Table ronde

Comprendre les innovations du PER pour mieux en bénéficier

Publié le 30 novembre 2021 à 15h55

Ingrid Labuzan    Temps de lecture 19 minutes

Porté par la loi Pacte, le PER (plan d’épargne retraite), qui se décline au niveau individuel (PERIN) ou entreprise (PERE), est surtout connu pour son dispositif fiscal. Cela constitue un levier financier important, mais il serait réducteur de cantonner l’intérêt du PER à cet aspect. Innovant en matière d’allocation et de gestion, il se révèle être, outre un produit indispensable de préparation à la retraite, un véritable outil de stratégie patrimoniale. A condition d’en maîtriser toutes les subtilités car, mal souscrit ou mal géré, le PER peut aussi se transformer en handicap financier.

De gauche à droite :

- François Dillemann, directeur du Développement, Chevreuse Stratégie et Développement 

- Jacques-Henry de Bourmont, avocat, associé au sein du cabinet Jeantet

- Mathieu Chauvin, président, Eres group

- Sébastien d’Ornano, président, Yomoni

D’après vos observations, le PER séduit-il les épargnants, et si oui pour quelles raisons ?

François Dillemann, directeur du Développement, Chevreuse Stratégie et Développement : Il y a un vrai succès du PER auprès des Français, avec des ouvertures de nouveaux PER, mais aussi et surtout beaucoup de transferts depuis d’anciens produits d’épargne retraite – PERP, Madelin, PERCO, Article 83… On remarque également une alimentation plus nourrie de la part des entreprises sur cet outil d’incitation à l’épargne retraite.

Mathieu Chauvin, président, Eres group : On note en effet un réel engouement pour le PER de la part des TPE et des travailleurs non salariés (TNS), qui avaient auparavant un contrat Madelin individuel. La combinaison entre ce Madelin et le PER leur permet de mettre en place une nouvelle stratégie d’épargne en combinant la cotisation retraite avec un abondement dans un PER d’entreprise s’ils ont au moins un salarié.

Sébastien d’Ornano, président, Yomoni : L’assurance vie demeure en tête des souscriptions, mais l’activité sur le PER est soutenue. Chez Yomoni, nous avons plutôt une population d’investisseurs jeunes et le PER trouve son public. Il s’agit de trentenaires/quarantenaires qui souhaitent cocher la case « épargne retraite » dans leur stratégie d’investissement, mais qui ne sont pas spécialement motivés par l’avantage fiscal du PER.

Jacques-Henry de Bourmont, avocat, associé au sein du cabinet Jeantet : Pour ceux qui ont justement des motivations fiscales, le PER est un vrai « best-seller ». Cela faisait très longtemps qu’un produit d’investissement n’avait pas permis de bénéficier d’un avantage fiscal à l’entrée aussi important.

Voici, en bref, l’avantage fiscal des versements effectués sur un PERIN ou PERCOL.

Pour les salariés, la déduction annuelle (article 163 du CGI) pourra atteindre 32 909 euros en 2021 par personne. Au niveau du foyer fiscal, le cumul des déductions disponibles pour le conjoint et les enfants à charge et au titre des années précédentes permettra de déduire des sommes pouvant atteindre plus de 200 000 euros !

Pour les travailleurs indépendants (TNS), la déduction de leurs revenus professionnels des versements (article 154 bis du CGI) s’élèvera à 10 % de leur bénéfice imposable retenu, dans la limite de 8 fois le plafond annuel de la sécurité sociale (PASS), auxquels s’ajoutent 15 % supplémentaires sur la fraction de ce bénéfice comprise entre 1 fois et 8 fois le montant annuel du PASS. Soit un montant total de déduction de 76 102 euros en 2021. A ces montants s’ajoutent les versements déductibles du revenu global en vertu de l’article 163 du CGI, ce qui peut porter les déductions annuelles à près de 100 000 euros par contribuable, hors rattrapage des années antérieures, et à plus de 200 000 euros avec prise en compte des années antérieures. Au niveau d’un foyer fiscal, ces déductions peuvent être encore augmentées des montants disponibles pour le conjoint et les enfants à charge, pour atteindre 300 000 euros ou 400 000 euros de déduction la première année d’utilisation du dispositif !

Lorsque la structure d’exercice du TNS compte au moins un salarié, il est possible de mettre en place un actionnariat des salariés et pour l’employeur d’abonder. Pour rappel, le forfait social a été supprimé sur les entreprises de moins de 50 salariés. Le PER, aux côtés de l’intéressement et de la participation, trouve ainsi toute sa place dans les management packages des dirigeants.

