Euler Hermes : en France, le risque d’impayés continue de menacer les entreprises

Publié le 25 novembre 2020 à 15h50    Mis à jour le 26 novembre 2020 à 16h03

Anne del Pozo

Même si le nombre de faillites ne croît pas encore, une vague de défaillances d’entreprises devrait prochainement arriver en France. Comment expliquer ce décalage, et pourquoi la situation est-elle préoccupante ? Les fournisseurs doivent-ils s’inquiéter de la résurgence du risque d’impayés ? Euler Hermes fait le point.

Dès le mois de mars 2020, l’épidémie de Covid-19 a mis un coup d’arrêt brutal à l’activité économique en France. La reprise s’amorce, mais il faudra du temps pour compenser les dégâts causés lors du premier semestre. Euler Hermes prévoit en effet une récession de l’ordre de – 10 % en 2020 en France, avant un rebond mesuré de + 6,2 % seulement en 2021. Le retour aux niveaux d’avant crise pour le PIB français n’arrivera au mieux qu’au premier trimestre 2023. Concrètement, cela signifie que la demande et la production ne tourneront pas à plein avant cette échéance. Malheureusement, de nombreuses entreprises ne sont pas assez solides en termes de trésorerie pour absorber le choc et traverser cette période, et risquent ainsi de se retrouver en état de cessation de paiement.

Une vague de défaillances retardée…

Avant même la crise Covid-19, la trésorerie des entreprises françaises était déjà sous pression. En effet, en France, le ratio dette des entreprises/PIB était de 74 % en 2019, contre seulement 60 % en moyenne en zone euro. De plus, les taux de marge des entreprises françaises se sont, ces dernières années, quelque peu redressés, mais ils ne sont toujours pas revenus aux niveaux d’avant la crise de 2009. L’apparition de l’épidémie a empiré la situation : l’application des mesures sanitaires destinées à endiguer sa propagation, bien que primordiale, a eu un impact direct sur la production et sur la consommation. De quoi mettre encore plus sous tension la trésorerie des entreprises françaises. On peut supposer que certaines seront contraintes de mettre prochainement la clé sous la porte.

Pourtant, le nombre de défaillances d’entreprises n’a pas encore commencé à croître. Euler Hermes estime même qu’il devrait reculer cette année. Comment expliquer ce paradoxe ? Il s’agit d’un effet purement mécanique et statistique. «Les dispositifs publics de soutien aux entreprises (PGE, décalage de taxes, chômage partiel) ont permis d’éviter temporairement une hausse du nombre de défaillances, explique Maxime Lemerle, directeur des recherches sectorielles chez Euler Hermes. Mais une fois que cet effet “perfusion” sera dissipé, et que les entreprises devront faire face à leurs engagements, les défaillances croîtront mécaniquement. De même, le gel de l’état de cessation de paiements et la fermeture des tribunaux de commerce ont maintenu statistiquement en vie des entreprises qui aurait dû être déclarées en défaut de paiement. Une fois que l’activité juridique reprendra son cours, là aussi, le nombre de défaillances d’entreprises croîtra.»

… mais qui atteindra la France dès 2021

Ainsi, la vague de défaillances d’entreprises qui était attendue n’a pas disparu. Au contraire : elle a été décalée dans le temps, mais devrait atteindre prochainement la France. En effet, Euler Hermes estime que le nombre de défaillances d’entreprises croîtra de plus de + 30 % en 2021 par rapport à 2020, des niveaux jamais constatés depuis la crise de 2008-2009. Le risque d’impayés, pour le moment invisible, est au plus fort et ne devrait plus tarder à se manifester. «Concrètement, en 2021, plus de 62 000 entreprises pourraient être en situation de défaut de paiement en France. Cela crée un souci majeur pour les fournisseurs : que devient leur créance commerciale si leur client met la clé sous la porte ? Dans le contexte actuel, nombreuses sont les entreprises qui ne peuvent pas se permettre de subir un incident de paiement, au risque de faire elles-mêmes faillite. Malgré les chiffres constatés, il ne faut pas baisser la garde», poursuit Maxime Lemerle.

Quels seront les secteurs les plus touchés ?

Nous pouvons différencier deux catégories de secteurs : ceux dont la profitabilité était déjà limitée avant la crise, et ceux dont la santé financière a été directement mise en péril par la crise.

