La prise en compte croissante des enjeux ESG par les entreprises ne concerne pas que l’information financière. Une petite révolution se prépare dans le domaine de la comptabilité. Alors que jusqu’à présent, seuls les quotas carbone des industriels très émetteurs de CO2 étaient comptabilisés dans le bilan, les ressources environnementales et sociales des entreprises devraient également être valorisées à terme dans les comptes des entreprises.
Sur ce parking d’un grand magasin, l’eau de pluie ruisselle et ne s’infiltre pas comme elle le devrait. Pour l’entreprise concernée, le problème va au-delà d’une simple erreur de construction. Cette artificialisation des sols accélère la perte de biodiversité, participe au réchauffement climatique en absorbant moins le CO2 et amplifie les risques d’inondation… Bientôt, cette entreprise du secteur de la distribution sera obligée d’estimer les coûts de réparation de cet impact sur l’écosystème naturel, et les intégrer en comptabilité !
En effet, dans un futur plus ou moins proche, estimé en dizaine d’années, les directions comptables et financières ne devront plus seulement enregistrer les recettes et les dépenses de leur entreprise, mais aussi monétiser les effets potentiels, positifs et négatifs, de leur société sur la planète et sur les individus. Ainsi, les entreprises les plus polluantes auraient un résultat net inférieur à celui d’aujourd’hui – toutes choses égales par ailleurs – et les plus vertueuses pour l’environnement verraient leurs bénéfices progresser.
Les enjeux environnementaux encore peu pris en compte dans les tests de dépréciation
- Si les enjeux climatiques et environnementaux concernent in fine toutes les entreprises, peu d’entre elles prennent en compte les risques associés dans leurs impairment tests. « Lors de la clôture des comptes 2021, certaines entreprises ont commencé à intégrer, dans leur test de dépréciation, des scénarios avec des hypothèses de décroissance d’activité liée aux enjeux climatiques, mais cette pratique n’est pas encore très répandue, et quand les entreprises le font, les tests se cantonnent souvent aux effets les plus évidents », souligne Amaury Wernert, managing director chez Kroll.
- Pourtant, dans de nombreux secteurs, l’impact du changement climatique sur la valeur des entreprises peut être significatif et devrait être pris en compte. « A moyen long terme, certaines entreprises fortement émettrices de CO2 par exemple pourraient voir leur activité décroître, ou devoir mener d’importants investissements transformants pour maintenir leur activité, explique Amaury Wernert. Il faudrait donc qu’elles en tiennent compte dans leurs hypothèses de croissance et de coûts lors de leurs tests de dépréciation à réaliser annuellement. »
Une comptabilité triple capital
Cette comptabilité baptisée « multicapital », ou « triple capital » pour l’aspect financier, humain et social, peut sembler aujourd’hui relever de la science-fiction. De fait, les avancées réglementaires des dernières années au niveau extra-financier ont visé exclusivement à renforcer la qualité de l’information ESG, et non à prendre en compte directement ces éléments en comptabilité. Ainsi, depuis l’an dernier, les...
