La lettre gestion des groupes internationaux

Initiatives européennes en matière de fiscalité directe : état des lieux

Publié le 23 février 2024 à 17h15

PwC Société d'Avocats

Par Valérie Aelion-Renoux, avocat, PwC Société d’Avocats et Charlotte Guincestre-Carpentier, PwC Société d’Avocats

BEFIT, FASTER, ATAD 3, DEBRA, HOT, … derrière ces acronymes se cache la fiscalité de demain.

Ces différentes initiatives font partie de la panoplie de mesures proposées par la Commission européenne en vue d’élaborer la fiscalité du XXIème siècle, au travers de projets qui visent notamment à lutter contre les pratiques fiscales abusives, à développer l’échange d’informations entre les administrations des États membres, mais aussi à encourager le développement transfrontière et à réduire les coûts de conformité fiscale en particulier pour les petites entreprises.

Face à cette inflation législative européenne, il semble utile de faire un rapide tour d’horizon des principaux projets dont les enjeux sont tels qu’il convient d’ores et déjà d’en appréhender les contours, afin de préparer au mieux leur mise en œuvre effective.

Il convient à titre liminaire de rappeler qu’en matière fiscale, l’adoption d’une directive par le Conseil de l’UE requiert en principe l’unanimité des États membres (1). Dans le cadre du processus d’adoption des directives fiscales, la consultation de divers organes est en outre nécessaire bien que leur avis ne soit pas contraignant.

BEFIT : vers une fiscalité harmonisée au sein de l’UE

Le 12 septembre 2023, la Commission européenne a publié une proposition de directive dite BEFIT qui prévoit un ensemble unique de règles pour déterminer la base d’imposition des grandes entreprises (pour « Business in Europe : Framework for Income Taxation » ou en français « Entreprises en Europe : cadre pour l’imposition des revenus ») (2).

Si la directive était adoptée en l’état, les États membres de l’UE devraient la transposer avant le 1er janvier 2028, pour une entrée en vigueur à compter du 1er juillet 2028.

En synthèse, les nouvelles règles proposées s’appliqueraient de plein droit aux entités établies dans l’UE appartenant à un groupe dont les états financiers sont consolidés et dont le chiffre d’affaires total cumulé excède 750 millions d’euros, et sur option pour ceux ne dépassant pas ce seuil.

Le régime s’articulerait autour de trois principes visant à déterminer la base imposable des groupes afin de la répartir entre les juridictions :

– D’abord, la détermination d’un résultat fiscal préliminaire individuel pour chaque entité, selon des règles communes visant à appliquer un certain nombre d’ajustements fiscaux au résultat net comptable déclaré dans les états financiers utilisés pour la préparation des comptes consolidés des membres du groupe BEFIT (tenus selon une norme comptable unique pour tous les membres du groupe BEFIT), avant tout ajustement de consolidation destiné à éliminer les transactions intragroupe BEFIT ;

– Ensuite, l’agrégation des résultats fiscaux préliminaires de chaque entité du groupe BEFIT et la détermination de l’assiette imposable BEFIT ;

– Enfin, l’allocation et l’ajustement de la base imposable BEFIT: la clé d’allocation aujourd’hui retenue dans la proposition de directive n’est qu’une règle transitoire, qui s’appliquerait jusqu’en 2035 au plus tard, calculée selon la moyenne des résultat fiscaux préliminaires de chaque entité membre du groupe par rapport à celle du groupe. Une fois la répartition effectuée, chaque État membre devrait procéder à un certain nombre de retraitements visant à assurer la cohérence et l’entrée dans le nouveau régime ou encore à s’assurer que certaines dépenses ne sont pas partagées avec les autres États membres. Chaque État membre aurait par ailleurs la possibilité de prévoir d’autres ajustements à cette base imposable BEFIT allouée, afin par exemple de poursuivre certains objectifs de politique économique, avant d’appliquer le taux national d’imposition.

Le 4 décembre dernier, les membres de la Commission des affaires économiques et monétaires du Parlement européen (ECON) ont discuté du projet de rapport sur cette proposition de directive, et proposé un certain nombre d’amendements, notamment l’abaissement du seuil de chiffre d’affaires annuel à l’issue de la période transitoire, l’aménagement des règles de limitation des intérêts pour les groupes BEFIT, la limitation dans le temps de l’imputation des déficits BEFIT, l’introduction de règles plus strictes en matière de sociétés étrangères contrôlées ou encore l’introduction d’une formule d’allocation basée sur des facteurs matériels tels que le travail, les ressources ou encore les ventes.

