La lettre des fusions-acquisition et du private equity

Décembre 2019

DAC 6 : big bang ou pétard mouillé ?

Publié le 6 décembre 2019 à 16h25

Johann Roc’h et Sandrine Pedro

Par l’ordonnance n° 2019-1068 du 21 octobre 20191, insérant au Code général des impôts les articles 1649 AD à AH et 1729 C ter, la France a transposé dans son droit interne l’obligation de déclaration des dispositifs transfrontières introduite par la directive «DAC 6», reprenant pour l’essentiel le contenu de cette dernière.

Par Johann Roc’h, avocat associé en fiscalité. Il intervient en matière de private equity dans les opérations de financement et d’acquisition dans un contexte international. Il intervient également en matière de fiscalité des entreprises pour une clientèle de groupes internationaux. johann.roch@cms-fl.com et Sandrine Pedro, avocat en fiscalité. Elle intervient en matière d’acquisition et de restructuration de groupes de sociétés et de private equity ainsi qu’en matiière de fiscalité des entreprises pour des clients tant français qu’étrangers. sandrine.pedro@cms-fl.com 

La directive 2018/822/UE du 25 mai 2018 dite «DAC 6» a instauré un mécanisme d’échange obligatoire d’informations entre Etats membres afférent aux dispositifs «à caractère potentiellement agressif». Ces dispositifs sont définis sur la base d’une liste d’indices (ou «marqueurs») d’un risque potentiel d’évasion fiscale, listés en annexe à la directive et recouvrant deux catégories :

– les marqueurs dont la seule présence justifie l’obligation de déclaration du dispositif ; et 

– les marqueurs nécessitant, au surplus, la démonstration de l’existence d’un avantage fiscal principal découlant dudit dispositif.

Au cœur de cet échange, les «intermédiaires» intervenant dans le cadre de tels dispositifs, en tant que «promoteurs» ou simples «sachants», seront dorénavant tenus de déclarer ces dispositifs. Reprenant ce principe, l’ordonnance adapte l’obligation en cas d’intermédiaire soumis au secret professionnel : celui-ci déclarera uniquement avec l’accord du contribuable. A défaut, il devra notifier son obligation déclarative à tout autre intermédiaire ou, à défaut, au contribuable. Ainsi, ce n’est qu’en l’absence d’intermédiaire ou en présence d’intermédiaires soumis au secret professionnel que l’obligation pourrait incomber au contribuable.

En termes de champ d’application, là où d’autres Etats ont ajouté des marqueurs additionnels (par exemple, la Pologne et le Portugal), l’ordonnance reproduit tels quels ceux listés par la directive, précisant seulement qu’un dispositif prend la forme d’un accord, d’un montage ou d’un plan ayant ou non force exécutoire, et peut être constitué par une série de dispositifs et comporter plusieurs étapes ou parties. L’ordonnance n’apporte en revanche aucun éclairage s’agissant des marqueurs ou encore sur l’appréciation de l’avantage fiscal, notamment quant à sa localisation. A cet égard, l’administration fiscale semblerait toutefois s’orienter vers la prise en compte des seuls avantages fiscaux générés au sein de l’Union européenne.

Ce faisant, le législateur laisse à l’administration fiscale le soin de préciser les contours de l’obligation dans ses commentaires à venir. Des précisions fortement attendues tant la rédaction des marqueurs est large et pourrait inclure, à première vue, de nombreux cas. Parmi les acteurs touchés, le private equity n’est pas en reste, l’utilisation de fonds et les schémas de financement pouvant notamment être visés.

Il est cependant à craindre que l’Administration adopte une vision très large de l’obligation et n’apporte, par ailleurs, pas l’éclairage nécessaire avant l’échéance déclarative2 (contrairement, par exemple à l’administration fiscale britannique).

A ce titre, il convient de noter que la sanction applicable en cas de défaut de déclaration est une amende de 10 000 euros (5 000 euros en cas de première infraction) qui ne peut en tout état de cause excéder 100 000 euros par année civile pour un même intermédiaire ou contribuable.

Force est de constater, qu’à ce jour, les éléments clés propres à l’identification du champ d’application de ce nouveau fardeau déclaratif ne sont toujours pas disponibles, sans compter les variations introduites par les Etats membres dans le cadre des différentes transpositions. S’il n’est pas encore possible d’identifier l’étendue de cette nouvelle obligation, nous pouvons en revanche nous accorder sur le fait qu’elle va indéniablement contribuer à générer un beau désordre à l’échelle européenne.

1. JO 22 octobre 2019.

2. L’obligation est applicable à compter du 1er juillet 2020 mais aussi aux opérations effectuées avant cette date dès lors que la première étape de leur mise en œuvre aura été réalisée à compter du 25 juin 2018. Contrairement à l’ordonnance qui semble restreindre l’obligation rétrospective aux intermédiaires «promoteurs» et «sachants» notifiés, l’administration fiscale a indiqué que l’ensemble des intermédiaires et contribuables seraient visés


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