Gestion flexible

Gestion flexible : une réponse à un environnement incertain

Publié le 21 septembre 2018 à 0h00    Mis à jour le 21 septembre 2018 à 10h14

Propos recueillis par Catherine Rekik

Alors que tous les indicateurs semblaient au vert en début d’année, les sujets d’inquiétude se sont multipliés au fil des mois : la guerre commerciale entre les Etats-Unis et la Chine, voire le reste du monde, les problèmes spécifiques aux marchés émergents, la situation italienne, l’inflation, etc., le tout sur fond de ralentissement de la croissance mondiale.Dans cet environnement, après dix ans de quantitative easing aux Etats-Unis puis en zone euro, les banques centrales mettent progressivement un terme aux injections de liquidité.Funds s’interroge sur la meilleure façon d’adapter les portefeuilles face aux évolutions macroéconomiques et à d’éventuels pics de marchés.• Comment appréhender les risques ?• Quels sont les atouts de la gestion flexible dans ce contexte ?• Comment les gérants flexibles protègent-ils les portefeuilles ?• Quelle allocation d’actifs pour les prochains mois ?

2018 avait bien débuté, sur fond de croissance mondiale synchronisée, mais le premier semestre a finalement été plus compliqué qu’attendu. Comment a évolué le contexte macroéconomique ?

Quelles ont été les conséquences sur vos allocations d’actifs ?

Cédric Baron, responsable de l’équipe multi-asset stratégies, Generali Investments :

Il est vrai que l’année avait débuté sur la belle lancée de 2017 sur les marchés actions, avec un excellent premier mois de janvier. La majorité des investisseurs prévoyait un environnement positif pour les marchés actions, sur fond de croissance mondiale synchronisée et de hausse graduelle de l’inflation. Ces deux éléments justifiant alors la prolongation du cycle de resserrement des politiques monétaires. Par ailleurs, il y avait relativement peu de risques visibles, si ce n’est le positionnement excessif sur les marchés actions. Les portefeuilles étaient donc nettement exposés en début d’année sur les actions. Il a suffi d’un grain de sable, en l’occurrence des chiffres d’inflation supérieurs aux anticipations aux Etats-Unis et des effets de congestion sur certains marchés pour que tous les actifs risqués se retournent violemment en février. Cette correction ne paraissait pas justifiée fondamentalement, mais, après une certaine stabilisation a commencé une deuxième phase marquée par la montée des incertitudes politiques, et notamment le début du conflit sur les barrières douanières initié par D. Trump. Etant donné le potentiel impact que pourrait avoir une guerre commerciale sur la croissance mondiale ou encore celui que pourrait avoir le gouvernement populiste italien sur la stabilité de la zone euro, les fondamentaux économiques passent aujourd’hui au second plan.

Malgré la perte de momentum de l’économie européenne, les fondamentaux restent positifs, avec une croissance qui demeure au-dessus de son potentiel, notamment aidée par un marché du travail en réelle amélioration et à une reprise de l’investissement. Cependant, les élections italiennes sont venues troubler cet environnement favorable, ravivant les inquiétudes relatives à la pérennité de la zone euro. La montée des risques politiques au niveau international a réduit l’appétit pour le risque et l’attractivité de la classe d’actifs actions, et plus particulièrement celle des marchés émergents. Ces derniers étant concernés en premier lieu par une potentielle guerre commerciale qui impacterait significativement la croissance mondiale, en particulier en Asie, et qui tendrait à soutenir la hausse du dollar. Pour les allocataires d’actifs, l’année 2018 s’avère particulièrement complexe. Aucune classe d’actifs n’offre de tendance ou de perspective claire dans un environnement troublé par les enjeux politiques, qui s’avèrent très difficiles à anticiper et dont les issues auront des impacts significatifs sur chaque marché.

L’exposition aux actions que vous aviez en début d’année relevait-elle d’une forte conviction ou était-ce un choix par défaut, la plupart des classes d’actifs offrant des rendements peu attractifs ?