Par ailleurs, la proposition de directive a fait l’objet d’un appel à commentaires publics qui a pris fin le 24 janvier 2024. La majorité des parties prenantes à cette consultation publique a relevé, outre la trop faible synergie entre le projet BEFIT et les règles Pilier 2, qu’une entrée en vigueur en 2028 serait trop proche de la mise en œuvre des règles Pilier 2 et qu’elle ne permettrait pas de comprendre pleinement leur impact et d’en faire un bilan.

La prochaine étape de discussion de la proposition BEFIT est le vote sur ce projet de rapport par la Commission ECON, prévue pour le 4 mars 2024, suivi de son adoption en session plénière par le Parlement européen, le 10 avril 2024.

FASTER : pour une amélioration des procédures de remboursement de retenues à la source

Le 19 juin 2023, la Commission européenne a publié sa proposition de directive dite FASTER (pour « Faster and Safer Relief of Excess Withholding Taxes »)3 visant à améliorer les procédures de remboursement de retenue à la source au sein de l’UE, suite au constat de la diversité des procédures de retenue à la source dans chaque État membre, ainsi que de l’existence de plus de 450 formulaires différents au sein de l’UE, disponibles pour la plupart dans la langue nationale uniquement.

Si la directive était adoptée en l’état, elle devrait être transposée par les États membres de l’UE au plus tard le 31 décembre 2026, pour une application à compter du 1er janvier 2027.

Cette proposition repose sur quatre mesures clés :

– La création d’un certificat de résidence fiscale numérique (CRFN ou « eTRC ») délivré sur demande dans un délai maximum d’un jour ouvré ;

– L’obligation pour les États membres de proposer pour les retenues à la source sur dividendes d’actions cotées une procédure d’application des taux réduits en complément de la procédure standard de remboursement qu’ils peuvent prévoir, par la mise en place soit d’une procédure d’application des taux réduits (de droit interne ou conventionnels) à la source, soit d’une procédure de remboursement rapide ou bien une combinaison de ces deux méthodes. Une telle possibilité serait ouverte aux États membres pour les retenues à la source sur intérêts de titres de dette cotés ;

– L’intervention obligatoire d’un intermédiaire financier certifié ou « Certified Financial Intermediary » (IFC) qui effectuera au nom et pour le compte du bénéficiaire les demandes d’application des taux réduits ;

– La création d’une déclaration normalisée obligatoire pesant sur les IFC afin de permettre aux autorités fiscales nationales de reconstruire la chaine complète de paiement, devant être effectuée au plus tard dans les 25 jours après la date d’arrêté des positions (record date) et devant comporter un certain nombre d’informations.

Par ailleurs, le 8 décembre 2023, le Conseil ECOFIN a approuvé un rapport sur les questions fiscales adressé au Conseil européen dans lequel il est indiqué que la présidence espagnole a apporté de nombreuses modifications au texte initial, et précisé qu’un certain nombre d’États membres avait émis la demande de maintenir leurs systèmes actuels de dégrèvement à la source.

De plus, le Comité économique et social européen (CESE) a émis un avis favorable à la proposition de directive FASTER le 13 décembre 2023.

Le 23 janvier 2024, la Commission ECON du Parlement européen a adopté le projet de rapport sur le texte, amendé à plusieurs reprises. Les députés ont proposé plusieurs modifications concernant notamment le CRFN (délai complémentaire de délivrance du CRFN, notamment en cas de vérification de la résidence fiscale du contribuable), la radiation du registre national des IFC, ainsi que le contrôle et l’échange d’informations entre États membres. Il devrait être voté en assemblée plénière du Parlement le 26 février 2024.

Dans un texte de compromis transmis par la présidence belge aux États membres le 25 janvier dernier, d’après les informations ayant été divulguées4, le Conseil de l’UE introduirait, pour les États membres qui disposent déjà d’un système complet de dégrèvement à la source, l’obligation de mettre en place la nouvelle procédure de taux réduit à la source ou de remboursement rapide s’ils ont un ratio de capitalisation boursière égal ou supérieur à 1 % au cours des deux années consécutives précédentes, tandis que dans le cas inverse, les États membres ne seraient pas tenus de le faire. Les États membres ne disposant pas d’un système complet de dégrèvement à la source seraient tenus d’appliquer les dispositions de la directive, que leur capitalisation boursière soit inférieure, égale ou supérieure au seuil de 1 %. Les dispositions relatives à la responsabilité des IFC visant notamment à ce qu’ils soient tenus responsables des pertes de recettes de retenue à la source subies par un État membre seraient maintenues mais aménagées (le critère d’intention ou de négligence serait supprimé).

