La lettre gestion du patrimoine

Mai 2014

La prise de risques financiers, condition d’un investissement d’un dirigeant ou d’un salarié

Publié le 19 mai 2014 à 10h00

Louis-Pascal Brabant

La pratique est courante de voir des investisseurs financiers, et parfois des industriels, proposer une association capitalistique à des cadres et dirigeants d’une société opérationnelle cible. Il est fréquent que cet investissement porte sur des actions, mais également sur des titres plus sophistiqués, donnant accès au capital à terme ou générant une rentabilité spécifique (BSA ou actions de préférence), dont l’effet de levier financier permet d’envisager des gains proportionnellement plus importants que ceux des investisseurs en equity pur.

Par Louis-Pascal Brabant, avocat.

L’administration fiscale tente souvent de requalifier en salaires les gains qu’une équipe de cadres peut réaliser à l’occasion de la cession de ces instruments financiers. La position de l’Administration est connue : tout salarié ou dirigeant faisant l’acquisition de parts ou d’actions du groupe dans lequel il travaille doit acquitter à cette fin une valeur de marché. A défaut, les gains liés à cette opération peuvent être requalifiés en salaires. En outre, lorsque ces instruments financiers ont été détenus au travers du PEA, l’Administration se réserve, la possibilité d’appliquer des pénalités d’abus de droit. Toutefois, la valeur de marché des instruments n’est pas le seul paramètre pris en compte, et l’opération globale est qualifiée de «rémunération».

Différentes décisions récentes illustrent l’analyse de faits revus par le Comité de l’abus de droit (CAD), ou le juge administratif, pour considérer que les gains liés à un investissement relèvent du régime des plus-values ou, au contraire, doivent être traités comme des salaires. Dans plusieurs avis rendus en mai et juin 2013, s’agissant de dirigeants cédant des actions de préférence, le CAD a relevé les éléments suivants :

– les cadres ont effectivement investi leurs propres deniers, qui représentaient une part substantielle des revenus perçus l’année précédant celle de leur investissement ;

­– en dépit de la possibilité pour les dirigeants de réaliser une plus-value importante sur la cession de leurs BSA, l’Administration n’apportait pas la preuve qu’ils étaient assurés de ne prendre aucun risque sur leur investissement initial ;

– certains des dirigeants étaient liés au cessionnaire par une garantie de passif.

En conséquence, le CAD n’a pas suivi l’Administration et a considéré que les dirigeants avaient bien agi comme des investisseurs, et leurs gains avaient la nature de plus-values.

Dans des avis rendus en novembre 2013, dans le contexte d’une équipe de dirigeants faisant l’acquisition puis la cession d’ABSA, le CAD a validé la qualification d’abus de droit ; il a relevé les éléments suivants :

– les cadres ont effectivement investi leurs propres deniers, qui représentaient une part substantielle des revenus perçus l’année précédant celle de leur investissement ;

– le volume d’investissement des dirigeants n’était pas librement choisi, mais dépendait en réalité du niveau de responsabilité de chacun à la date d’émission des ABSA ;

– compte tenu des données financières relatives au groupe, qu’ils ne pouvaient ignorer, il n'y avait pas de risque financier pour les investisseurs dirigeants. Ils étaient donc en réalité assurés, quel que soit le TRI réalisé à la date de la cession ou l’introduction en Bourse de la société, de récupérer leur investissement dans les BSA à leur prix de souscription initial, tout en étant susceptibles de réaliser un gain substantiel en cas de succès de l’opération.

La validation de la qualification d’abus de droit était donc fondée sur les caractéristiques des BSA, qui ne correspondaient pas à celles d’un investisseur financier ; cet investissement a été qualifié de prime d’intéressement entre les dirigeants du groupe liée à l’exercice de leur contrat de travail. Enfin, la cour administrative d’appel de Versailles a rendu une décision en janvier 2014, aux termes de laquelle les BSA semblent avoir été attribués aux dirigeants sans contrepartie pour leur valeur de marché.

En conséquence, la cour a confirmé la position de l’Administration selon laquelle les gains avaient la nature de salaires. Ces quelques décisions démontrent qu’il est parfaitement envisageable, pour un dirigeant ou un salarié, d’investir dans son groupe, et d’être imposé sur ses gains, même important, selon le régime des plus-values, pour autant qu’il prenne un véritable risque financier. Toutefois, en raison de l’interdiction de la détention des BSA et actions de préférence dans un PEA à compter de 2014, ces gains seront désormais soumis à une fiscalité nettement moins favorable. Dans ces conditions, une réflexion devra porter sur l’équilibre entre la prise de risque financier et le gain net après impôt.


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