La lettre des fusions-acquisition et du private equity

Décembre 2018

Loi PACTE et droit des entreprises en difficulté, morceaux choisis

Publié le 7 décembre 2018 à 10h56

Guillaume Bouté

A chaque étape de son travail récent sur le Livre VI du Code de commerce, le législateur entend ne pas bouleverser ce qui fonctionne : le traitement amiable des difficultés des entreprises et, quant au traitement judiciaire de ces difficultés, donner corps au droit au rebond. A ce titre, il est regrettable que le gel des créances fiscales postérieures au jugement d’ouverture ait disparu du projet transmis au Sénat.

Par Guillaume Bouté, avocat, membre de l’équipe Restructuring-Insolvency. Il traite l’ensemble des problématiques soulevées par la défaillance d’entreprises, amiable ou judiciaire. Il intervient tant en conseil qu’en contentieux. Il est chargé d’enseignement à l’Université Paris II Panthéon-Assas et à l’ULCO. guillaume.boute@cms-fl.com

Ainsi, est renforcée la confiance témoignée au dirigeant de l’entreprise en redressement judiciaire qui voit le principe du maintien de sa rémunération affirmé. L’article 14 du projet de loi PACTE1 prévoit que le premier alinéa de l’article L.631-11 du Code de commerce intègrera un principe de maintien de sa rémunération sauf décision contraire du juge-commissaire.

Ce faisant, le législateur entend renverser le système actuel qui impose une intervention systématique du juge-commissaire rendant suspecte la rémunération du chef d’entreprise. De portée limitée sur un plan juridique, d’autant que la pratique des redressements judiciaires a su s’écarter de la suspicion de principe à l’encontre du chef d’entreprise, cette mesure semble essentielle sur le plan du symbole et de la confiance témoignée à ceux qui entreprennent.

Ensuite, le législateur entend écarter un obstacle fréquemment rencontré dans les reprises d’entreprises en difficulté. Dans les schémas de reprise en plan de cession, l’article L.642-7 du Code de commerce permet au repreneur de solliciter le transfert des contrats de crédit-bail, de location ou de fourniture de biens ou services nécessaires au maintien de l’activité. Ont émergées, dans ces contrats, surtout de bail, des clauses dites de «solidarité inversée» selon lesquelles le repreneur demeure, en cas de transfert du contrat concerné, solidairement responsable des dettes du cédant. Contrairement aux clauses plus classiques, spécialement dans les baux, selon lesquelles le cédant demeure solidaire avec le cessionnaire2, les clauses de solidarité inversée ne sont pas écartées dans une reprise en plan de cession ou une reprise d’un fonds de commerce hors plan de cession3. L’article 19 du projet de loi remédie, partiellement, à cette situation en complétant l’article L.642-7 : «Par dérogation [au principe selon lequel les contrats doivent être exécutés aux conditions en vigueur au jour de l’ouverture de la procédure], toute clause imposant au cessionnaire d’un bail des dispositions solidaires avec le cédant est réputée non écrite.».

Nous relèverons, en espérant que ce point soit corrigé, qu’il n’est pas cohérent d’écarter les clauses de solidarité inversée pour le seul contrat de bail inclus dans un plan de cession. La mise à l’écart devrait être générale tant quant au type de contrat qu’au type de transmission de ce dernier.

Enfin, les praticiens savent que de nombreux projets échouent en raison de la difficulté pour les entreprises à trouver, au cours de la période d’observation (permettant de construire une reprise par exemple) ou au cours des premières années d’exécution d’un plan de sauvegarde ou de redressement, les financements permettant de conforter les besoins de trésorerie. L’article 16 du projet de loi habilitant le Gouvernement à légiférer par voie d’ordonnance afin de prévoir «les conditions permettant d’inciter les personnes à consentir un nouvel apport de trésorerie au profit d’un débiteur faisant l’objet d’une procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire avec poursuite d’activité ou bénéficiant d’un plan de sauvegarde ou de redressement [...]» devrait faciliter l’accès au crédit des entreprises en cause par l’instauration de ce qui pourrait être un privilège de Post-Money.

Ces morceaux choisis témoignent de la confiance du législateur dans la faculté de rebond des entreprises amenées à connaître des dispositions du Livre VI du Code de commerce et/ou des entrepreneurs les animant. Sa portée exacte ne pourra toutefois se mesurer qu’au regard des ordonnances attendues (sûretés et transposition de la directive Insolvabilité).

1. Plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises.

2. Dont l’application est écartée par l’article L.642-2 al. 5 du Code de commerce.

3. Elles ont même été validées en cas de reprise de fonds de commerce hors plan de cession : Com., 27 sept. 2011, n° 10-23.539.

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Au sommaire de la lettre


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