Gestion des risques

Risque client : le pire est à venir

Publié le 25 novembre 2020 à 11h12    Mis à jour le 26 novembre 2020 à 16h02

Anne del Pozo

La deuxième vague de l’épidémie et les nouvelles mesures sanitaires mises en place au mois d’octobre vont de nouveau avoir un impact négatif sur l’activité des entreprises à la fin de l’année. Conséquence directe de ce contexte : alors que les économistes annonçaient déjà une importante résurgence de la sinistralité des entreprises dès la fin de cette année et en 2021, la deuxième période de confinement pourrait bien accentuer cette tendance. Un environnement de risques accrus que les entreprises doivent surveiller de près.

Les nouvelles mesures de confinement annoncées le 28 octobre dernier ont forcé le gouvernement à revoir sa prévision de baisse du PIB cette année à 11 % contre 10 % précédemment. L’activité économique était pourtant repartie dans une belle dynamique de croissance au troisième trimestre, avec un rebond de + 18,2 % du PIB selon l’Insee, après – 13,7 % au deuxième trimestre 2020.

Rebond de l’activité économique au troisième trimestre

Ce sont ainsi l’ensemble des composantes de la demande intérieure qui, au troisième trimestre, ont fortement augmenté. Les dépenses de consommation des ménages ont bondi de + 17,3 % sur la période. Dans le détail, les achats de biens ont explosé (38,9 %) tandis que les achats de services ont bondi de 20,2 %. Les dépenses de consommation des administrations publiques ont également fortement accéléré avec une hausse de 15,4 %. En revanche, la formation brute de capital fixe (FBCF) demeure fortement en retrait (– 5,1 % en glissement annuel), malgré son rebond au troisième trimestre (+ 23,3 %). Au total, la demande intérieure finale hors stocks contribue pour + 18,9 points à la hausse du PIB ce trimestre.

Le commerce extérieur en demi-teinte

Les chiffres de commerce extérieur sont également repartis à la hausse au troisième trimestre, notamment les exportations (+ 23,2 % après – 25,7 %). Cependant, malgré ces signaux positifs, le commerce extérieur français reste fragile et son évolution fortement dépendante d’un appareil exportateur très spécialisé, notamment dans l’aéronautique (secteur qui traverse actuellement une forte crise), du renforcement des mesures de confinement à l’échelle européenne et de la concrétisation à venir du Brexit. Les importations augmentent également mais dans une moindre mesure (+ 16,0 % après –17,1 %). Au total, le commerce extérieur contribue positivement à la croissance du PIB : + 1,2 point, après – 2,4 points au trimestre précédent.

Il convient également de noter que certaines composantes du PIB restent encore très loin de leur niveau d’avant le début de pandémie. C’est notamment le cas de l’investissement des entreprises qui reste inférieur de 4,5 % à son niveau du quatrième trimestre de l’an passé. La production industrielle est aussi en recul de 9 % par rapport à la fin 2019. Les variations de stocks contribuent également négativement à l’évolution du PIB (– 1,9 point après +0,9 point). Globalement, il subsiste encore un écart important d’activité par rapport à l’avant-crise. Selon Emmanuel Jessua, économiste de COE-Rexecode, cet écart serait d’environ 4 %.

