La lettre de l'immobilier

Les enjeux des valeurs locatives

Conséquences des mesures ATAD 2 sur les véhicules d’investissement immobilier

Publié le 3 février 2022 à 14h56

CMS Francis Lefebvre    Temps de lecture 7 minutes

Les commentaires de l’Administration relatifs aux dispositions anti-hybrides issues de la Directive ATAD 2 viennent d’être publiés près de deux ans après son entrée en vigueur. Bien que fournissant quelques précisions utiles, ils sont globalement décevants.

Par Thierry Granier, avocat associé en fiscalité. Il intervient notamment sur les structurations de fonds dans un contexte international. thierry.granier@cms-fl.com Et Yacine Bousraf, avocat en fiscalité. Il intervient notamment en matière de fiscalité des fonds de capital investissement et des fonds immobiliers. yacine.bousraf@cms-fl.com

L’Administration a publié ses commentaires sur les mesures de lutte contre les dispositifs hybrides le 15 décembre 2021. Pour rappel, ces mesures ont été introduites aux articles 205 B, 205 C et 205 D du CGI par la loi de finances pour 20201 et visent à neutraliser les asymétries fiscales issues de possibles divergences entre législations nationales. Sont principalement concernées les situations de double déduction d’une charge, de double non-imposition d’un produit ou de déduction d’une charge dans un Etat sans imposition corrélative du produit dans l’autre Etat. L’une des difficultés d’application de ces mesures réside dans la nécessité d’examiner les législations étrangères susceptibles d’avoir une incidence en France ou inversement. 

Ces dispositions ne s’appliquent toutefois qu’aux dispositifs hybrides intervenant (i) entre entreprises associées ou entre entreprises associées d’un même contribuable, (ii) entre établissements stables et sièges ou encore (ii) en présence de dispositifs dits structurés.

L’impact des dispositions anti-hydrides sur le financement des opérations immobilières semble assez limité. A certains égards, ces nouvelles dispositions s’avèrent même moins contraignantes que l’ancienne règle anti-hybride de l’article 212, I-b du CGI (aujourd’hui abrogé) dès lors qu’elles ne visent pas les intérêts payés à des prêteurs exonérés d’impôt ou établis dans des juridictions ne levant pas d’impôt ou levant un impôt presque nul. En outre, les structurations immobilières impliquant des instruments financiers hybrides et des entités françaises semblent assez rares en pratique. C’est particulièrement vrai en ce qui concerne le financement d’opérations étrangères depuis la France. D’un point de vue français, les instruments de quasi-equity restent, en effet, qualifiés d’instruments de dette. En revanche, l’identification de dispositifs impliquant des entités hybrides est beaucoup plus fréquent. Loin de prétendre à l’exhaustivité, les commentaires ci-après tentent d’en faire l’illustration.

Les sociétés de personnes françaises

Il est essentiel que les structures de détention mises en place par les investisseurs étrangers pour porter leurs opérations immobilières en France ne conduisent pas à une taxation plus lourde que celle qu’ils supporteraient en cas d’investissement direct. Cette attente légitime se heurte aux difficultés grandissantes d’accès aux réductions ou aux exonérations de retenues à la source prévues par les conventions fiscales et la Directive mère-fille. Cela se traduit par le recours de plus en plus fréquent à des structures d’investissement standards et basiques (dites « plain vanilla ») avec une acquisition directe des actifs depuis l’étranger ou via l’interposition d’une société de personnes translucide. Dans les deux cas, la remontée des profits générés et imposés en France peut être réalisée sans aucun frottement fiscal.

Or, la « translucidité » fiscale d’une société de personnes française ne s’impose pas aux juridictions étrangères. Aussi, certains pays de résidence des investisseurs les voient comme étant totalement transparentes d’un point de vue fiscal. C’est notamment le cas du Luxembourg. L’associé luxembourgeois d’une société de personnes française est considéré comme détenant directement ses actifs. En cas de financement de cette dernière via un prêt d’associé, les intérêts qu’il perçoit ne constituent pas des revenus imposables au Luxembourg. Or, en France, ces mêmes intérêts sont, en principe, déductibles du résultat de la société de personnes (imposé au niveau de ses associés). Ce traitement fiscal asymétrique, matérialisé par une déduction en France sans inclusion dans une base taxable au Luxembourg, est donc susceptible de tomber dans le champ d’application du e du 1° du I de l’article 205 B du CGI visant les paiements effectués par une entité hybride. La déduction en France des intérêts devrait donc être remise en cause. 

Les véhicules français régulés

Il existe une grande variété de véhicules régulés pouvant être utilisés pour porter des investissements immobiliers. Même lorsqu’ils sont constitués sous forme contractuelle, ils ne devraient pas pouvoir être considérés comme des entités fiscalement transparentes en France pour les besoins de l’application des mesures anti-hybrides. Dans la grande majorité des cas, le recours à des véhicules régulés français ne devrait donc pas conduire à la caractérisation de dispositifs hybrides inversés qui consisterait à un investissement via une entité, d’une part, fiscalement transparente dans sa juridiction d’établissement et, d’autre part, opaque dans la juridiction de ses investisseurs. L’exclusion prévue pour les fonds de placement à participation large serait donc sans objet pour les fonds français.

Les commentaires de l’administration sur la notion d’inclusion semblent militer en ce sens2. Malgré une formulation maladroite, l’administration précise en effet que le régime fiscal spécifique des « sociétés d’investissement (comme les fonds communs de placement à risques en France) » ne peut pas être assimilé à une absence d’inclusion. Cela impliquerait en creux que lesdits véhicules ne peuvent pas être regardés comme des entités fiscalement transparentes en France.

Les véhicules étrangers (régulés ou non)

La responsabilité des investisseurs des véhicules d’investissement étrangers est généralement limitée au montant de leurs apports. De ce fait, ces véhicules doivent en principe être considérés comme des entités opaques en France alors mêmes qu’ils sont traités comme totalement transparents dans leur juridiction. C’est notamment le cas des fonds luxembourgeois constitués sous forme de Société en Commandite Simple (SCS) ou de Société en Commandite Spéciale (SCSp). 

Dans ce cas, les paiements d’intérêts en faveur d’une SCS / SCSp peuvent donner lieu à une charge déductible (le cas échéant, en France) sans être inclus dans les revenus imposables de l’entité hybride au Luxembourg ni dans ceux de l’investisseur français. Cette asymétrie est directement imputable aux divergences entre la législation française et la législation luxembourgeoise concernant l’attribution du paiement. Elle est donc susceptible de tomber dans le champ d’application du b du 1° du I de l’article 205 B du CGI visant les paiements effectués en faveur d’une entité hybride. Il est regrettable que l’exclusion prévue pour les fonds de placement à participation large en matière de dispositifs hybrides inversés ne soit pas applicable dans cette situation. Au demeurant, comme le rappellent les commentaires de l’Administration, pour que le dispositif hybride soit qualifié « l’asymétrie doit survenir entre un contribuable et une entreprise associée ou entre entreprises associée d’un même contribuable »3. La loi et les commentaires administratifs restent toutefois muets sur le niveau de la chaine de détention où il convient de se placer pour apprécier cette condition (entre la société débitrice et l’entité hybride ? entre l’entité hybride et l’investisseur ? à chacun de ces niveaux ?). Selon nous, puisque l’asymétrie découle des divergences existantes entre la législation de l’investisseur et celle de l’entité hybride, aucun dispositif hybride ne devrait pouvoir être qualifié dès lors que l’investisseur et l’entité hybride ne sont pas liés. 


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