Cédric Baron : Nous avions la conviction que les fondamentaux étaient bons pour la classe d’actifs dans un environnement peu risqué et une croissance forte.

David Taieb, directeur de la gestion diversifiée et de l’épargne salariale, CM-CIC AM : Il y avait, en début d’année, une concordance de plusieurs facteurs positifs. La normalisation des politiques monétaires est en cours, mais avec des banques centrales qui restent accommodantes. Les indicateurs macroéconomiques étaient plutôt bons, ce qui se reflétait sur les résultats des entreprises. Tous ces facteurs ont amené les investisseurs et les allocataires d’actifs à privilégier les actions. D’ailleurs, janvier a été l’un des meilleurs mois de l’année en matière de performance. Tout était «risk on» dans un environnement de hausse graduelle des taux d’intérêt. Il était alors préférable de ne pas avoir de sensibilité obligataire en portefeuille et d’être positionné sur les actions.

La correction de février a commencé par des facteurs techniques qui ont amené les uns et les autres à réfléchir et à privilégier plus de diversification, d’actifs de protection, et à aller chercher plus de décorrélation dans les portefeuilles. Les marchés se sont déconnectés de la réalité et des fondamentaux, car nous avons été assommés de tweets du président Trump qui ont fait un peu la pluie et le beau temps sur les marchés financiers. Nous avons été obligés d’accompagner ces tweets de protection et d’actifs refuge jusqu’aux événements du mois d’août sur les marchés émergents, qui ont, une fois de plus, contribué à rendre l’environnement plus volatil.

Axel Botte, stratégiste senior, Ostrum AM : Le marché a manifesté une certaine complaisance vis-à-vis du risque. Depuis 2016, il y a une accumulation des positions vendeuses de volatilité créant un phénomène de bulle spéculative qui a fini par éclater. Il y a eu aussi beaucoup de complaisance à l’égard du risque italien. Entre les élections du 4 mars et la constitution d’un gouvernement d’alliance de l’extrême gauche avec l’extrême droite (pour qui personne n’avait voté), plus de deux mois se sont écoulés durant lesquels la dette italienne a bénéficié de la recherche de portage, à l’instar des stratégies vendeuses de volatilité. Le retour à la réalité est brutal, les annonces faites par le gouvernement italien n’étant pas de bon augure sur le plan budgétaire. Tout cela combiné avec le ralentissement de la croissance ne constituait pas une toile de fond favorable aux actifs risqués.

Fin 2017/début 2018, nous sommes toujours dans un environnement de croissance mondiale synchronisée. Le ralentissement économique a-t-il surpris ?

Quels ont été les premiers signes ?

Axel Botte : En zone euro, le niveau de la croissance du second semestre 2017 était difficile à maintenir. Le potentiel de croissance apparaît limité à 1,5 %. La plupart des indicateurs conjoncturels avaient atteint leur sommet au premier trimestre.

David Taieb : Les marchés n’ont pas été surpris par les signes de ralentissement, mais par le retour de l’inflation. Ils se sont focalisés là-dessus, alors que les niveaux de taux n’étaient pas en adéquation avec le prévisionnel inflationniste, ce qui a entraîné une certaine panique, notamment aux Etats-Unis. Bien sûr, il y a eu des facteurs techniques liés aux positions vendeuses de volatilité créées par la recherche de rendement d’investisseurs peu familiers avec ces produits. Ce qui d’ailleurs représente un risque aujourd’hui en cas de nouvel épisode de stress.

Nous sommes passés d’une croissance surdosée dans la zone euro à une croissance plus normale. Elle ne s’est pas effondrée pour autant. La croissance va aussi pâtir progressivement des effets de la guerre commerciale. Enfin, en ce qui concerne l’Italie, il y a en effet encore beaucoup de complaisance. Deux mouvements opposés doivent s’entendre pour élaborer une politique avec des promesses électorales radicalement différentes. A cela s’ajoutent les contraintes et les pressions liées à la politique européenne : il est normal que les marchés s’inquiètent.

