La lettre des fusions-acquisition et du private equity

La Loi PACTE : bilan et perspectives

L’engagement sociétal : au-delà des frontières

Publié le 8 décembre 2021 à 17h19

CMS Francis Lefebvre    Temps de lecture 4 minutes

Par Bruno Dondero, avocat associé, responsable de la Doctrine juridique, professeur à l’école de droit de l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne.  bruno.dondero@cms-fl.com

Les nouveaux instruments proposés par la loi PACTE du 22 mai 2019 ont pu apparaître comme révolutionnaires, et il faut reconnaître que le législateur lui-même n’a pas fait dans la demi-mesure. Il s’agissait tout de même, pardonnez du peu, de « repenser la place des entreprises dans la société », si l’on reprend l’intitulé de la section de la loi où figurait le triptyque intérêt social élargi / raison d’être / société à mission. Mais de même qu’une initiative menée uniquement sur le territoire national ne suffira pas à sauver la planète, on comprend bien que le phénomène qui voit l’entreprise envisager autre chose que la seule réalisation d’un profit n’est clairement pas limitée à l’Hexagone.

Le rapport remis récemment par Bris Rocher au ministre Bruno Le Maire et à la secrétaire d’Etat Olivia Gregoire, procédant à un bilan de la loi PACTE et formulant quatorze recommandations pour en diffuser plus largement et plus efficacement les principes, contient en ce sens une intéressante partie consacrée à l’état du droit à l’étranger1. Précisément, six systèmes juridiques sont passés en revue, afin de rechercher dans quelle mesure les instruments de l’engagement sociétal des entreprises se retrouvent dans les droits en question.

La France n’a pas inventé l’intérêt social élargi ou la société à mission. Mais il est intéressant de voir comment des concepts similaires sont reçus dans d’autres systèmes, particulièrement dans ceux dont on entend parler depuis longtemps déjà, cités régulièrement comme des modèles à suivre.

Quelle situation aux Etats-Unis ?

Le rapport Rocher relève ainsi qu’entre 2010 et 2018, 35 Etats américains ont créé un statut de société à impact sous le nom de benefit corporation, voyant une société inclure dans son objet un ou plusieurs objectifs tournés vers l’intérêt général (protection de l’environnement, promotion des arts, de la science, entre autres). Accessibles depuis plus longtemps que nos sociétés à mission, les benefit corporations du droit US ne représenteraient cependant aujourd’hui que 5 000 entreprises (totalisant moins de 1 % du total des entreprises enregistrées aux Etats-Unis). Ce chiffre ferait apparaître notre « score » de 300 sociétés à mission en un peu plus de deux ans comme tout à fait comparable, proportionnellement.

Quid de nos voisins européens ?

La comparaison n’est pas toujours aisée, cela dit. L’idée d’une société à objet social élargi se comprend bien, et l’identification de la società benefit du droit italien ou de la comunity interest company du droit anglais confirme que nous ne sommes pas les premiers à penser à une telle combinaison d’objectifs. L’intérêt social élargi ou la raison d’être sont des concepts juridiques moins faciles à appréhender.

A y réfléchir, définir l’intérêt que doivent rechercher les dirigeants d’une société est tout de même une démarche assez audacieuse pour un législateur, et l’on peut comprendre qu’un code organise le fonctionnement d’une forme sociale sans prendre expressément parti sur cette question. Mais silence du législateur ne veut pas dire vide juridique, et il apparaît par exemple que le droit allemand intègre depuis longtemps des considérations extra-financières dans l’intérêt social. Maintenant, si la consécration législative de l’intérêt social élargi est très récente en droit français, cela ne signifie pas que l’intérêt social ait, antérieurement à la loi PACTE, été appréhendé par notre droit de manière systématiquement étroite. L’évolution vers l’engagement sociétal des entreprises peut se faire aussi, comme l’illustre le droit allemand à propos de la raison d’être, en laissant une large liberté aux parties, permettant d’intégrer des éléments de RSE dans l’objet social. On se souviendra d’ailleurs qu’en France, des sociétés relativement nombreuses avaient intégré dans leurs statuts ou hors de ceux-ci une raison d’être, avant l’adoption de la loi PACTE.

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Au sommaire de la lettre


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