Le succès du PER s’explique donc par son impact très important sur le taux d’imposition du souscripteur et son effet de levier fiscal élevé, dès lors que l’on est dans les tranches marginales d’imposition les plus hautes, au-delà de 30 %. Il nécessite toutefois de prendre en considération l’éventuel TMI à la sortie du produit, pour savoir quand faire jouer la déduction sur le revenu imposable – à l’entrée ou à la sortie. Lors du déblocage en capital à la retraite, le taux d’imposition peut avoir augmenté significativement suite au départ des enfants du foyer fiscal.

L’avantage du PER n’est pas uniquement fiscal, il ouvre également un large éventail de possibilités d’investissement. Cela explique-t-il aussi son succès ?

Jacques-Henry de Bourmont : D’un point de vue fiscal toujours, l’investissement immobilier placé dans le PER n’est pas comptabilisé dans l’IFI. Il y a donc un intérêt à adopter une stratégie de gestion immobilière sur le PER et à faire des investissements plus financiers sur les autres supports d’épargne.

François Dillemann : Le manque de culture financière en France ne permet pas le succès d’un produit sur la seule base de son innovation financière. Voilà pourquoi il faut proposer des produits simples. 

La gestion indicielle ou les fonds de gestion active sont ainsi tout à fait adaptés au PER. Ajoutons à cela un autre avantage côté épargne collective, la passerelle temps/PERECO, c’est-à-dire la possibilité d’investir jusqu’à 10 jours par an dans un PER. Toutefois, le succès du PER, c’est avant tout la prise de conscience des épargnants qu’il faut s’occuper de leur retraite. Ensuite, SCPI, private equity ou gestion thématique, les opportunités pour dynamiser la gestion sont bien là. Aux sociétés de gestion et assureurs d’être originaux et transparents, car un bon produit fera en effet une grande différence sur une épargne de long terme.

Mathieu Chauvin : Au-delà des opportunités d’investissement très intéressantes, notamment sur le private equity et l’immobilier, la gestion pilotée et la désensibilisation progressive du portefeuille sont de vrais atouts d’un point de vue placement de long terme.

Sébastien d’Ornano : Ce n’est pas tant la richesse de l’offre d’investissement qui fait le succès du PER que sa simplicité. Avec les profils de risque obligatoires établis par défaut, il est aisé pour l’investisseur de trouver un produit qui lui est adapté. Nous sommes d’ailleurs favorables à la gestion indicielle, très répandue dans l’épargne retraite anglo-saxonne, qui est en avance sur ces sujets. L’horizon d’investissement de très long terme permet également d’investir sur des supports moins liquides. Quant à l’innovation des produits, il faut se demander qui est en mesure de la porter. Avec le PERIN assurantiel, c’est aux assureurs de le faire, mais la version compte-titres du PER offre aux asset managers une grande latitude pour innover.

«L’adhésion au PER se fera si les solutions d’investissement proposées sont simples, lisibles et bien expliquées. C’est d’ailleurs la condition pour aller vers un système de fonds de pension à la française. »

François Dillemann Directeur du Développement ,  Chevreuse Stratégie et Développement

Justement, quelles sont les différences entre les PER assurantiels et les PER comptes-titres ? Comment expliquer l’avance du PER assurantiel ?

Jacques-Henry de Bourmont : Le PER assurantiel ouvre le droit à un abattement de 152 500 euros dans le cas d’une succession, ce qui n’est pas le cas du PER compte-titres. Il s’agit d’une distorsion de concurrence surprenante.

François Dillemann : La version assurantielle est peut-être en avance pour l’instant, mais beaucoup de PER sont issus des transformations des articles 83 et des PERCO de grandes entreprises, qui se font sous format comptes-titres. Or ces transformations prennent du temps, car elles impliquent des discussions, notamment avec les partenaires sociaux. Avec l’échéance d’octobre 2022, qui marque la fin du bénéfice du forfait social allégé à 16 % sur les PERCO qui n’auraient pas été transformés en PERECOL (plan d’épargne retraite collectif), la transformation devrait s’accélérer.

Sébastien d’Ornano : Côté PERIN, nous sommes quasiment les seuls à proposer un compte-titres. L’avance assurantielle s’explique par l’habitude des acteurs de gérer les chaînes de distribution et de rétrocession. Pour les sociétés de gestion, la mise en place d’un PER est complexe car elle demande d’avoir un partenaire teneur de compte juridique, or il y en a de moins en moins sur la place, ainsi qu’un assureur qui propose la rente. Cela explique qu’il y ait peu de sociétés de gestion sur le PER, alors qu’elles pourraient avoir des offres très intéressantes, sur mesure, sur des produits de niche.