Bertrand Casalis : Les marchés n’ont sans doute pas totalement intégré – ni anticipé – un facteur très important qui a profondément modifié l’équilibre politique et économique mondial : la montée des populismes. En Europe, le premier coup de semonce est venu du Brexit, avec, il est vrai, une partie significative de l’électorat qui n’a pas voté. Plus récemment, les élections italiennes ont installé au pouvoir une coalition populiste qui risque de conduire le pays vers la faillite. Mais c’est bien l’élection de Trump qui reste la plus marquante illustration de cette dérive populiste. Trump est devenu le quarante-cinquième président des Etats-Unis en déjouant tous les pronostics lors d’une élection au cours de laquelle il avait promis un «Brexit puissance trois». Ce dernier ne fait finalement qu’appliquer son programme, qui correspond en grande partie à celui des républicains (baisse des impôts, nominations à la cour suprême et de juges fédéraux, etc.), d’où leur soutien, même si sa personnalité est contestée, y compris au sein du parti. Si certaines annonces relatives aux barrières tarifaires et à l’accord de libre-échange nord-américain rencontrent des oppositions au sein de ses soutiens, le débat autour de la guerre commerciale reflète un certain nombre de revendications des Américains, mais aussi d’autres pays qui se plaignent depuis des années de la Chine. Trump a décidé de taper sur la table. Sa façon de négocier peut surprendre mais, derrière les déclarations fracassantes et les tweets, il y a bel et bien des négociations.

Par ailleurs, il est intéressant de noter que cette incertitude des marchés est, d’une certaine façon, également alimentée par les banques centrales elles-mêmes. L’un des objectifs des banques centrales ces dernières années était de faire remonter les actifs, puis de canaliser la volatilité. Avec la normalisation de la politique monétaire aux Etats-Unis, l’objectif est plutôt de remettre un peu de risque dans les marchés. La crise de février, de ce point de vue, leur convenait parfaitement.

Enfin, nous pouvons citer un troisième facteur d’instabilité indirect qui a mis cette fois en difficulté certains pays émergents : le rapatriement des capitaux, induit par la réforme fiscale, a provoqué un assèchement de la liquidité en dollar.

Michaël Nizard, gérant allocataire, Edmond de Rothschild AM : Le paradigme est en train de changer sur les marchés pour plusieurs raisons. Nous venons d’un cycle marqué par l’assouplissement des politiques monétaires, une faiblesse persistante de l’inflation et une faible volatilité action. Aujourd’hui, les effets bénéfiques de diversification sont de plus en plus difficiles à exploiter, pour construire efficacement des portefeuilles d’allocation d’actifs. Je pense aux taux d’intérêt, par exemple, ou à la réactivité de certains actifs par rapport à l’aversion aux risques. La propension des taux à se détendre est de plus en plus faible dans des marchés qui corrigent. Le dollar est de moins en moins un actif refuge, et la volatilité ne se tend pas comme nous pourrions l’anticiper dans les phases de stress. Nous l’avons encore constaté lors de la dernière phase de correction. Il s’avère ainsi compliqué de construire des portefeuilles avec de la décorrélation et de la diversification. Les marchés ont sans doute été complaisants en début d’année vis-à-vis du risque politique ou du risque financier, mais ils le sont moins désormais. Depuis quelques mois, nous voyons les primes de risque se reconstituer. La prime de risque politique se reconstitue en zone euro. Idem dans les marchés émergents, avec les tensions commerciales et les problèmes liés aux balances des paiements. Il reste des foyers de complaisance sur certains actifs tels que certains secteurs US survalorisés. L’inflation est un sujet important. Dès que l’économie américaine montre des signes de hausse des salaires au-delà de certains niveaux attendus, les courbes de taux y sont sensibles.

