L’inflation comme péril
La dernière enquête de Bank of America auprès des gérants d’actifs a fait ressortir que le risque le plus important pouvant déstabiliser les marchés était celui de l’inflation et son impact sur les taux d’intérêt. Evidemment, ceci contraste avec le message rassurant des autorités monétaires américaines qui ne cessent de répéter que si les chiffres d’inflation sont élevés dans les mois qui viennent, tout devrait rentrer dans l’ordre dès 2021.
La crainte d’une accélération de l’inflation au-delà d’un niveau « raisonnable » et qui viendrait chambouler les anticipations de marché touche essentiellement l’économie américaine.
En effet, nous sommes aux Etats-Unis en présence d’une expérimentation inédite, au sortir d’une crise qui l’était tout autant. L’idée qui prévaut outre-Atlantique est de laisser l’économie se diriger vers une « légère » surchauffe. Celle-ci permettrait non seulement de combler rapidement le déficit de croissance généré par la crise, mais aussi, comme le veut la Fed, de compenser la « sous-inflation » de l’année écoulée par une inflation plus élevée aujourd’hui. Cette expérimentation s’appuie sur un activisme budgétaire et monétaire extraordinaire.
Pour les deux trimestres à venir, la croissance américaine devrait dépasser en moyenne les 8 % en rythme annualisé. Les Etats-Unis pourraient alors combler complètement leur défi de croissance avant l’été ! Ainsi, la force de la demande à venir pourrait exacerber les pressions déjà très fortes qui s’exercent sur l’appareil productif américain, ce qui se reflète dans la forte hausse des prix de production.
Pour l’instant, au regard des anticipations d’inflation à moyen terme que nous pouvons extraire des taux d’intérêt à 10 ans américains, se situant à 2,3 %, nous pouvons considérer qu’elles restent très raisonnables, se maintenant un peu au-dessus de la moyenne des 10 dernières années de 1,99 %.
L’inquiétude au sujet de l’inflation est donc là, mais elle n’est pas vraiment intégrée dans les anticipations. Les mois à venir nous diront si la digue très puissante érigée par la banque centrale pour maintenir ces anticipations sous contrôle cède quelque peu sous les coups de boutoir d’une réalité moins maîtrisable qu’anticipé.
Sebastian Paris Horvitz est directeur de la recherche chez La Banque Postale Asset Management
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