Le change au cœur de la politique monétaire ?
L’euro s’est fortement apprécié face au dollar ces derniers mois, passant de 1,04 dollar fin 2024 à 1,18 début juillet. Est-ce si important ? Nous sommes loin des plus hauts et restons sous les niveaux enregistrés entre 2004 et mi-2014. Mais cette évolution n’est pas négligeable : premièrement, qui a besoin de droits de douane, quand le change s’est déjà chargé de renchérir les exportations de la zone euro vers les Etats-Unis ? Un produit européen vendu 100 euros coûtait 104 dollars fin décembre, 108 dollars fin mars et plus de 118 dollars au 3 juillet. Cela aura un impact sur les exportations de la zone euro, sur les marges des entreprises exportatrices et donc sur la croissance. Par ailleurs, les importations de produits libellés en dollars (en premier lieu le pétrole) seront moins chères pour les agents économiques de la zone euro. L’effet sera positif sur le pouvoir d’achat grâce à une inflation plus faible. Mais justement, les prévisions d’inflation de la BCE pour 2026 étaient déjà plutôt basses (1,6 %) sous l’hypothèse d’une parité euro/dollar à 1,13. Enfin, il n’y a pas que le dollar dans la vie : l’euro est au plus haut depuis 1998 face à un panier de 41 devises. Alors, si la BCE mentionne rarement le change, certains membres ont pointé du doigt la récente évolution, tant pour la rapidité du mouvement que pour sa décorrélation avec l’écart des taux à court terme. Certains ont même mentionné qu’un euro au-delà de 1,20 dollar compliquerait les choses. Cela déclenchera-t-il une baisse des taux supplémentaire ? Si la réunion de la BCE de juillet ne devrait pas trancher la question, le résultat de celle de la rentrée de septembre, avec ses nouvelles prévisions économiques, n’est plus gravé dans le marbre.
Arnaud-Guilhem Lamy est responsable des stratégies obligataires euro aggregate au sein de BNP Paribas Asset Management.
Arnaud-Guilhem Lamy