Parole d’expert - Axiom Alternative Investments

« Le secteur bancaire européen a perdu son caractère cyclique »

Publié le 9 février 2024 à 11h21

Axiom Alternative Investments    Temps de lecture 4 minutes

C’est un paradoxe : les banques européennes, qui ont retrouvé des niveaux historiques de profitabilité et présentent d’excellents fondamentaux, souffrent d’une importante décote en Bourse. Une opportunité à saisir, selon David Benamou, associé-gérant et directeur des investissements de la société de gestion Axiom Alternative Investments, spécialiste des valeurs financières.

Les banques européennes ont été contraintes d’opérer une transformation profonde à la suite de la crise de 2008. Avec quelles conséquences ?

La transformation du secteur sous l’impulsion du régulateur l’a rendu moins cyclique. En témoigne le niveau anormalement bas de défauts par rapport à la moyenne historique de long terme. En 2023, le coût du risque était d’environ 0,30 %, alors qu’historiquement il s’établissait plutôt autour de 0,40 dans un cycle « normal », de 0,80 % en période de récession et de 1,20 % à 1,40 % en phase de crise. Le respect des nouvelles normes a profondément et durablement modifié la prise de risques par les établissements bancaires et donc l’importance de ces risques dans leurs bilans, la partie la moins sûre des financements ayant, semble-t-il, été transférée vers le marché de la dette privée.

Le secteur est donc en parfait état de marche ?

Les performances opérationnelles sont également au rendez-vous, avec des revenus en hausse de plus de 40 % en 2023 ! Le secteur a retrouvé ses niveaux de profitabilité historiques : le retour sur fonds propres (RoE) est en moyenne supérieur à 10,5 % et la rentabilité des actifs (RoA) s’est élevée à 0,63 % l’an dernier (le plus haut niveau atteint au cours des 23 dernières années s’établissant à 0,64 % en 2006).

Dans ces conditions, comment expliquer la décote du secteur et la frilosité des investisseurs ?

Le PER des banques européennes ressort à 6,4 pour 2024 alors que le ratio moyen sur 10 ans est d’environ 10,5. Malgré une hausse de l’indice Stoxx Europe 600 Banks Net Return de 26,5 % l’an passé (+ 31,7 % pour notre fonds Axiom European Banks Equity), le secteur affiche une décote de 50 % par rapport au marché dans son ensemble, un record historique !

On observe que depuis 2008 les banques font partie des allocations tactiques des investisseurs, et non plus de leurs allocations stratégiques. Plusieurs raisons à cela : la crainte de l’effet dilutif des importantes quantités de capital à émettre pour satisfaire aux exigences réglementaires ; la méfiance provoquée par les scandales et les faillites, la dernière en date étant celle du Crédit Suisse ; un environnement de taux négatifs pendant une longue période qui a desservi le secteur. En fait, sa compréhension repose toujours sur des éléments du passé, qui n’ont plus cours.

Quelle est votre approche des valeurs bancaires ?

Il est difficile de prédire si la revalorisation du secteur bancaire interviendra et quand cela aura lieu. Néanmoins, en attendant, ce dernier offre un cash yield d’environ 28 % sur les deux prochaines années, le plus élevé du marché ! De quoi patienter tranquillement ! Couplés aux généreux dividendes distribués, les rachats d’actions – qui sont de nouveau autorisés par le régulateur depuis 2021 – atteignent des records historiques. En plus d’être bien rémunérés, pour patienter le temps de la revalorisation boursière, les investisseurs disposent donc d’un coussin de sécurité si l’environnement devait devenir moins favorable. Nous sommes toutefois confiants dans la capacité des banques à protéger leurs marges en cas de ralentissement économique et de baisse des taux. Elles auraient ainsi l’opportunité de démontrer qu’elles sont devenues moins cycliques et qu’elles méritent de ce fait des multiples de valorisation plus élevés.

De notre point de vue, les acteurs à cibler sont ceux qui capturent le plus efficacement la hausse des taux d’intérêt. Ainsi, en 2023, il fallait se positionner sur les établissements bancaires ayant une structure de livres de prêts à taux variable, qui sont de ce fait très sensibles au relèvement des taux, principalement en Espagne, au Portugal et en Italie. Avec la fin du cycle de hausse, l’enjeu va être d’effectuer une rotation progressive vers les banques dont les livres de prêts sont à taux fixe, en France, aux Pays-Bas, en Allemagne et en Belgique. Cette rotation a déjà eu lieu en début d’année sur les marchés, ce qui est, selon nous, un peu prématuré car les banques très sensibles aux taux vont encore probablement publier de très bons résultats au titre du quatrième trimestre 2023. Tout sera donc une question de valorisation et de timing.

Dans la même rubrique

« La dette privée, un axe de développement stratégique pour LBP AM. »

LBP AM ne cache pas ses ambitions pour son activité de dette privée, lancée en 2012 et qui totalise...

Abonnés Actifs réels : les levées de fonds en forte baisse

En 2023 et début 2024, les levées de fonds dans les actifs réels au niveau mondial ont été aussi...

Abonnés Immobilier de bureaux : un marché à l’arrêt

La hausse des taux d’intérêt pèse sur le marché immobilier dont certains segments sont par ailleurs...

Voir plus

Chargement en cours...

Chargement…