La différence se joue-t-elle aussi sur les frais ? Les critiques montent en effet sur le niveau de frais de certains produits.

Sébastien d’Ornano : C’est un travers que l’on retrouve surtout sur le PERIN assurantiel, ce qui est un problème. Le succès du PER dépend de l’engouement des particuliers, or un rendement trop amoindri par l’empilement de frais menace ce succès. Lorsqu’un produit réalise 7 % de performance sur les marchés actions mais que seule la moitié de ce rendement revient au souscripteur, c’est une menace pour la pérennité du produit.

Il faut veiller à son image, notamment en phase de démarrage. On peut craindre qu’au bout d’une génération, les investisseurs s’en détournent. 

Une part de conseil est nécessaire pour accompagner le souscripteur, y compris bien sûr en ligne, et peut entraîner des frais. Mais l’objectif est d’accompagner le souscripteur dans l’achat d’un produit optimal, adapté à sa situation fiscale, sans trop de frais. Il est aussi important, à mon sens, de créer sur ce nouveau marché des règles de saine concurrence, et cela passe par un nécessaire alignement des régimes fiscaux entre les PER assurantiels et compte-titres.

François Dillemann : Sur le PERIN, il y a parfois des droits d’entrée, de sortie, de gestion des UC dans des fonds qui supportent eux-mêmes des frais. Une étude récente a passé au crible 36 PER assurantiels et la moyenne des frais y est de 3 % sur la seule partie gestion. Imaginez l’impact de ces frais sur 20 à 30 ans d’épargne. Bruno Le Maire s’est ému de ce niveau de frais, ce qui s’explique par le rôle moteur qu’a joué le gouvernement sur le PER. Après un succès au lancement, il souhaite éviter un dérapage en milieu de parcours.

Mathieu Chauvin : Je suis parfois gêné par les commentaires du Gouvernement qui portent sur la manière dont le secteur privé s’organise. D’autant que le législateur a lui-même organisé une distorsion de la concurrence entre les produits bancaires et assurantiels via l’avantage successoral. Je pense qu’une saine compétition va petit à petit se mettre en place entre les acteurs.

Aujourd’hui, 58 % des salariés du secteur privé ont accès à un dispositif d’épargne salariale dans le cadre de leur entreprise, donc la phase de capitalisation peut se faire à moindre coût au sein de cette enveloppe. En revanche, il existe des solutions comprenant une ingénierie patrimoniale plus aboutie et, surtout, il faut répondre aux nombreux enjeux de l’épargnant : les recalculs des montants des plafonds des retraites individuelles, les questions de transfert entre produits, la phase de décumulation… Toutes ces étapes revêtent des enjeux spécifiques qui méritent d’être accompagnés, et cet accompagnement est rémunéré car il est certain qu’un mauvais conseil coûtera plus cher à l’épargnant que les frais qu’il aura supportés.

«On assiste à l’émergence de nouvelles stratégies fiscales, l’assurance vie utilisée pour le financement de la retraite et le PER pour transmettre, ce qui peut être contre-intuitif. »

Mathieu Chauvin Président ,  Eres group

Sous son apparente simplicité, le PER demande donc un accompagnement du souscripteur. Quelle forme peut-il prendre, est-il réellement à la portée de tous ?

Mathieu Chauvin : Le conseil se fait notamment via les courtiers et les CGP et c’est pourquoi, chez Eres group, nous formons 2 000 personnes par an sur ces sujets. Nous mettons à leur disposition nos équipes d’ingénierie patrimoniale sur l’analyse des transferts. La complexité technique des transferts d’anciens produits comme les Madelin, PERP, Préfon, etc. vers le PER est importante. Le transfert semble attractif, mais il est nécessaire de vérifier que les garanties techniques quittées dans l’ancien contrat ne sont pas plus avantageuses, même face à la possibilité de récupérer un contrat PER en capital à la sortie. Nous accompagnons donc nos partenaires dans des analyses personnalisées des contrats de leurs clients. Le conseil porte aussi sur toute la vie du contrat, pas seulement l’ouverture. Il peut par exemple y avoir le besoin d’une ingénierie patrimoniale impliquant le conjoint. Il faut digitaliser ces étapes de conseil, aussi bien sur les produits individuels que collectifs.

