La lettre de l'immobilier

Janvier 2020

Urbanisme social : une politique de soutien protéiforme - Entre contraintes règlementaires et incitations fiscales

Publié le 31 janvier 2020 à 11h21    Mis à jour le 31 janvier 2020 à 21h01

Céline Cloché-Dubois et Clotilde Laborde

Depuis la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbain dite «loi SRU» du 13 décembre 2000, qui a depuis été modifiée et complétée, les communes sont tenues d’inscrire une politique de l’habitat dans leur document d’urbanisme.

Par Céline Cloché-Dubois, avocat associé en droit de l’urbanisme et de l’environnement. Elle intervient tant en conseil qu’en contentieux auprès d’opérateurs publics et privés (investisseurs, promoteurs, aménageurs) dans le cadre de projets de développement et d’aménagement et Clotilde Laborde, avocat en droit de l’urbanisme et de l’environnement. Elle intervient tant en conseil qu’en contentieux auprès des entreprises et des personnes publiques.

L’article L.101-2 du Code de l’urbanisme impose en effet comme objectif aux collectivités publiques d’atteindre «la diversité des fonctions urbaines et rurales et la mixité sociale dans l’habitat, en prévoyant des capacités de construction et de réhabilitation suffisantes pour la satisfaction, sans discrimination, des besoins présents et futurs de l’ensemble des modes d’habitat, [...] en tenant compte en particulier des objectifs de répartition géographiquement équilibrée entre emploi, habitat, commerces et services, [...]».

En pratique, pour parvenir à cet objectif de mixité sociale, les communes peuvent librement1 décider d’intégrer des dispositifs contraignants au sein de leur plan local d’urbanisme (PLU) et d’appliquer une fiscalité de l’urbanisme incitative pour la réalisation de logements sociaux.

Principaux dispositifs en faveur du logement social prévus par le Code de l’urbanisme (CU)

l Les emplacements réservés «logements»  

En application des articles L.151-41 et R.151-38 du CU, des emplacements réservés en vue de la réalisation de programmes de logements peuvent être institués par les communes au sein des zones urbaines (U) ou à urbaniser (AU). 

Pour chaque emplacement réservé, la nature des programmes de logements, dont une partie peut être affectée aux logements locatifs sociaux en considération de la surface de plancher du programme ou du nombre de logements, doit être définie2 dans le PLU. Celui-ci peut par exemple imposer un pourcentage de catégories de logements spécifiques.

L’instauration de tels emplacements réservés a comme conséquence d’interdire la réalisation de toute construction dont la destination serait différente de l’emplacement réservé, à savoir du logement social.

l La servitude de mixité sociale 

L’article L.151-15 du CU permet de délimiter, au sein des zones U ou AU, des secteurs dans lesquels, lors de la réalisation d’un programme de logements, un pourcentage de ce programme doit être obligatoirement affecté à des catégories de logements déterminés.

En l’absence de toute contrainte textuelle spécifique quant à son périmètre, il est possible d’instaurer une telle servitude sur l’ensemble d’une ou plusieurs zones urbaines et d’inclure ou non des périmètres de zones d’aménagement concerté ou de lotissement.

La seule exigence posée par le CU tient à ce que les secteurs de mixité sociale soient identifiés par le règlement du PLU et délimités par les documents graphiques. Le règlement du PLU doit également préciser si la servitude s’applique uniquement à des constructions nouvelles ou concerne également les extensions des constructions existantes ainsi que les changements de destination au profit de l’habitation lorsque des seuils en nombre de logements ou surface sont franchis.

l Les secteurs de majoration des règles de construction pour les logements sociaux

Aux termes de l’article L.151-28 du CU, le règlement du PLU peut prévoir des secteurs à l’intérieur desquels la réalisation de programmes de logements comportant des logements locatifs sociaux au sens de l’article L.302-5 du Code de la construction et de l’habitation bénéficie d’une majoration du volume constructible tel qu’il résulte des règles relatives au gabarit, à la hauteur et à l’emprise au sol. 

