Parole d’Expert – King & Spalding

L’avènement du temps long en M&A

Publié le 24 octobre 2025 à 15h07

King & Spalding    Temps de lecture 4 minutes

Après une période marquée par la mise en œuvre de processus M&A accélérés, sous la pression de « bid process » ultra-compétitifs contraignant acquéreurs et investisseurs à se positionner sans délai, un renversement s’opère. Les acquéreurs ont repris la main sur la conduite des opérations, imposant une cadence plus mesurée, et leur laissant le temps (long) de la réflexion.

Par Laurent Bensaid, Managing Partner, et Carla de Checchi, King & Spalding

Cette inflexion conduit à l’allongement sensible des périodes de négociation, et redessine les équilibres entre rapidité d’exécution et maîtrise du risque. A ce titre, les phases de « due diligence » qui s’échelonnaient auparavant sur quelques semaines sont étendues afin, d’une part, de procéder à des revues approfondies dans des domaines sensibles et, d’autre part, d’anticiper les phases d’intégration sollicitant, de manière encadrée mais parfois contestable, l’accès à certaines informations stratégiques de la cible.

Au cours de la phase de pré-signing, la dimension sociale ajoute une couche de complexité. La technicité croissante des opérations conjuguée à des mécanismes d’intéressement des salariés ou de management packages sophistiqués accroît la méfiance des institutions représentatives du personnel. Les conséquences du recours à une expertise libre dans le cadre des procédures d’information-consultation, mobilisable par le comité social et économique pour les sociétés qui en sont dotées, ne doivent donc pas être sous-estimées. La désignation d’un expert peut, en effet, retarder le calendrier des opérations en portant à deux mois le délai de consultation du comité social et économique, sans même évoquer le temps nécessaire à la fourniture d’information et d’analyses complémentaires. Cela impose aux acquéreurs d’anticiper le séquencement et la structuration de leurs opérations d’acquisition et de se coordonner en amont avec la cible afin de préparer un dialogue social efficace et documenté.

Entre le signing et le closing, le rythme des opérations s’aligne sur celui des autorités réglementaires. Les délais d’instruction des demandes d’autorisation s’allongent, s’agissant notamment de la procédure de contrôle des investissements étrangers, avec un basculement quasi systématique en phase d’examen approfondi (dite « phase 2 »). Ce qui relevait de l’exception tend à devenir la norme, y compris pour des opérations ne présentant a priori pas de complexité sectorielle, juridictionnelle ou actionnariale particulière. Cette nouvelle dynamique doit être appréhendée par les acquéreurs au travers de pré-notifications robustes facilitant le dialogue avec les autorités et permettant, le cas échéant, de réduire la probabilité d’une phase 2 extensive ou, à défaut, d’en circonscrire l’objet et la durée.

De la même manière, pour les opérations cotées, les délais de revue de la documentation et d’octroi de conformité par l’Autorité des marchés financiers, qui pouvaient déjà donner lieu à plusieurs allers-retours techniques avec le régulateur, s’allongent dès lors qu’un actionnaire minoritaire esquisse le début d’une contestation, que celle-ci porte sur la licéité de l’opération ou l’équité du traitement qui lui est réservé. Ce dernier dispose de plusieurs leviers, également susceptibles d’impacter significativement les grandes étapes d’une opération boursière, dont la rapidité d’exécution est souvent synonyme de succès.

Dans un contexte paradoxal de ralentissement des volumes d’opérations financières, mais d’allongement des délais d’exécution, la long-stop date – date butoir au-delà de laquelle le contrat d’acquisition devient caduc si les conditions suspensives, notamment réglementaires, qui y sont visées ne sont pas levées – redevient un instrument clé de pilotage. Trop courte, elle expose les vendeurs à une renégociation du prix à la demande de l’acquéreur, qui dispose d’un levier évident (plus de contrat, plus d’opération). Trop longue, elle accroît le risque de dégradation opérationnelle de la cible et de volatilité des hypothèses de valorisation. L’enjeu consiste à calibrer finement la long-stop date, en prévoyant des marges de manœuvre suffisantes afin d’anticiper les itérations décrites ci-avant.

Mais l’ère du temps long n’est pas synonyme d’inefficacité. Elle consacre une exigence accrue de préparation, d’anticipation, et de vigilance s’agissant des intentions réelles de sa contrepartie. Et la promesse d’un débouclage heureux, ce qui n’est, par les temps qui courent, pas chose acquise…

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