Conseil

Les directeurs financiers en renfort des jeunes pousses

Publié le 7 décembre 2018 à 11h53    Mis à jour le 7 décembre 2018 à 16h56

Thomas Feat

A l’heure où la France mise sur le développement de ses start-up, un nombre croissant d’entreprises naissantes sollicitent des directeurs financiers extérieurs à leur structure pour les accompagner momentanément lors des phases initiales de leur développement. Avec en général pour point de mire une étape décisive : la levée de fonds !

Incubateurs, pépinières, accélérateurs, espaces de co-working, etc. Voilà près de deux décennies que les infrastructures d’encadrement et d’accompagnement des jeunes pousses essaiment en France. Une multiplication aujourd’hui appuyée par les pouvoirs publics, à l’heure où l’Hexagone ambitionne de devenir la première «start-up nation» européenne. Récemment, cet écosystème s’est enrichi d’une nouvelle offre de conseil portée par des acteurs issus d’un monde pourtant éloigné, à première vue, de celui des start-up : les directeurs financiers.«Face à un environnement réglementaire et financier de plus en plus complexe, le recours à ces professionnels en tant que consultants est de plus en plus plébiscité par les entreprises naissantes, généralement dépourvues de responsables financiers faute de ressources suffisantes, indique Mikaël Deiller, directeur finance et comptabilité chez Michael Page. Ils y sont appréciés non seulement pour leur connaissance technique des rouages financiers intrinsèques et externes aux entreprises, mais aussi pour leur expertise opérationnelle.»

Des «super-consultants» qui se partagent équitablement en deux catégories. Les premiers sont directeurs financiers à temps partagé : ils ont travaillé plusieurs années comme salariés avant de monter, in fine, leur propre entité de conseil et d’intervenir auprès d’une clientèle diversifiée de petites structures. On en dénombre quelques centaines en France, dont une dizaine est détentrice à ce jour de la nouvelle certification «DAF à temps partagé» de l’Association des directeurs financiers et de contrôle de gestion (DFCG). Les seconds travaillent encore au sein d’entreprises – parfois de grands groupes – et consacrent une partie de leur temps libre à cette activité. Les uns comme les autres réalisent parfois ces missions de suivi bénévolement, dans le cadre de programmes de mentorat comme Entrepreneurs & DAF.«Durant un an, un tandem de superviseurs constitué d’un directeur financier et d’un contrôleur de gestion salariés ou freelance va suivre, à raison de quelques heures par mois, une jeune entreprise sélectionnée sur dossier», détaille Arnaud Meyer-Poujol, président de DFCG Avenir et créateur du programme. Depuis son lancement en 2016, celui-ci a permis l’accompagnement d’une quarantaine d’entreprises dont près de la moitié avait pour projet de réaliser au moins une première levée de fonds.

Des gisements de rentabilité

Un tour de table initial qui, généralement, constitue la charnière autour de laquelle s’articulent les missions confiées aux responsables financiers consultants. En effet, à un stade peu avancé de leur croissance, les jeunes pousses sollicitent ces conseils pour les aider à analyser la structuration de leurs dépenses et de leurs revenus, entre coûts fixes et variables, revenus réguliers et exceptionnels. «Un travail de compréhension des chiffres clés de l’entreprise qui permet de mettre en lumière ses gisements de rentabilité et qui débouche généralement sur l’élaboration du business plan présenté aux potentiels investisseurs lors de la phase d’amorçage», souligne Xavier de Saint-Marc, fondateur de DSM-Gestion et DAF à temps partagé. Le temps du premier roadshow venu, le savoir-faire des directeurs financiers externes sera requis pour mettre en ordre et agencer narrativement les différents éléments constitutifs de l’equity story de la start-up : business model (avec aspects commerciaux et financiers), plan de trésorerie et budget prévisionnel, indicateurs de performance, etc. Une véritable valeur ajoutée compte tenu de la profusion des dossiers et de l’exigence toujours plus forte des investisseurs. «Plus encore que les chiffres, c’est la stratégie et la direction même de l’entreprise qui doivent être racontées aux potentiels futurs actionnaires, le tout de manière claire, cohérente et percutante, par exemple sous forme de Pitch Deck (slides interactives)», explique Sébastien Preel, ancien directeur financier de Blablacar devenu DAF à temps partagé.