La présidence belge ayant placé la proposition de directive FASTER au rang de ses priorités, la proposition de texte devrait faire l’objet de nombreux débats d’ici la fin du semestre.

Prix de transfert : mise en œuvre d’un cadre commun au sein de l’UE

La Commission européenne a publié, le 12 septembre 2023, en même temps que les propositions de directive HOT et BEFIT, une proposition de directive visant à harmoniser les règles en matière de fixation des prix de transfert au sein de l’UE et à garantir une approche commune des prix de transfert5, afin de renforcer la sécurité fiscale et d’atténuer le risque de contentieux et de double imposition.

Si la directive était adoptée en l’état, elle devrait être transposée par les États membres de l’UE au plus tard le 31 décembre 2025, pour une application à compter du 1er janvier 2026.

Pour parvenir à ces objectifs, la proposition de directive contient plusieurs mesures, notamment :

– Une définition standardisée des entreprises associées, qui fixe à 25 % le seuil minimum de détention dans les droits de vote, le capital ou le bénéfice d’une entité pour établir un lien de dépendance ;

– Une procédure accélérée (dite « fast-track ») pour résoudre les cas de double imposition et prendre position sur une demande d’ajustement corrélatif à un ajustement primaire de prix de transfert dans un délai de 180 jours à l’issue duquel, en cas de refus, le contribuable pourrait accéder à la procédure amiable ;

– L’intégration des principes OCDE dans le droit de l’UE, notamment le principe de pleine concurrence et les cinq méthodes de détermination des prix de transfert préconisées par l’OCDE, étant précisé que ces principes seraient rendus contraignants pour les États membres ;

– La possibilité pour les contribuables de procéder à des ajustements compensatoires en fin d’exercice lorsque les prix de transfert déterminés ex ante ne permettent pas d’aboutir à un résultat de pleine concurrence.

La proposition de directive a fait l’objet d’une consultation publique qui a pris fin le 3 janvier 2024.

Le 4 décembre dernier, les membres de la Commission ECON ont discuté du projet de rapport sur cette proposition de directive, et proposé de nombreux amendements, visant notamment à avancer d’un an l’entrée en vigueur de la directive, mais également à y intégrer une clause de limitation dans le temps, en vertu de laquelle la directive prix de transfert cesserait de s’appliquer, pour les transactions entre membres d’un groupe BEFIT, sur la fin de la période transitoire de la directive BEFIT, soit 2035, et pour les transactions avec des entreprises associées dans des pays tiers en 2040.

La prochaine étape de discussion de la proposition en matière de prix de transfert est le vote sur ce projet de rapport par la Commission ECON, prévu pour le 22 février 2024, suivi de son adoption en session plénière du Parlement européen, le 10 avril 2024.

ATAD 3 : lutter contre les sociétés écrans

Parmi les nombreuses initiatives de la Commission européenne, la proposition de directive établissant des règles pour empêcher l’utilisation abusive d’entités écrans à des fins fiscales dite ATAD 36 (ou directive « Unshell » en anglais) figure sans aucun doute parmi celles qui suscitent le plus de discussion, au point que son adoption par le Conseil est sans cesse repoussée faute de compromis entre les délégations des États membres. L’objectif initial d’une transposition dans le droit interne des États membres au plus tard le 30 juin 2023 et d’une entrée en vigueur de la directive à partir du 1er janvier 2024, est, de fait, décalée sine die.

Cette proposition de directive, présentée le 22 décembre 2021, vise à lutter contre l’utilisation abusive d’entités écrans à des fins de fraude et d’évasion fiscales en faisant en sorte que les sociétés établies dans l’UE qui n’exercent pas d’activité économique ou exercent seulement une activité économique minimale ne puissent pas bénéficier des avantages fiscaux prévus par les conventions fiscales ou les directives. La lutte contre ces sociétés dites sans substance s’accompagne d’un mécanisme d’échange automatique d’informations entre les juridictions.

La proposition de directive prévoit un processus en plusieurs étapes que les entreprises devront franchir les unes après les autres si à l’issue d’une étape elles ne remplissent pas les critères de substance minimum prévus par la directive et ne peuvent, au moyen d’informations complémentaires, renverser la présomption d’absence de substance qui pèse sur elles.

