en cause à la faveur de l’opération de cession en cause, particulièrement si elle s’accompagne d’évolutions dans la direction de l’entreprise ou encore du fait du rapprochement organisationnel et social avec les activités du nouvel actionnaire. 

En définitive donc et si certains risques sociaux peuvent être clairement identifiés à l’occasion des opérations de rapprochement d’entreprises ou de cession, les praticiens de ces opérations doivent aussi s’attacher à mesurer le « climat social » et sa possible préservation post cession qui sont déterminants de leur réalisation. 

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Au sommaire de la lettre


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Derrière l’anglicisme polysémique se cache le retournement d’une entreprise en difficulté. Toutefois, il s’agit là du but de l’opération de distressed M&A, reste à en découvrir les moyens. La référence au M&A indique généralement que l’opération se réalise via une acquisition de titres de la cible, cette dernière étant « distressed », c’est-à-dire en difficulté.Ceci exposé, il faut déterminer le cadre d’une telle opération de reprise des titres d’une société en difficulté avec pour objectif son retour à la profitabilité notamment eu égard aux engagements de chaque partie.

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