Une fois passée la première levée de fonds, appelée autrement «seed», les start-up sont tenues de mettre en place des process de reporting budgétaire mensuel. Un exercice difficile qui, là encore, pousse un nombre croissant d’entrepreneurs désireux d’en optimiser la transparence et la clarté à se faire accompagner d’un professionnel rompu aux exercices de communication financière.

«Avec le soutien d’un DAF conseil, nous avons rédigé un mail d’information type conforme aux attentes de nos premiers actionnaires, qui contenait des tableaux chiffrés reprenant nos principaux indicateurs (chiffre d’affaires, dépenses, rentrées de cash, etc.) étayés d’une partie rédactionnelle analytique et explicative», se remémore Naël Hamameh, fondateur de LeCiseau.fr, place de marché mettant en relation des coiffeurs et des clients, qui a réalisé en juillet 2017 un premier tour de table de 900 000 euros. Ce travail aurait été beaucoup plus difficile sans une aide extérieure.»

Des indicateurs plus précis

Tout comme en phase d’amorçage, il n’est plus rare de voir des start-up ayant atteint le stade de l’accélération (l’early stage) s’attacher les services de directeurs financiers externes. Ici, l’objectif est clair : franchir avec succès l’étape de la série A, ou deuxième levée de fonds, à laquelle ne participent plus uniquement des business angels, fonds d’amorçage ou family office, mais également des fonds d’investissement dont les attentes en termes de performance opérationnelle et de reporting sont beaucoup plus poussées. «Suivant les suggestions de notre conseil, nous avons présenté à ces nouveaux partenaires capitalistiques des indicateurs beaucoup plus précis que lors de notre premier tour de table, comme le coût d’acquisition client, la valeur vie client (ou somme des profits générés par un client donné), ou encore le taux d’attrition par point de vente, détaille le fondateur d’une start-up spécialisé dans la vente de produits vestimentaires de luxe ayant réalisé récemment sa série A. Avec son aide, nous avons par ailleurs mis en place la data room nécessaire à la réalisation de la due diligence.»Dans le cas précis de cette jeune pousse, le directeur financier conseil a également formulé des recommandations sur des questions ayant trait à la mise en place de son conseil d’administration et de son process de reporting oral trimestriel.«Nous sommes désormais rodés, se réjouit l’entrepreneur. Et de confier : si tout se passe selon nos prévisions, nous réaliserons notre troisième levée dans 18 à 24 mois.»

Parvenu à ce stade, l’accompagnement d’un directeur financier externe lui sera-t-elle encore nécessaire ? «Peut-être pas, car forts de notre augmentation de capital et de la croissance exponentielle de notre activité, nous projetons de recruter un DAF à temps plein dans le courant de l’année prochaine», avance le fondateur. A l’image de beaucoup d’autres entreprises artisanales ayant gagné leurs galons de structure préindustrielle, elle devrait dès lors voler de ses propres ailes.

L’entrepreneuriat, une variable séduisante du métier de DAF à temps partagé

  • S’il est difficile de connaître le nombre exact de directeurs financiers à temps partagé, un observatoire de la DFCG, à paraître cette semaine, révèle toutefois que ce métier attire de plus en plus. Sur les 450 professionnels interrogés, près de la moitié affirment avoir fait le choix d’une telle organisation il y a moins de deux ans.
  • «Outre l’indépendance et la pluralité des missions, c’est la dimension entrepreneuriale du métier qui séduit les nouveaux venus, indique Xavier de Saint Marc, DAF à temps partagé. Une dimension que l’on retrouve dans la pratique même de l’activité mais aussi par le biais du contact avec des entreprises souvent très innovantes.»

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