Say on pay : quelles conséquences pour les entreprises ?

Publié le 23 septembre 2013 à 10h42    Mis à jour le 26 août 2014 à 10h28

Edith Ginglinger

Depuis la loi NRE de 2001, les sociétés cotées ont l’obligation de publier la rémunération versée à chaque mandataire social. Le «Say on pay», introduit dans le code de gouvernance en juin 2013, s’appliquera à partir des assemblées générales de 2014. La présentation des éléments de rémunération due ou attribuée au titre de l’exercice clos à chaque dirigeant mandataire social doit être suivie d’un vote consultatif des actionnaires. Il s’agit donc d’un vote a posteriori et le vote négatif de l’assemblée ne remet pas en cause la rémunération : le conseil doit délibérer sur le sujet lors d’une prochaine séance et publier sur le site Internet de la société «un communiqué mentionnant les suites qu’il entend donner aux attentes exprimées par les actionnaires».

Un tel vote consultatif peutil avoir un effet sur la rémunération des dirigeants et sur la valeur des entreprises ? L’existence du «Say on pay» confortera la voix des actionnaires et, par elle, permettra aux conseils de mieux négocier les contrats de rémunération avec les dirigeants, soucieux d’éviter un vote négatif amplifié par la presse. Les voix critiques soulignent que le «Say on pay» n’étant pas contraignant, il est peu probable qu’il ait un effet observable.

Le «Say on pay» consultatif existe dans d’autres pays depuis plusieurs années : Royaume-Uni (2002), Etats-Unis (2010, Dodd-Frank Act), Australie (2005), Allemagne (2009). Quels sont les enseignements des études (1) qui y ont été menées ? Tout d’abord, aux Etats-Unis où la consultation des actionnaires peut intervenir à une fréquence variable d’un à trois ans, les sociétés avec les rémunérations «anormales» (par rapport aux sociétés comparables) les plus élevées sont également celles pour lesquelles les dirigeants préconisent un vote consultatif tous les trois ans seulement au lieu d’un vote annuel. Quelle que soit la périodicité, la résolution sur les rémunérations est plébiscitée : elle est adoptée pour 98 % des sociétés et approuvée par moins de 70 % des votants dans 7 à 8 % des cas seulement.

La première question posée par les études est celle de la création de valeur. Le cas des sociétés américaines dans lesquelles des actionnaires ont demandé l’adoption du «Say on pay» avant qu’il ne soit rendu obligatoire par la loi Dodd-Frank en 2010, et alors que les dirigeants y étaient opposés, est intéressant. En comparant les sociétés pour lesquelles la proposition a été adoptéeet mise en oeuvre à celles pour lesquelles elle a été refusée, les auteurs montrent que le vote consultatif crée en moyenne de la valeur.

Au Royaume-Uni, la réaction des cours à l’annonce – non anticipée – de la réglementation sur le «Say on pay» en 2002 a été positive pour les firmes dont les dirigeants étaient trop payés étant donné leurs caractéristiques, et en particulier en présence de performances faibles. Les investisseurs perçoivent ainsi le «Say on pay» comme un mécanisme permettant d’exercer plus de pression sur le conseil d’administration et les dirigeants, et entraînant une augmentation des performances.

En revanche, les effets du vote consultatif sur la rémunération des dirigeants sont faibles. Les études ne constatent pas d’évolution majeure – au mieux, une très légère décroissance du rythme d’augmentation – à la suite de son adoption aux Etats-Unis. Pour le Royaume-Uni, le «Say on pay» a eu un effet modérateur sur les rémunérations mais seulement en présence de performances défavorables. Mais le simple fait de la présence d’un nombre signifi catif de votes négatifs, alors même que la résolution est adoptée, entraîne la remise en cause des éléments de rémunération les plus controversés.

Comme toute réglementation, le «Say on pay» aux Etats-Unis a eu des conséquences non anticipées. La plus importante a été un accroissement de l’influence des entreprises de conseil en votes et en particulier d’ISS (Institutional Shareholder Services). En effet, les investisseurs institutionnels se fi ent à leurs recommandations pour accomplir leurs obligations de vote et plus de la moitié des entreprises révisent en amont leur politique de rémunération pour se conformer à leurs critères. Les quelques votes négatifs constatés l’ont été à la suite d’une recommandation d’ISS. En conclusion, le vote consultatif favorise le dialogue entre actionnaires et dirigeants sur le thème des rémunérations, même si son effet sur la modération de celles-ci est modeste.

Edith Ginglinger Professeur ,  Université Paris-Dauphine

Edith Ginglinger est professeur à l’Université Paris-Dauphine

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