Recrutement

Directions financières : les candidats toujours en position de force

Publié le 12 janvier 2023 à 10h32

Anaïs Trebaul    Temps de lecture 6 minutes

Comme pour la gestion d’actifs et l’expertise comptable*, les métiers des directions financières n’échappent pas aux tensions sur le marché du travail. Alors que les entreprises sont nombreuses à recruter, les salariés profitent de cette situation pour négocier des rémunérations élevées. Toutefois, les spécialistes craignent un retournement du marché dans les prochains mois.

« Le marché du recrutement en finance a rarement été aussi favorable aux candidats qu’actuellement ! », observe Alexandra Proniewski, fondatrice et dirigeante du cabinet Alex Nicols. Un constat partagé par de nombreux recruteurs actuellement. « Après avoir déjà amorcé sa transition en 2021, le rapport de force entre les candidats et les entreprises s’est complètement inversé en 2022 ! », confirme Aurélien Boucly, director of permanent talent chez Robert Half.

«En 2022, le niveau de revenu est redevenu prioritaire dans le choix de changement de poste des financiers. »

Aurélien Boucly Director of permanent talent ,  Robert Half

Des créations de postes

Cette situation s’explique par un double phénomène. D’une part, les candidats ont davantage d’aspirations à changer de poste. « Après une année 2020 où les talents ont peu bougé, nous assistons à un rattrapage des départs depuis 2021, explique Véronique Bréchet, Executive Search Consultant chez Lincoln. De plus, plusieurs talents ont entamé une réflexion, pendant la crise sanitaire, sur un changement de mode de vie, envisageant de s’installer en province, ou même de quitter les métiers de la finance, et ont franchi le pas en 2022, ce qui rend certains profils d’autant plus rares. » D’autre part, les directions financières ne doivent pas seulement remplacer les candidats sur le départ, elles ont de nouveaux besoins et créent des postes pour lesquels elles peinent à recruter. « Certes, le marché du recrutement au sein des directions financières est comme toujours porté par les remplacements, mais on observe en ce moment une hausse des offres liées à des créations de postes, poursuit Véronique Bréchet. Les directions financières profitent d’une activité encore très soutenue et ont besoin de renforcer leurs équipes pour accompagner le pilotage de leur performance, en intégrant la dimension RSE et leur transformation digitale. Preuve de la progression du volume d’offres, le chiffre d’affaires de Lincoln a augmenté de 40 % sur la “practice” finance en 2022 ! »

Tous les métiers des directions financières (fiscalité, trésorerie, finance) sont concernés par ces tensions, quel que soit le niveau de séniorité du poste, avec un accent encore plus fort sur le contrôle de gestion. Au sein de cette profession, le volume d’offres d’emploi a en effet progressé de 71 % en 2022 chez Robert Walters. Les métiers de la comptabilité et de la consolidation, déjà très tendus depuis plusieurs années, le sont toujours autant.

Conseil en finance : un marché ultra-tendu

Si les métiers des directions financières sont en tension, c’est encore plus le cas pour le conseil en finance (évaluation, transaction services). « Les candidats n’hésitent pas à demander des augmentations astronomiques de 20 à 30 % pour changer de cabinet, provoquant ainsi des écarts très importants avec les personnes en place ayant le même grade, remarque Alexandra Proniewski. Or les fourchettes de rémunération sur les grilles de salaire en cabinet sont assez précises pour chaque grade et les marges de manœuvre sont donc assez faibles. »

Des hausses de salaires de 15 % en changeant de poste

En conséquence, les financiers sont nombreux à suivre plusieurs processus de recrutements en parallèle. « Il n’est pas rare qu’un talent en recherche active mène 3 à 5 processus de recrutement en parallèle, estime Véronique Bréchet. Ils veulent quelque chose qui leur convient en tout point et comparent les propositions entre elles sur un grand nombre de critères. » De leur côté, les directions financières doivent se décider vite, pour éviter que leur candidat soit embauché ailleurs. Plusieurs d’entre elles en auraient déjà fait les frais.

En position de force et compte tenu du contexte inflationniste, les candidats en finance profitent de cette situation pour revaloriser leurs salaires. « Ces dernières années, les financiers avaient concentré leurs recherches sur des postes avec un meilleur équilibre entre vie privée et vie professionnelle et une certaine flexibilité du travail, rappelle Aurélien Boucly. » Selon les spécialistes, en changeant de poste, les financiers peuvent en moyenne espérer augmenter leur salaire de 15 %, une progression finalement assez semblable à celle des années précédentes. « Les services RH des entreprises tempèrent les revalorisations, ils doivent veiller à ce que l’équilibre interne des rémunérations soit respecté », explique Véronique Bréchet.

Mais bon nombre de candidats demandent quand même plus. « Certains financiers nous disent qu’ils ne prendront pas le poste si la hausse de salaire est inférieure à 20 %, précise Alexandra Proniewski. Ils estiment qu’il faut rémunérer le risque pris en changeant de poste. Si certaines entreprises refusent de telles hausses, les candidats savent aussi qu’en attendant, ils finiront par obtenir ce niveau d’augmentation auprès d’une autre société. Si les PME ont généralement peu de marge de manœuvre par rapport au budget qu’elles s’étaient fixé, les ETI et les grandes entreprises ont souvent davantage de souplesse. J’ai récemment eu à gérer pour un de mes clients un recrutement d’un directeur fiscal qui a obtenu un package de 180 000 euros annuel, alors que l’entreprise s’était fixé une enveloppe de 120 000 euros initialement. Les entreprises commencent donc à prendre conscience que pour avoir le bon profil il faut mettre le prix. » Ces surenchères ne sont toutefois pas toujours bien perçues par les recruteurs. « Les candidats ont tellement en tête que le marché leur est favorable qu’ils ont parfois des attentes en matière de rémunération décorrélées des grilles de salaires actuelles », regrette Aurélien Boucly.

«Pour l’instant, les recrutements en finance suivent la même tendance qu’en 2022, mais le marché peut très vite se retourner.»

Alexandra Proniewski Fondatrice et dirigeante ,  Alex Nicols

Des perspectives incertaines

Pourtant, selon plusieurs cabinets, les candidats n’ont pas forcément intérêt à faire la fine bouche trop longtemps en matière de rémunération. En effet, les perspectives 2023 en matière de recrutement sont incertaines. « Pour l’instant, les recrutements en finance suivent la même tendance qu’en 2022, mais le marché dépend aussi de l’inflation, de la crise énergétique et du contexte international actuellement chaotique, et il peut très vite se retourner, prévient Alexandra Proniewski. Or plusieurs directeurs financiers admettent que leur enveloppe budgétaire pour les recrutements reste utopique, et que si le marché évolue, leur budget sera révisé à la baisse. C’est quitte ou double. »

Pour l’heure, selon une étude de Robert Half, 31 % des directeurs financiers prévoient de créer un ou plusieurs postes dans les prochains mois. Ils sont également 11 %, tout de même, à avoir décidé de geler leurs effectifs en 2023.

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