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La mutualisation de la liquidité et ses avantages

Publié le 5 avril 2023 à 15h55

Jean-François Boulier    Temps de lecture 4 minutes

La fourniture de liquidité par les banques est précieuse, mais elle est aussi fragile, comme le montrent les faillites bancaires récentes. L’alternative des fonds monétaires est-elle intéressante ?

Depuis que les banques existent, elles restent les principaux fournisseurs de liquidités monétaires, pour autant qu’elles acceptent de prêter ou qu’elles puissent rembourser les déposants. Les récents bank runs sur la Silicon Valley Bank et plus proche de nous, sur le Crédit Suisse, établissements aujourd’hui disparus, montrent combien cette fourniture est précieuse mais aussi potentiellement fragile. Or, l’industrie des fonds mutuels, fonds monétaires et obligataires en particulier, offre notamment une alternative à cette liquidité bancaire. Aux Etats-Unis, les encours des fonds obligataires s’élèvent à plus de 4 000 milliards de dollars soit un tiers des dépôts bancaires. Comment se comparent les avantages respectifs de ces solutions pour le déposant ?

Dans leur article récent « Bank Debt, Mutual Fund Equity and Swing Pricing in Liquidity Provision », trois chercheurs tentent de modéliser l’avantage pour le déposant de ces deux moyens de stockage de liquidité ; ils essaient aussi de comparer les différentes solutions notamment en ajoutant les swing pricings des fonds (ajustement à la baisse de la valeur liquiditative en cas de retraits massifs) ou les garanties de dépôts pour les banques. En plaçant ses liquidités dans un fonds ou en le déposant dans une banque, l’investisseur individuel bénéfice d’une meilleure liquidité que s’il gérait lui-même ses placements, avantage qui peut se mesurer par la différence entre ce qui lui sera restitué et ce qu’il aurait obtenu s’il avait lui-même liquidé le portefeuille équivalent. Ceci est d’autant plus notable en période de crise où la liquidité des marchés se dégrade.

Dans le cas d’un fonds, ce sont les valeurs des titres vendus par le gérant en cas de revente des parts du fonds ; dans le cas de la banque c’est la quote-part du portefeuille détenue par la banque après liquidation potentielle de son portefeuille (ce qui ne se produit en réalité qu’en cas de faillite). Bien entendu ces valeurs se trouvent modifiées si un swing pricing est mis en œuvre, car le gérant répercutera le coût de revente des titres sur l’investisseur qui rachète ses parts. La garantie de dépôt de la banque modifie également le coût de la liquidité bancaire.

Un avantage pour les dépôts bancaires

Cette modélisation simple permet d’évaluer concrètement les avantages respectifs, du moins sur le marché américain, car les valeurs des titres et des prêts bancaires peuvent être estimées à partir des « hair cuts » pratiqués sur le marché du repo et parce que les portefeuilles des fonds et banques sont connus, information disponible dans des bases de données spécialisées. Forts de ces estimations, les chercheurs comparent durant la période 2011 à 2017 les avantages des fonds qui s’établiraient à une valeur moyenne de 5 % par rapport à une gestion personnelle alors qu’elle serait de l’ordre de 27 % pour les banques. En l’absence de la garantie des dépôts, elle serait de 20 %. La mise en place de swing pricing augmenterait potentiellement la valeur apportée par les fonds de 7 %, montant modeste mais réel.

En souscrivant une part de fonds ou en déposant auprès d’une banque, les agents économiques bénéficient bien d’une mutualisation puisqu’ils obtiennent davantage que s’ils avaient géré leur portefeuille eux-mêmes (pour autant qu’ils en soient capables). Ce qui ne signifie pas que la liquidité soit certaine ni qu’elle se fasse à la valeur nominale. Les résultats de cette étude montrent clairement que la liquidité bancaire reste plus avantageuse ; mais les promoteurs des fonds objecteront que la rémunération du fonds est souvent supérieure à celle des dépôts bancaires, ce qui est d’autant plus vrai que le fonds est risqué. Ainsi, l’étude complète devrait prendre en compte non seulement la liquidité mais aussi la rentabilité et le risque associé. 

Pour autant, l’utilité économique des fonds à fournir un avantage de liquidité pourrait amener les autorités publiques, notamment monétaires, à faciliter le bon approvisionnement des fonds en liquidité et à mieux les encadrer. C’est d’ailleurs ce que semblent faire les autorités américaines en imposant les valeurs variables pour les fonds monétaires (solution prônée depuis longtemps par l’Europe) et les swing pricings (en vigueur mais non obligatoire en Europe). Le coût d’un tel soutien serait-il plus élevé que celui du sauvetage des récentes faillites, notamment celui du Crédit Suisse par les autorités suisses ?

Jean-François Boulier Président d'honneur ,  Af2i

Jean-François Boulier est président d'honneur de l'Af2i.

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