L'analyse de la DFCG

Comment diagnostiquer les entreprises après la pandémie ?

Publié le 12 février 2021 à 18h37

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L’évaluation des actifs immatériels requiert l’usage de nouvelles techniques car la part des actifs intangibles représente aujourd’hui plus des deux tiers du capital des entreprises françaises.

Le diagnostic et l’évaluation des entreprises seront-ils les nouveaux défis de l’après-Covid ? Nul doute que la chute de la rentabilité, l’envolée de l’endettement et la dématérialisation des PME françaises entraîneront refinancements, regroupements ou faillites de nombre d’entre elles. Cette conjecture soulève donc la question des méthodes de diagnostic et d’évaluation des entreprises. Les approches usuelles sont jugées de moins en moins adaptées à des entreprises confrontées à des environnements de plus en plus « volatils, incertains, complexes et ambigus » (selon le syndrome VUCA). 

L’évaluation des actifs immatériels requiert l’usage de nouvelles techniques, car la part des actifs intangibles représente aujourd’hui plus des deux tiers du capital, d’un cinquième de la valeur ajoutée et d’un sixième des emplois des entreprises françaises. La valorisation des start-up, des sociétés cotées répondant aux critères ESG et des sociétés à mission ou à raison d’être implique de mobiliser de nouvelles méthodologies combinatoires et multicritère. Leur application est désormais possible grâce au traitement de données massives (big data) par l’intelligence artificielle. 

Comment évaluer les PME innovantes ? Les méthodes standard sont prospectives ou comparatives. Les premières consistent à projeter, à l’horizon du business plan, des agrégats comptables actualisés de l’entreprise, comme son discounted cash-flow, son EBITDA ou sa valeur ajoutée économique. Les secondes exigent de construire un groupe de référence de sociétés cotées ou récemment cédées, qui exercent des activités comparables (benchmarks), puis à exprimer leurs valeurs en multiples d’indicateurs comptables ou physiques et à les appliquer à l’entreprise à évaluer.

Des enquêtes récentes révèlent que l’application de ces méthodes conduit à surestimer de 5 à 10 % les valeurs de l’entreprise après trois mois de cotations boursières. Elles sont par ailleurs de plus en plus jugées inadaptées aux entreprises high-tech, aux « pépites » et aux start-up de l’Internet, à risques et à croissance élevés. Elles ne permettent pas non plus d’évaluer précisément les capacités dynamiques (d’innovation et d’adaptation) des entrepreneurs et des managers, ainsi que les risques sociaux, sociétaux et environnementaux inhérents à l’exercice des activités de l’entreprise. Afin de concilier ces paramètres, l’évaluation s’inscrit dans un processus d’apprentissage par des simulations, des combinaisons et des négociations collectives visant à transformer une valeur stratégique en prix négocié.

 Comment évaluer le capital immatériel ? L’évaluation des entreprises doit donc mobiliser une nouvelle « ingénierie de l’immatériel ». La granularité du capital immatériel s’étend désormais à toutes les parties prenantes de l’entreprise. Le Thesaurus-Bercy répartit ainsi le capital immatériel en dix classes : client, humain, organisation, systèmes d’information, savoir, marque, partenaire, actionnaire, sociétal, naturel. Un nombre croissant d’experts considèrent aujourd’hui que les modèles standard sont « trop globaux », « peu robustes » et/ou « insuffisamment adaptés aux spécificités et au cycle de l’entreprise ». Certains contestent notamment la prise en compte du risque global ou sectoriel de l’entreprise par un coefficient bêta appliqué à une prime de risque de marché. Les nouvelles méthodes d’évaluation s’efforcent de leur côté de détecter et de valoriser les nouvelles « rentes de l’intangible », qui présentent quatre formes : la rente légale fondée sur les brevets, marques, copyrights, codes numériques… ; la rente de monopole naturel engendrée par l’intégration du cycle de production et des SI ; la rente engendrée par la digitalisation des processus ; la rente d’innovation dynamique, résultant du contrôle de données stratégiques (master data) utiles à la R&D, à l’expérience client et au management des risques. 

Les fonds de capital-risque appliquent généralement des méthodologies en trois phases. La première valorise un goodwill brut composé des actifs immatériels stratégiques (AIS) généré par les capacités précédentes. La deuxième phase apprécie le badwill, qui recouvre les risques financiers, réglementaires, sociaux, sociétaux et environnementaux encourus par l’entreprise. Lors de la troisième phase, le goodwill net, calculé par différence entre le goodwill brut et le badwill, est corrigé par des primes et des décotes en fonction de la dynamique du secteur d’activité. Ces modèles sont encore exploratoires mais ils ouvrent des pistes intéressantes et incontournables. 

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