Autre indicateur de ce changement de paradigme. Les ruptures potentielles sont de plus en plus probables, avec l’imprévisibilité du risque politique et des tensions commerciales : allons-nous rester dans la continuité de ces dernières années ou bien sortir de ce schéma avec un régime de volatilité radicalement plus élevé ? La Chine va être un facteur clé. Elle se comporte, jusqu’à présent, de façon très responsable dans le duel sino-américain, avec un relâchement des conditions de crédit et le soutien aux exportateurs. La Chine s’oriente vers plus de dépenses publiques et baisse les taux. Globalement, les conditions financières sont assouplies.

L’allocation d’actifs fait face pour les prochaines années au défi de l’encadrement des risques. D’où la nécessité d’avoir une gestion flexible et protégée qui puisse prendre en compte le risque de choc soudain via la gestion dynamique de protections optionnelles.

L’inflation a été évoquée à plusieurs reprises. Elle a longtemps été un objectif recherché par les banques centrales. Désormais, l’inflation est-elle devenue un facteur de risque. Peut-elle peser sur la croissance ?

Cédric Baron : Pour les gérants de fonds multi-assets flexibles, l’inflation est considérée depuis longtemps comme un facteur de risque important, si ce n’est le plus important. En effet, l’un des principaux risques, lorsque l’on gère ce type de portefeuilles, est que les actifs se recorrèlent dans une phase de marché baissier. Or, l’inflation est le principal facteur susceptible de générer cette recorrélation. Il faut cependant dissocier la situation en Europe et celle des Etats-Unis.

En Europe, la hausse récente de l’inflation est principalement liée à la hausse des matières premières. L’inflation cœur, quant à elle, reste tout à fait contenue à 1 %, et est donc loin de constituer un risque qui obligerait la BCE à resserrer ses conditions financières de manière plus agressive qu’annoncé. En revanche, aux Etats-Unis, les salaires augmentent à un rythme de 2,9 % par an, tandis que le marché du travail est au plein-emploi avec un taux de chômage actuellement à 3,9 %. Cette situation est de nature à augmenter les pressions inflationnistes au sein du pays. Par ailleurs, le coup de pouce fiscal offert par D. Trump a dynamisé une économie qui se portait déjà très bien. Cette stimulation contracyclique devrait également avoir un effet inflationniste sur l’économie américaine. Pour l’instant, la Fed maintient sa politique de relèvement graduel des taux. Si le S&P 500 a atteint ses plus hauts niveaux historiques récemment, cela est principalement dû à une croissance forte de l’économie et des bénéfices des entreprises qui a atteint un rythme supérieur à 20 % au deuxième trimestre. Cela dans un contexte où les conditions financières demeurent expansives. De ce fait, la principale crainte des marchés financiers concerne un déraillement de cette croissance, qui pourrait notamment provenir du déclenchement d’une guerre commerciale. L’inflation n’est donc pas, aujourd’hui, le premier facteur de risque identifié par les investisseurs.

Axel Botte : Pour ma part, je pense que l’accélération de l’inflation américaine était totalement prévisible. Elle n’a pas grand-chose à voir avec l’inflation salariale, la hausse des prix provenant principalement d’effets de base liés aux prix de la téléphonie mobile et des médicaments, et des tensions sur le prix du pétrole avec les sanctions américaines sur l’Iran.

Par ailleurs, la faiblesse des gains salariaux est douteuse aux Etats-Unis. La statistique la plus regardée n’est corrigée ni des effets démographiques ni des biais sectoriels. La croissance des salaires au-dessus du seuil de 150 000 dollars annuels n’est pas prise en compte dans la plupart des cas. Ce seuil peut sembler élevé, mais il exclut une grande partie de l’emploi dans la technologie californienne, la finance new-yorkaise ou le secteur pétrolier texan.