Dans un premier temps la proposition de directive établit une liste de caractéristiques, appelées « passerelles », afin de filtrer les entités dites à risque et donc susceptibles d’être utilisées de manière abusive à des fins fiscales. Ces caractéristiques, souvent associées à des entités avec peu ou pas de substance portent sur la nature des revenus de l’entité (revenus issus à plus de 75 % de revenus passifs), sur leur origine (plus de 60 % des revenus issus de transactions transfrontières) et sur l’importance du recours à la sous-traitance. Ces entités sont alors tenues d’inclure diverses informations dans leur déclaration de revenus annuelle afin de tester leur niveau de substance au regard de certains indicateurs. Les sociétés ne satisfaisant pas à ces indicateurs seront alors présumées manquer de substance et qualifiées de sociétés écrans. Elles disposeront toutefois de la possibilité de renverser cette présomption en fournissant aux autorités fiscales des éléments complémentaires d’appréciation. Si elles échouent dans cette étape, des contre-mesures fiscales seront alors susceptibles de s’appliquer entraînant le refus de certains avantages fiscaux qui auraient été accordés en vertu des conventions fiscales et des directives de l’UE.

Cette proposition de directive a soulevé de nombreuses controverses parmi les États membres au nombre desquelles la question de la définition des critères de substance minimale, les conséquences fiscales de l’absence de substance ou encore la délivrance des certificats de résidence par les États. En conséquence, les délégations des États membres se sont récemment orientées, en guise de solution possible, vers une approche en deux étapes :  une première étape au cours de laquelle la directive inclurait un échange automatique d’informations sur la base d’un certain nombre de marqueurs qui s’effectuerait en même temps que l’application de conséquences fiscales nationales lorsque cela serait jugé approprié, et une deuxième étape au cours de laquelle les bonnes pratiques relatives à l’utilisation des informations en vue d’appliquer les conséquences fiscales entre les États membres seraient échangées.

Aucun consensus n’a pu être atteint lors du dernier Conseil ECOFIN d’octobre 2023. Dans son rapport de décembre 2023 sur les questions fiscales, ce même Conseil a indiqué avoir proposé une solution alternative fondée sur des standards minimums de substance et une boîte à outils de conséquences fiscales mais qu’il n’a pas été possible de parvenir à un accord acceptable par tous. Il semble que l’on s’oriente désormais vers un retrait de la proposition de directive et la préparation d’une nouvelle proposition de directive largement remaniée qui prendrait la forme d’une énième directive DAC7 (directive relative à la coopération administrative).

Les discussions devraient se poursuivre sous l’égide de la présidence belge du Conseil de l’Union, cette dernière n’ayant pas fait figurer ce sujet parmi ses priorités.

HOT : encourager les investissements et le développement transfrontière des PME 

Publiée le 12 septembre 2023, la proposition de directive HOT8 (pour « Head Office Tax system for SMEs » ou directive établissant un système d’imposition en fonction du siège central pour les micro, petites et moyennes entreprises) offrirait aux micro, petites et moyennes entreprises (PME), telles qu’elles sont définies dans la directive 2013/24/UE, exerçant des activités transfrontières via des établissements stables (PE) dans l’UE, la possibilité de déterminer le résultat imposable de ces PE en appliquant les règles fiscales de l’État membre de leur siège. Elles déposeraient une déclaration fiscale unique auprès de l’administration fiscale de cet État membre qui partagerait ensuite cette déclaration avec les autres États membres dans lesquels la société détient un PE.

L’État membre du siège appliquerait le taux d’imposition des autres États membres aux bénéfices réalisés par le ou les PE de l’entreprise et leur transférerait les recettes fiscales correspondantes. Chaque État membre demeurerait toutefois compétent pour les contrôles des PE relevant de sa juridiction.

Si une société décidait d’appliquer ces règles de simplification elle resterait soumise à ce système pour une période de cinq années.

Il est important de souligner que le champ d’application de la directive se limiterait aux PME autonomes qui exercent leur activité exclusivement par l’intermédiaire d’établissements stables dans un ou plusieurs États membres. Elle ne s’appliquerait pas aux PME membres d’un groupe consolidé ou disposant de filiales dans un autre État membre.

À ce stade, la proposition de directive prévoit une transposition dans le droit interne des États membres au plus tard le 31 décembre 2025, pour une entrée en vigueur à partir du 1er janvier 2026.

Une consultation publique a été conduite jusqu’au 21 décembre 2023 dont les conclusions devront être analysées par la Commission européenne. Certains participants à la consultation ont émis l’idée d’élargir le champ d’application de la directive en y incluant les groupes de PME disposant de filiales dans l’UE. L’absence d’harmonisation actuelle au sein de l’UE sur la définition d’un PE a également été relevée.