François Dillemann : Sur les PERIN, l’accompagnement passe en effet souvent par les distributeurs. Concernant les PERE, les grands acteurs proposent tous désormais des outils digitaux d’aide au choix de placement, avec des simulateurs, des agrégateurs, des robo-advisors… Cela n’enlève pas la nécessité d’un conseil humain, au travers de réunions ou webinaires organisés dans l’entreprise ou au cours de sessions interentreprises. Nous sommes bien dans notre rôle de conseil lorsque l’on évoque auprès des salariés des notions telles que le rendement/risque, l’horizon d’investissement… La culture financière doit être améliorée en France et il y a encore beaucoup de pédagogie à faire. On voit d’ailleurs que 45 % des épargnants restent encore sur de l’obligataire et du monétaire, qui ne sont pas forcément adaptés à l’horizon long terme de leur investissement. Ce chiffre n’inclut pas l’actionnariat salarié, qui peut parfois être poussé par l’entreprise, au détriment d’autres profils de placement.

Jacques-Henry de Bourmont : Le PER nécessite de dépasser la seule approche mathématique basée sur le gain fiscal ou le rendement. Contrairement à l’assurance vie, à laquelle les gens sont habitués, le PER implique un dessaisissement de l’épargne sans rachats possibles, sauf cas exceptionnels. Cela empêche donc d’autres projets, comme des donations aux enfants. Il existe des possibilités de jouer sur les clauses bénéficiaires, sur le démembrement, mais ce ne sont pas des sujets évidents. Il ne faudrait pas faire « surconsommer » le PER aux épargnants sans leur expliquer à quoi ils renoncent en contrepartie. Il faut une vision de long terme pour aborder le PER et songer à la question de la transmission, au-delà d’un gain fiscal immédiat.

Sébastien d’Ornano : Ce blocage de l’épargne est bien mis en avant auprès des épargnants. On peut aussi se féliciter des contraintes KYC qui permettent de dresser les profils de risque et d’apporter une meilleure vision des besoins du souscripteur. Le conseil se fait à la fois par des algorithmes et de l’humain, et l’objectif est bien de préciser ce risque. Il faut aussi se souvenir que dans les PER entreprises, les profils les plus abondés sont hélas en général les moins risqués. Or c’est bien là qu’il y aurait la possibilité d’ajouter du risque, des positions dynamiques. Avec du conseil, on parvient à guider les épargnants vers ces produits dynamiques ; 85 % de l’assurance vie chez Yomoni est en UC.

«Ce n’est pas tant la richesse de l’offre d’investissement qui fait le succès du PER que sa simplicité. »

Sébastien d’Ornano Président ,  Yomoni

Réussir son PER, c’est aussi réussir sa sortie du produit. On manque évidemment de recul sur ce point aujourd’hui, mais comment préparer au mieux cette phase cruciale ?

François Dillemann : Il faut garder en tête que le PER est un investissement de long terme. Or les track records démontrent la rentabilité supérieure des marchés actions sur le long terme. Je pense que les profils de risque sur lesquels se base la gestion pilotée devraient avoir un prisme plus dynamique. Néanmoins, cette gestion pilotée demeure un excellent outil car elle dirige l’épargnant vers les marchés actions. Concernant la sortie, il faut se souvenir que le Français est l’un des plus grands épargnants au monde, avec 21 % de ses revenus épargnés en 2020, selon l’INSEE. Il n’a donc pas forcément besoin de capital lorsqu’il arrive à la retraite, mais plutôt d’une rente, et ce sur une très longue période. Il faut réconcilier les Français avec la rente.

Jacques-Henry de Bourmont : En matière de fiscalité, si la déduction a été appliquée à l’entrée, alors la taxation s’opère à la sortie, sauf accidents de la vie. Pour une sortie en capital, c’est une taxation à l’impôt sur le revenu, plus les prélèvements sociaux. Pour une sortie en rente, la taxation est celle des pensions et retraites avec l’application du barème des rentes viagères à titre onéreux, et un abattement de 60 % à 70 % en fonction de l’âge. Le régime se veut donc neutre, ce qui a été déduit devient imposable. En revanche, en cas d’accident de la vie (hors achat de la résidence principale), les versements effectués sur le PER et déduits fiscalement peuvent être débloqués sans taxation à l’impôt sur le revenu, ce qui constitue un avantage très important. 

Les produits du capital seront quant à eux taxés uniquement aux prélèvements sociaux de 17,2 %. Or, si on analyse bien les cas de déblocages, ils sont très probables pour ceux qui peuvent attendre ! En outre, il faut se rappeler que l’on peut faire des déblocages en capital du PER étalés dans le temps, ce qui permet de mieux piloter le niveau d’imposition.

Au cours de la vie du PER, les sommes ne sont pas mobilisables ou rachetables au plan financier. A cet égard, il pourrait être intéressant de réfléchir à des systèmes permettant de rendre mobilisables ces sommes investies dans les PER, par exemple pour servir de garantie à un prêt bancaire.

