Des investisseurs coureurs de « dots »
La Fed a pris les marchés à contrepied lors de son dernier comité de politique monétaire, certains de ses membres ayant décalé à la hausse pour 2023 les fameux « dot plots », cette distribution de points qui fournit une estimation du niveau futur des Fed Funds. Cette révision correspond à deux relèvements de 0,25 %, alors qu’aucun n’était prévu au comité de mars. Les intervenants pour lesquels la Fed se maintenait volontairement « behind the curve » quand elle insistait sur le caractère temporaire de l’inflation en ont été pour leurs frais. En réaction, les taux longs, au lieu de monter, ont décru fortement dans un mouvement d’aplatissement de la courbe des taux, basé sur une révision à la baisse de l’inflation anticipée. Inversement, les taux réels ont progressé face à la proximité d’une réduction des achats de titres par la Fed (« tapering »), qui pourrait être annoncée fin août à Jackson Hole. En revanche, les obligations d’entreprises et les actions ont peu réagi, considérant qu’il n’y a pas de changement de paradigme quant à l’orientation très accommodante de la Fed. A court terme, la confortable augmentation des liquidités va se poursuivre, mais l’horizon des prochains relèvements de dots va se rapprocher inexorablement. Mis en alerte, les investisseurs vont exprimer leur nervosité par des réallocations massives qui, alors, généreront des prises de profits soudaines sur les actifs jugés surévalués. Un temps négligés, les dots pourraient, à nouveau, faire chavirer les marchés.
Thierry Million est directeur de la gestion obligataire d'Allianz Global Investors France. Ingénieur diplômé en Informatique de l’Institut de Recherche polytechnique de Mulhouse, titulaire d’un DESS en finance de l’Institut Supérieur de Gestion et diplômé de la SFAF, Thierry Million débute sa carrière en 1987 en tant que courtier et responsable de la Trésorerie chez Dynabourse. Il est ensuite gérant obligataire à la Banque Vernes. En 1994 il rejoint Dresdner RCM Gestion en tant que directeur de la gestion obligataire. En 2001 il devient Responsable des activités Product Management et Conseil d’AGF Asset Management. A partir de 2003, il prend la responsabilité des portefeuilles diversifiés des institutionnels et entreprises, ainsi que de la recherche quantitative et économique. En 2006, il est nommé directeur de la recherche économique et quantitative et du Conseil, puis directeur de la gestion obligataire d’Allianz Global Investors en 2008. Depuis 2013, il est directeur de la gestion obligataire institutionnelle.
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