Le reconfinement rebat les cartes des prévisionnistes

Un écart qui pourrait s’accentuer avec la deuxième vague de l’épidémie et les nouvelles mesures sanitaires qui s’y rattachent. Le ministre de l’Economie Bruno Le Maire anticipait ainsi, lors d’une lors d’un point presse donné avec le Premier ministre Jean Castex le 28 octobre dernier, une chute de 15 % du PIB en novembre, consécutive au nouveau confinement. Une baisse certes impressionnante mais cependant plus faible que celle enregistrée au printemps dernier, période pendant laquelle le PIB avait plongé de 30 %. L’assureur crédit Euler Hermes estime ainsi qu’avec un confinement prolongé jusque mi-décembre, suivi d’une levée partielle de cette mesure pour l’application d’un couvre-feu pendant les fêtes de fin d’année, le PIB français se contractera de -7,1% t/t au T4 2020. La croissance française s’établirait ainsi à -10% sur l’ensemble de l’année 2020.«Ce confinement est un coup dur pour de nombreuses entreprises, déclarait Bruno Le Maire. Je pense en particulier aux 200 000 commerces obligés de fermer», a-t-il rappelé. Si aujourd’hui les entreprises sont mieux préparées à un nouveau confinement, en revanche, nombre de secteurs dans les services, le tourisme, l’événementiel, la culture ou encore les transports devraient encore enregistrer une chute brutale de leur activité proche de celle du printemps. La baisse d’activité de ce quatrième trimestre pourrait également peser sur la croissance de 2021. D’après Euler Hermes les mesures sanitaires resteront strictes en janvier et février, avant un éventuel assouplissement en mars. L’activité économique française devrait donc rebondir modérément, avec une croissance attendue à +3,4% au T1 2021 par rapport à la même période en 2020. Cette reprise deviendra plus solide au S2 2021, sous l’impulsion du stimulus fiscal de 100 Mds EUR appliqué par l’Etat et la perspective d’une campagne de vaccination qui soutiendra le rétablissement de la confiance dans l’économie en plus de réduire les perturbations de l’activité. In fine, la croissance économique française devrait atteindre +6,2% en 2021. Ce rebond ne sera pas suffisant pour revenir aux niveaux d’avant-crise. Cela ne sera d’ailleurs pas possible avant le T1 2023 selon Euler Hermes. La seconde vague de l’épidémie laissera des traces sur l’économie française, et les pertes sont déjà lourdes pour de nombreux secteurs (tourisme, hôtellerie-restauration, loisirs, transports, commerce de détail). 

Défaillances d’entreprises : le calme avant la tempête

Une nouvelle donne qui ne sera également pas sans conséquences sur le volume des défaillances d’entreprises. Pour le moment, il reste en nette diminution. Selon Ellisphere, à fin septembre 2020, sur 12 mois glissants, le nombre de défaillances d’entreprises (ouvertures de redressement judiciaire et de liquidation judiciaire directe), ainsi que le nombre de procédures de sauvegarde, étaient toujours en large repli par rapport à 2019, respectivement – 29,6 % pour 36 142 jugements d’ouverture et – 15,9 % pour 811 procédures de sauvegarde. Ces évolutions qui sont globalement observées depuis six mois peuvent cependant être qualifiées d’artificielles car toujours largement liées au gel partiel des procédures collectives (levé le 7 octobre dernier) ; un gel qui masque pour l’heure la situation économique réelle de nombre d’entreprises mises à mal par la crise de la Covid-19. Parallèlement, l’Etat et les greffes des tribunaux de commerce ont poussé les entreprises à gérer leurs difficultés à l’amiable en utilisant d’autres procédures comme le mandat ad hoc ou la conciliation. Enfin, les aides gouvernementales ont permis à de nombreuses entreprises de résister autant que faire se peut jusqu’à aujourd’hui. «Malgré un rebond de 16 % au troisième trimestre, le PIB reste 5 % en deçà de son niveau d’avant crise. Et pour autant, à l’instar des données qu’Altares relève depuis le début de l’année, les défaillances d’entreprises sont extraordinairement contenues, analyse Thierry Millon, directeur des études d’Altares. Depuis janvier, les tribunaux ont prononcé 24 000 ouvertures de procédures collectives, soit le plus bas niveau de défaillances depuis plus de 30 ans. L’Etat, qui a très tôt mis en place des mesures de soutien (chômage partiel, PGE, report des cotisations et aménagement des règles de cessation de paiements, etc.) a permis aux entreprises de tenir le choc, jusqu’à maintenant. Cependant, des mouvements à la hausse du nombre de défaillances ou de sauvegardes commencent à se révéler. Plusieurs signaux nous alertent, en particulier la proportion grandissante de liquidations directes, révélatrice d’entreprises qui ont sans doute trop attendu pour se déclarer en cessation et ne peuvent plus être sauvegardées.» Sur 2021, Euler Hermes prévoyait ainsi, avant le second confinement, une hausse des défaillances d’entreprises de 32 % en 2021 par rapport à 2020 et de + 21 % par rapport à 2019. Des chiffres qui pourraient être revus à la hausse au regard de l’évolution actuelle de la situation sanitaire, et de la seconde période de confinement.

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