Mathieu Chauvin : Les cas de sortie exceptionnelle présentent des subtilités et ne sont pas tous traités de la même manière. L’acquisition de la résidence principale est le moins intéressant sur le plan fiscal, alors qu’en cas de décès, il y a une exonération totale de fiscalité, y compris des prélèvements sociaux. On a donc là un outil de prévoyance croisée avec le conjoint très intéressant pour préserver le survivant.

En phase de retraite, il faut ensuite se demander s’il n’est pas plus intéressant de continuer à épargner sur son PER et à le garder actif, car il n’y a aucune obligation de rachat du contrat. On assiste à l’émergence de nouvelles stratégies fiscales, l’assurance vie utilisée pour le financement de la retraite et le PER utilisé pour transmettre, ce qui peut être contre-intuitif.

Concernant la gestion d’actifs en phase de déblocage progressif, il faut aller vers des solutions de décumulation intelligentes, avec une allocation qui ne bascule pas entièrement sur du monétaire ou du fonds en euros dès le début de la retraite. Les classes d’actifs rémunératrices ont encore leur place dans la décumulation progressive de cette épargne, indispensable pour limiter les impacts fiscaux d’un rachat unique dans certaines situations.

Sébastien d’Ornano : Pour faire face à cet enjeu majeur, nous avons justement décidé de proposer, à côté du mandat piloté, une allocation sans décumulation. Nous ouvrons une enveloppe d’investissement sur 15 ou 20 ans et six ans avant la retraite, nous discutons avec nos clients de leurs besoins et révisons leur allocation en fonction. L’objectif est de ne pas perdre d’opportunités en appliquant la réglementation sans se questionner.

« Il ne faudrait pas faire “surconsommer” le PER aux épargnants sans leur expliquer à quoi ils renoncent en contrepartie. »

Jacques-Henry de Bourmont Avocat, associé ,  Cabinet Jeantet

Terminons avec le PER entreprise : qu’est-ce qui pourrait faciliter son adoption ?

François Dillemann : Le Gouvernement souhaite pousser le transfert des produits d’épargne retraite collective vers le PERE et il le fait notamment au travers du calendrier.

Depuis le 1er octobre 2020, il est impossible, pour une nouvelle société, d’adhérer à un PERCO groupe. Elle doit aller vers un PERECOL groupe. Les entreprises qui font de la croissance externe ont donc bien avancé sur la transformation. Quant aux autres, si en octobre 2022, le PERCO n’est pas transformé en PERECOL, le bénéfice du forfait social minoré saute. La transformation des articles 83 en PERO (plans d’épargne retraite obligatoire) a un impact sur le forfait social appliqué aux sommes versées : il passe de 20 % à 16 %. Il est donc important, pour les entreprises, de transformer leurs outils. Précisons que les entreprises de moins de 50 salariés sont exonérées du forfait social. Quant à l’épargnant, il a intérêt à opter pour les PER car ils sont transférables et le suivent tout au long de sa carrière.

Précisons également que le PERCO bénéficie d’une fiscalité allégée sur les plus-values se reportant aux versements antérieurs au 1er janvier 2018. Mais ces taux historiques pourront continuer à s’appliquer en cas de transformation ou transfert vers un PERECOL, à condition de le faire avant le 1er janvier 2023.

Je pense surtout que l’adhésion au PER se fera si les solutions d’investissement proposées sont simples, lisibles et bien expliquées. C’est d’ailleurs la condition pour aller vers un système de fonds de pension à la française.

Mathieu Chauvin : Les petites entreprises ont déjà effectué les transferts, mais c’est plus poussif dans les grandes. Il demeure en effet une problématique sur la fiscalité du versement volontaire futur. Ses conditions défavorables sont pointées du doigt par les partenaires sociaux. Cela pénalise les plus bas salaires qui, dans le même temps, ne peuvent pas ignorer le dispositif s’ils veulent bénéficier de l’abondement de l’employeur. Quant aux contrats de retraite supplémentaire 83, il y a un gain de forfait social de 4 points à aller chercher pour l’employeur. Toutefois, certains 83 anciens bénéficient de garanties techniques importantes (taux technique essentiellement), avantages qui seraient perdus avec une transformation. D’où la nécessité d’une analyse au cas par cas et d’un conseil dédié. Il y a beaucoup de stratégies et de possibilités à imaginer autour du PER et le marché est encore jeune. Il sera intéressant de voir dans quelle direction il va se développer, et il se développera, c’est certain. 

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