Dans la première catégorie, nous retrouvons les secteurs du commerce de détail, de la métallurgie et de l’industrie électronique ainsi que, dans une moindre mesure, la construction. Depuis de nombreuses années, ces secteurs doivent chacun faire face à des défis qui les contraignent à investir pour rester au niveau de la concurrence, et donc à s’endetter (e-commerce, digitalisation, changement de technologies ou de normes). Dans ces secteurs, la pression concurrentielle est également forte, notamment du fait de l’arrivée constante de nouveaux acteurs. Un élément qui met directement les taux de marge sous pression. Déjà fragiles, ces entreprises ont vu arriver la crise Covid-19 comme un accélérateur de leurs difficultés. Nous pouvons craindre un fort rebond du nombre de défaillances dans ces secteurs dès 2021.Viennent ensuite les entreprises dont la structure financière était relativement bonne fin 2019, mais qui ont subi le choc Covid-19 de plein fouet. Le chiffre d’affaires de ces entreprises a été fortement touché au premier semestre 2020 du fait des mesures sanitaires destinées à endiguer la propagation du virus. Nous pouvons notamment penser à quelques secteurs en particulier, dont le textile-habillement (– 13 %), la construction (– 12 %), le commerce (– 9 %), les transports (– 14 %), et enfin l’hébergement-restauration (– 36 %). Le manque à gagner est énorme, et il sera difficile à combler, d’autant que de nouvelles restrictions apparaissent.

Une vague majeure de défaillances est ainsi à prévoir dans les secteurs appartenant simultanément à ces deux catégories, ce qui pourrait avoir d’importantes répercussions pour les fournisseurs ayant des liens avec ces entreprises.

Questions à Eric Lenoir, président du comité exécutif d’Euler Hermes France

En contact régulier avec les entreprises, Euler Hermes, leader de l’assurance-crédit, a une vision précise de leurs enjeux face au contexte actuel. Entretien avec Eric Lenoir, président du comité exécutif d’Euler Hermes France.

Les entreprises doivent-elles s’inquiéter pour leur trésorerie ?

La pression sur la trésorerie des entreprises est intense. Elle existait avant la crise, mais l’épidémie de Covid-19 l’a considérablement renforcée. Un grand nombre d’entreprises se retrouve dans une situation délicate, avec une santé financière extrêmement fragile. Le nombre de défaillances d’entreprises devrait croître de + 32 % en 2021, soit environ 62 000 faillites. Cela pose un problème majeur pour les fournisseurs : que devient leur créance si leur client fait faillite ?

Et quelles seront les conséquences de cet incident de paiement sur leur propre trésorerie ?Anticiper ce risque est crucial. C’est d’autant plus essentiel que les entreprises cherchent des débouchés pour compenser ce qui a été perdu pendant le premier semestre. En raison de cette nécessité impérieuse de générer du chiffre d’affaires, les entreprises doivent être encore plus vigilantes et évaluer la fiabilité de chaque opportunité. L’enjeu actuel consiste à limiter l’exposition au risque d’impayés pour ne pas aggraver l’état de la trésorerie, et d’adapter en conséquence ses conditions de paiement et sa politique de crédit client. En ces temps de crise, la communication financière est essentielle pour apporter toute la transparence nécessaire aux échanges commerciaux. C’est pourquoi nous invitons les entreprises à déposer leurs éléments financiers sur notre site TradeScore (https://tradescore.eulerhermes.com/fr).

Comment les entreprises peuvent-elles sécuriser leur poste client ?

L’assurance-crédit est une solution efficace pour se protéger du risque d’impayés. En recourant aux services d’Euler Hermes, les entreprises préservent leur trésorerie. Tout d’abord, avec la prévention : l’assureur crédit analyse la santé financière de toutes les entreprises et permet à ses assurés d’identifier les risques, de bénéficier d’alertes et de se concentrer sur les partenaires commerciaux les plus solides. Si un impayé survient, l’assureur crédit se charge de l’intégralité du processus de recouvrement, que la créance soit garantie ou non. Et grâce à l’indemnisation, l’entreprise récupère ce qui lui est dû. Avec les outils en ligne innovants développés par Euler Hermes, l’entreprise dispose d’une information à forte valeur ajoutée, en temps réel, pour optimiser le suivi de son poste clients.

Chargement en cours...