Cette majoration, fixée pour chaque secteur, ne peut en revanche excéder 50 % des possibilités de construire. En outre, pour chaque opération, elle ne peut être supérieure au rapport entre le nombre de logements locatifs sociaux et le nombre total des logements de l’opération.

Le recours à de tels «bonus de constructibilité» est en pratique souvent conjugué avec les servitudes de mixité sociale et les emplacements réservés spécifiques, bien que ces dispositifs soient juridiquement indépendants. 

 

Cas particulier du PLU de Paris 

S’agissant de la Ville de Paris, le règlement du PLU intègre l’ensemble de ces dispositifs. 

En effet, ont été créés, au sein de la zone U, une zone de protection de l’habitat, des emplacements réservés «logements» ainsi que des servitudes de mixité sociale. 

Ont également été identifiées sur le document graphique annexé au PLU, des zones de déficit en logement social au sein desquelles des contraintes spécifiques ont vocation à s’appliquer3. 

 

Principales incitations fiscales en faveur du logement social prévues par le CU

l Exonérations et abattement au titre de la taxe d’aménagement (TA)

Il sera rappelé qu’en application de l’article L.331-6 du CU, tout projet de construction ou reconstruction, de quelque nature qu’il soit, autorisé par une autorisation d’urbanisme est soumis à la TA.

La TA, assise sur la surface de plancher de construction définie par l’article L.331-10 du CU, se compose de trois parts : part communale ou intercommunale, part départementale et enfin part régionale pour la seule région Ile-de-France (IDF). Les taux sont déterminés par délibération de chaque assemblée délibérante.

Si les logements sociaux financés en prêt locatif aidé d’intégration (PLAI) bénéficient, de plein droit, d’une exonération totale des parts communale, départementale et régionale (en IDF) de la TA, tel n’est pas le cas des autres logements sociaux.

L’article L.331-12 du CU précise uniquement que ces logements bénéficient, de plein droit, d’un abattement de 50 % sur la valeur. Cet abattement peut toutefois se cumuler avec une exonération, à la discrétion des collectivités locales. En effet, l’article L.331-9 du CU permet aux organes délibérants des communes, des départements et des régions d’exonérer totalement ou partiellement de la TA la réalisation de logements sociaux aidés (prêts locatifs sociaux – PLS, prêts locatifs à usage social – PLUS, logements locatifs sociaux – LLS). 

Les projets de construction de logements sociaux aidés en PLS, PLUS et LLS réalisés à Paris sont ainsi, par exemple, exonérés totalement des parts communale et départementale de la TA sur ce fondement.

l Exonérations et abattement au titre de la redevance d’archéologie préventive  

Une redevance d’archéologie préventive (RAP) dont le régime est déterminé par les articles L.524-1 et suivants du Code du patrimoine est également due lorsque les travaux envisagés affectent le sous-sol et sont notamment soumis à une autorisation d’urbanisme. 

Sont exonérés de la RAP, les logements sociaux financés en PLAI. Par ailleurs, un abattement de 50 % s’applique pour les logements sociaux financés en PLS, PLUS et LLS. Cependant, à la différence de la TA, aucune autre exonération ne peut s’appliquer.

Le CU prévoit ainsi des mécanismes réglementaires et fiscaux divers visant à favoriser la création de logements sociaux, ces mesures étant néanmoins subordonnées à la volonté des collectivités locales. 

1. A l’exception des communes faisant l’objet d’un arrêté de carence pour lesquelles l’article L.111-24 du CU impose des contraintes en matière de création de logements sociaux applicables de plein droit.

2. Cette exigence est toutefois appréciée de façon souple par le juge administratif dès lors qu’il n’est pas nécessaire d’avoir préalablement élaboré un programme précis de création de logements sociaux (voir notamment : CAA Bordeaux, 18 juin 2013, n° 13BX00550).


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