L’inflation totale paraît en ligne avec la cible de 2 %. Cependant, il existe une dichotomie persistante entre les prix intérieurs – l’inflation des services se situe autour de 3 % – et l’inflation des biens importés structurellement proche de 0. Les tensions internes devraient justifier une politique monétaire bien plus restrictive à ce stade du cycle, mais la Fed n’a rien changé à la trajectoire définie il y a un an. Les taux réels restent négatifs au plein-emploi. La normalisation entamée semble par ailleurs incompatible avec la politique actuelle de réinvestissement des obligations arrivant à échéance. La Fed continue d’acheter des titres de maturités allant jusqu’à trente ans, et concentre un risque de taux considérable. Or, dans une économie capitaliste, c’est le rôle des marchés financiers d’assumer et de distribuer ces risques.

Michaël Nizard : Nous pouvons également nous poser la question de savoir quels sont les effets des tensions commerciales sur la croissance, mais surtout sur l’inflation. Les derniers chiffres de la balance commerciale montrent une dégradation. Août a été le pire mois en matière d’augmentation du déficit depuis mars 2015 ! L’inflation concerne actuellement des produits très ciblés, mais il faudra suivre les effets de la guerre commerciale sur certains prix. Pour le moment, il y a une sorte de consensus qui tend vers l’idée que cette guerre commerciale n’a des effets qu’en dehors des Etats-Unis. On peut en douter.

David Taieb : L’inflation a été tellement faible ces dernières années que ce risque a été oublié. La publication de chiffres légèrement supérieurs aux anticipations a donc provoqué une panique sur les marchés. On peut se demander s’il y a une adéquation entre les niveaux de taux et les niveaux d’inflation. Les niveaux de taux vont ainsi conditionner la construction de nos portefeuilles. Les taux apportent peu de décorrélation aujourd’hui dans les portefeuilles diversifiés. Il faut trouver d’autres sources de diversification. En matière de risques, il me semble que le risque inflationniste aux Etats-Unis est bien pris en compte, et les marchés réagissent plutôt bien quand il y a des surprises. En revanche, dans la zone euro, personne ne prend réellement en compte le risque d’inflation. Si des chiffres inflationnistes étaient publiés dans la zone euro, ce serait une véritable surprise !

Enfin, quid de la guerre commerciale et de ses impacts sur les prix dans les prochaines années et, par ricochet, sur l’inflation ?

Qu’implique réellement cette guerre commerciale ? Quelles en seraient les conséquences sur la croissance et sur vos allocations d’actifs ?

Comment s’en protéger ?

Bertrand Casalis : Une des premières conséquences de la guerre commerciale a été perceptible avec l’évolution des prix de l’acier et de l’aluminium aux Etats-Unis. Une étude de la Banque des règlements internationaux montre que la révocation pure et simple du NAFTA aurait un impact sur le PNB américain, avec un pouvoir d’achat des ménages qui diminuerait dans tous les états d’Amérique du Nord. L’inflation est un choc pour la croissance, car elle diminue le pouvoir d’achat de tout le monde.

Cédric Baron : L’administration Trump considère que les Etats-Unis sont lésés dans les échanges commerciaux avec la plupart de ses partenaires, et en particulier avec la Chine. Elle souhaite donc réduire le déficit commercial du pays avec la Chine en augmentant les barrières douanières. Cela impacterait négativement les entreprises américaines importatrices de matières premières et de biens finis en provenance de Chine. La conséquence pour les entreprises américaines serait une augmentation de leurs coûts et une compression de leurs marges qui affecterait in fine les consommateurs, dont le pouvoir d’achat s’affaiblirait. Par ailleurs, le marché de l’emploi et les investissements s’en trouveraient également impactés, affectant donc la croissance du pays.

