Après le calme, la tempête ?

Publié le 18 janvier 2019 à 16h08    Mis à jour le 18 janvier 2019 à 17h38

Ludovic Subran

Alors que 2018 est derrière nous, il est temps d’en faire le bilan et de réfléchir à ce que 2019 nous réserve.

A grands renforts de relance budgétaire et de dérégulation financière, le président Trump a réveillé l’Amérique : croissance, salaires, investissements, marchés. L’économie américaine se démarque du reste du monde avec une confiance record. Mais cette croissance (+ 2,9 % en 2018) est poussive, avec un déficit commercial qui se creuse de plusieurs milliards chaque jour et un déficit budgétaire béant. L’Etat et les entreprises s’endettent fortement, ce qui est plutôt inquiétant.

D’autant que Donald Trump a imposé sa cadence sur la scène internationale : les menaces protectionnistes sont devenues réalité avec des barrières douanières en forte hausse. La Chine a été forcée de réagir à coups de subventions, de lignes de crédit et de patriotisme économique. Certes, les nouvelles routes de la soie et une plus grande attractivité pour les investisseurs étrangers aident la Chine à éponger les dettes de ses entreprises et à asseoir son influence internationale. Mais les menaces du président américain ont mis le holà.

Les Etats-Unis affectent également la Chine, autant que les autres marchés émergents, par le resserrement des conditions monétaires et financières en dollars (taux d’intérêt en hausse et dollar plus fort). Les monnaies ont perdu en valeur dans de nombreux pays, et les plus dépendants des investisseurs, comme l’Argentine et la Turquie, sont entrés en récession. D’autres, comme le Mexique, le Brésil, la Russie, l’Afrique du Sud, l’Inde ou l’Indonésie, sont scrutés avec attention par le marché.

De son côté, l’Europe doit faire face à ses propres contradictions. Un Brexit sans fin cumulé aux fortes tensions politiques en Italie, en Espagne, en France et en Allemagne n’ont pas permis les efforts institutionnels nécessaires pour que l’Europe invente une nouvelle voie technologique, environnementale et financière. Le ralentissement est donc plus marqué en Europe (+ 1,9 % de croissance en 2018) que dans les autres régions du monde. Un consommateur absent en France et en Italie, des exportateurs inquiets en Allemagne et en Espagne, et des marchés haletants en zone euro témoignent d’une défiance qui aura coûté plusieurs points de croissance à la région l’an passé.

Être agile pour braver les vents contraires

Si 2018 semble marquer la fin de la reprise économique mondiale (+ 3,1 % de croissance), 2019 pourrait être le début d’un atterrissage en douceur (+ 3 % de croissance). En douceur, oui, mais si et seulement si les événements politiques actuels connaissent une fin heureuse. En effet, les entreprises et les ménages se sont habitués à l’incertain, mais beaucoup moins à la volatilité politique et économique. Dans cet environnement où la loi du plus fort semble s’appliquer, quels conseils donner aux entreprises ?

D’abord, faire preuve d’agilité : apprendre à (sur)vivre avec des règles du jeu qui changent très rapidement et qui ne sont pas les mêmes partout. Je reste persuadé que la guerre commerciale, le Brexit, la crise européenne, et bien d’autres risques politiques auront une issue favorable, mais la conjoncture économique vacille et la résilience atteint ses limites. Ensuite, se couvrir est devenu une nécessité face à des risques croissants et de plus en plus interconnectés. On peut penser au risque politique, de confiscation, d’expropriation, ou encore de convertibilité. Mais le risque d’impayé est l’illustration la plus flagrante : en 2019, le nombre de défaillances dans le monde devrait croître de + 6 %, et toutes les régions seront concernées. La hausse sera particulièrement marquée en Asie-Pacifique (+ 15 %) et en Amérique latine (+ 5 %), mais touchera également l’Europe occidentale, l’Afrique et le Moyen-Orient (+ 3 %).

Dans cet environnement périlleux, le plus grand risque est pourtant l’attentisme. Les raisons de craindre 2019 sont nombreuses, et la tentation de gérer le quotidien en attendant que l’ouragan passe, sans prendre de risque, est forte. Mais les entreprises devront faire preuve d’audace pour maintenir leur croissance cette année. Elles devront s’internationaliser, continuer leur transformation digitale, créer des externalités positives, être plus malignes que la concurrence pour tirer leur épingle du jeu. Il reste de nombreux relais de croissance en 2019, surtout si les risques politiques et cette incertitude se dissipent. Il faudra les saisir pour braver la tempête. Encore faut-il se faire confiance, et aborder 2019 avec envie.

Ludovic Subran

Chargement en cours...