Le CESE a publié en janvier 2024 un avis dans lequel il apporte son soutien à l’initiative et demande une adoption rapide de la proposition de directive tout en soulignant qu’un élargissement du dispositif aux PME exerçant des activités transfrontières par l’intermédiaire de filiales devra être envisagé à l’issue d’une première période d’application de la directive.

De son côté la Commission ECON du Parlement européen poursuit depuis le début de l’année ses travaux sur cette proposition. À ce stade, un certain nombre d’amendements ont été proposés parmi lesquels l’élargissement du champ d’application de la directive pour y inclure les filiales des PME. La commission suggère également une entrée en vigueur du mécanisme dès le 1er janvier 2025.

Les discussions entre les délégations au sein du Conseil se poursuivront en 2024.

DEBRA : lutter contre les incitations fiscales favorisant l’endettement

Présentée le 11 mai 2022, la proposition de directive DEBRA9 (pour « Debt Equity Bias Reduction Allowance ») part du constat qu’il existe au sein de l’UE une distorsion fiscale en faveur de l’endettement dès lors que la plupart des systèmes fiscaux permettent de déduire les intérêts liés aux surcoûts des emprunts alors que les coûts liés au financement des fonds propres ne sont pas déductibles.

La proposition de directive établirait de nouvelles règles permettant, sous certaines conditions, la déduction fiscale d’intérêts notionnels sur l’augmentation des fonds propres des entreprises avec pour contrepartie une nouvelle limitation de la déductibilité fiscale des surcoûts d’emprunt qui s’appliquerait parallèlement aux règles de limitation des intérêts prévues par la directive ATAD 110.

En synthèse, l’objectif serait atteint via un mécanisme en deux branches. D’une part, un abattement fiscal qui serait déterminé en appliquant un taux d’intérêt notionnel sur une base correspondant à l’accroissement des fonds propres de l’entreprise, calculé par différence entre le niveau des fonds propres nets à la fin de la période d’imposition et le niveau des fonds propres nets à la fin de la période d’imposition précédente11. D’autre part, la déductibilité des intérêts serait limitée à 85 % des surcoûts d’emprunt de l’entreprise.

Une des principales critiques formulées à l’encontre de la proposition de directive est qu’elle s’avère particulièrement préjudiciable pour les PME dans la mesure où elle ne prévoit pas de « safe harbour », c’est à dire un seuil en dessous duquel la totalité des surcoûts d’emprunt serait déductible comme c’est le cas actuellement avec la directive ATAD 1.

En décembre 2022 le Conseil ECOFIN a annoncé la suspension de l’examen du projet compte tenu de l’annonce d’autres initiatives législatives interférant avec la proposition DEBRA (notamment le projet BEFIT). En conséquence la date de transposition par les États membres initialement prévue au plus tard le 31 décembre 2023 pour une entrée en vigueur à compter du 1er janvier 2024 est reportée sine die. À ce jour le projet est donc à l’arrêt mais on notera que le Parlement européen a publié le 16 janvier dernier une résolution sur la proposition DEBRA comportant divers amendements à la proposition de directive parmi lesquels une application différenciée des mécanismes en fonction de la taille des entreprises. Peut-être de la matière pour relancer les discussions sous l’égide de la présidence belge, même s’il est probable que l’avancée des discussions sur le projet BEFIT sera une condition préalable à de nouvelles évolutions sur DEBRA.  

1.  À noter toutefois l’adoption d’une résolution du Parlement européen 2022/2051(INL) le 22 novembre 2023 appelant à modifier les traités de l’UE pour notamment étendre le recours au vote à la majorité qualifiée sur les politiques essentielles de l’UE, et notamment la fiscalité.

2.  Proposition COM (2023) 532 final du 12 septembre 2023.

3. Proposition COM (2023) 324 final du 19 juin 2023.

4. Tax Notes - DOC 2024-3118.

5. Proposition COM (2023) 529 final du 12 septembre 2023.

6. Proposition COM(2021) 565 final du 21 décembre 2021.​​​​​​​

7.  Tax notes - Doc 2023-34190.

8. Proposition COM(2023) 528 final du 12 septembre 2023.

9. Proposition COM (2022) 216 final du 11 mai 2022.

10. Règles transposées à l’article 212 bis du CGI en vertu desquelles les charges financières nettes sont déductibles dans la limite du montant le plus élevé entre trois millions d’euros et 30 % de l’EBITDA fiscal.

​​​​​​​11. Les fonds propres correspondraient aux capitaux propres tels que définis dans la directive comptable 2013/34/UE du 26 juin 2013.

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