Quand le débat a été lancé en début d’année, certains y ont vu une manœuvre politique visant à asseoir sa position au gouvernement lors des élections de mi-mandat qui auront lieu en novembre. Mais il ne semble pas vouloir se limiter aux effets d’annonce. Le président américain paraît avoir une conviction forte et vouloir aller loin sur le sujet, même si un certain nombre de sociétés américaines et d’économistes ont alerté son administration sur les conséquences grandement néfastes d’une telle action.

Cette guerre commerciale pourrait être un vrai frein pour la croissance et faire basculer l’économie en récession plus rapidement qu’attendu. Dans un tel scénario, les marchés actions deviendraient, de fait, bien moins attractifs. A contrario, les marchés de taux pourraient alors être envisagés beaucoup plus sereinement, puisque les politiques des banques centrales seraient adaptées et la recherche d’actifs de refuge rendrait les obligations d’Etat les mieux notées bien plus attractives. Étant donné la difficulté à anticiper toutes les conséquences de cette politique et d’avoir une bonne visibilité sur le timing d’une potentielle mise en œuvre, nous conservons une certaine diversification au sein des portefeuilles. Cependant, malgré une réduction des risques, nous conservons notre légère surpondération actions justifiée par des fondamentaux favorables à cette classe d’actifs. En particulier, nous maintenons notre préférence pour les actions américaines et japonaises, alors que nous restons sous-pondérés sur l’Europe et les pays émergents. En outre, nous avons acheté des options de vente depuis quelques mois en Europe et implémenté des stratégies de protection contre des risques extrêmes.

Michaël Nizard : Jusqu’à présent, en matière d’implications sur les marchés, nous avons eu une dégradation lente. Les tensions commerciales ont d’abord dégradé les devises et les marchés émergents, et ensuite la zone euro tandis que les actions américaines ont bien fait preuve de résistance. Cette résilience est due à la capacité bénéficiaire des entreprises américaines, mais aussi européennes. Le maintien des bénéfices freine les effets négatifs de la guerre commerciale. Aux Etats-Unis, les dernières publications de résultats sont en progression de 20 %, en Europe, de 10 %. Les chiffres d’affaires sont en hausse et les prévisions bien orientées. Mais, à l’avenir, il faudra prendre en compte l’issue d’un accord avec une Chine potentiellement plus ouverte que par le passé, cela constituant un catalyseur potentiel important pour les actions. Dans un scénario moins favorable, les actions continueront de baisser, vraisemblablement de façon plus sévère. Nous devons désormais nous préparer à une réaction plus binaire des marchés. Il faut couvrir les risques extrêmes avec des options. Il est possible de trouver encore des actifs assez chers, comme les actions américaines, pour se couvrir contre une dépréciation soudaine des valeurs technologiques, par exemple. Inversement, les valorisations sont très attractives en Europe ou dans certains marchés émergents. Cela peut permettre de construire un portefeuille assez convexe qui réponde à l’aspect potentiellement binaire des marchés pour les prochains trimestres. Les solutions vont être plus tranchées que par le passé.

La flexibilité constitue-t-elle une réponse dans cet environnement de risques plus ou moins identifiés et de timing incertain ?

David Taieb : La flexibilité est une bonne réponse, car elle est, avant tout, la capacité pour un gérant à adapter son allocation d’actifs à l’environnement de marché. Nos allocations d’actifs ne doivent pas être troublées par les incertitudes médiatiques et les tweets de Donald Trump. Elles doivent rester liées aux fondamentaux. Quelles sont les politiques monétaires mises en place ? Quels sont les chiffres macroéconomiques qu’il faut surveiller aujourd’hui et demain ? Quelles sont les prévisions de résultats des entreprises ? Ce sont à toutes ces questions que nos allocations d’actifs doivent répondre. Ensuite, nous avons une poche plus tactique, qui va nous permettre d’assurer la diversification des portefeuilles, d’investir dans des actifs refuge pour piloter le risque global et améliorer le couple rendement/risque. L’idée étant de construire des portefeuilles embarquant le maximum de convexité. Deux questions vont toutefois se poser dans les prochains trimestres : sommes-nous en haut en cycle ? Allons-nous devoir arbitrer les actions pour des obligations ?

Bertrand Casalis : Face à tous les risques, j’ai fait le choix, depuis plusieurs mois, d’avoir un portefeuille de plus en plus liquide. Etre flexible, c’est avoir la capacité de réagir et de sortir vite. En conséquence, conserver une poche de cash dynamique est une réponse. Je ne construis pas une allocation par classes d’actifs, mais je m’efforce d’adopter un raisonnement valeur par valeur. Dans cette optique, et en poursuivant une analyse fondamentale et à la lumière des discussions et des rencontres avec les dirigeants des entreprises, force est de constater que celles-ci sont toutes en train d’essayer de se réinventer, de s’adapter à un nouvel environnement et d’en tirer profit (digitalisation, automatisation, raccourcissement des chaînes d’approvisionnement, etc.). A l’inverse, raisonner de façon globale ou même par secteur peut nous amener à passer à côté d’opportunités. Parfois, les marchés délaissent certains secteurs, se focalisant sur leur sensibilité à des négociations commerciales, par exemple. En réalité, les meilleures entreprises élaborent des scénarios et se donnent les moyens de s’adapter rapidement aux nouvelles circonstances économiques. Elles sont plus flexibles qu’on ne le pense. Elles communiquent souvent aux marchés avec parcimonie sur leurs produits futurs et le déploiement concret de leur stratégie, mais sont mieux préparées qu’on ne le croit pour affronter les changements profonds auxquels nos économies sont confrontées.

Axel Botte : Parmi les scénarios probables, D. Trump pourrait perdre la majorité à la Chambre des représentants en novembre. Le pays serait ingouvernable, ce qui figerait les politiques publiques durant deux ans. La portée des tweets de D. Trump serait moindre. Le sentiment envers les marchés émergents, et notamment la Chine, changerait brutalement. Certains marchés ont été lourdement sanctionnés dans un climat de défiance généralisée. Cela offre des opportunités aux gestions actives. Un repli modéré du dollar favoriserait aussi un rebond des marchés émergents.

Michaël Nizard : Notre gestion est à la fois flexible et protégée, afin de répondre au double impératif posé par les marchés actions : atténuer significativement les chocs soudains ou corrections de marché, tout en préservant le potentiel de performance des actions sur le long terme. La principale mesure de risque à maîtriser est davantage le maximum drawdown (perte maximale enregistrée sur une période donnée) que la volatilité. Selon nous, rechercher à limiter la participation aux principaux chocs de marché est source de création de valeur. Quel que soit le moment où le tail risk se matérialise, le portefeuille est couvert en permanence via l’introduction de stratégies optionnelles gérées activement.

Pour ce faire, cette gestion dynamique des risques utilise les options listées sur les grands indices comme la clé de voûte qui permet, d’une part, d’atteindre cette recherche d’un profil de gain asymétrique et, d’autre part, de faire coexister une gestion de conviction fondamentale sur le long terme et une allocation tactique.

L'info asset en continu

Chargement en cours...

Les plus lus

Dossier spécial

Les 50 sociétés de gestion qui comptent - Sélection 2023

Pour la plupart des acteurs présents dans cette nouvelle sélection des 50 sociétés de gestion qui…

La rédaction de Funds Magazine FUNDS 02/05/2023

L'info financière en continu

Chargement en cours...

Dans la même rubrique

Faut-il croire au rebond des small & mid caps ?

Les petites et moyennes valeurs affichent une décote historique, mais dans un environnement de...

Obligations convertibles : un couple rendement /risque attractif !

Quel bilan peut-on faire de la classe d’actifs l’an dernier ? Comment a évolué le marché primaire ?...

Où investir en 2024 ?

L’année 2023 a apporté son lot de mauvaises surprises et se termine sur fond de tensions...

Voir plus

Chargement en cours...