Alors que le marché de l’emploi des cadres se dégrade, la situation reste plutôt favorable pour les directions financières, qui affichent des rémunérations encore en hausse. Cela devrait encore être le cas, en 2026, pour certains profils tels que les responsables comptables ou les consolideurs.
La période est à l’incertitude. Dans un contexte macroéconomique particulièrement incertain et à l’heure où les business models se réinventent sur fond de contraintes environnementales et de déploiement de l’intelligence artificielle, les recruteurs se montrent prudents. Ainsi, le cabinet Robert Walters constate une baisse significative du volume d’offres d’emploi de cadres : – 23 % entre 2024 et 2025. Un chiffre confirmé par le baromètre APEC : au troisième trimestre 2025, seules 43 % des ETI et grandes entreprises font part de leur intention d’embaucher un cadre, soit le plus bas niveau depuis 2021. En juin 2024, elles étaient encore 58 % à vouloir recruter pour ce type de postes. « Quatre entreprises sur dix ont mis en pause leurs projets de recrutement, constate Stéphanie Sabau, managing director, Robert Walters. En cas de collaborateur manquant ou de poste non pourvu, 44 % des entreprises choisissent de redistribuer les tâches à d’autres personnes de l’équipe, voire à l’intelligence artificielle. » Alexandre Ricard est associé au sein du cabinet de recrutement Elma, spécialisé sur les profils finance corporate. Il constate que « l’année 2025 a été compliquée, avec beaucoup moins de besoins de la part des entreprises et très peu de créations de postes ».
Une situation plus favorable pour les directions financières
Dans ce panorama plutôt atone, les directions financières se distinguent. « La demande de talents dans les directions financières est stable, voire en hausse, constate Aude Boudaud, director, finance & services financiers chez Robert Walters. Les rémunérations se distinguent donc également : dans un contexte contraint, on ne négocie pas à la baisse et on trouve des solutions pour capter les meilleurs talents, par exemple par le biais de welcome bonus. » Ainsi, selon le cabinet Robert Walters, la moyenne des augmentations (progression dans la même entreprise et recrutements extérieurs) s’établit à 6 % dans la fonction finance entre 2024 et 2025. En 2026, cette moyenne devrait être nettement moins favorable, selon Robert Half (+ 0,77 %). Mais trois métiers devraient connaître une nette progression : la hausse de la rémunération pour un responsable comptable devrait atteindre 7 %, 6 % pour un consolideur et 4 % pour le trésorier d’entreprise, selon le guide des salaires 2026 du cabinet Robert Half.
Les métiers en rapport avec le cash restent particulièrement en tension : « Dans un moment d’incertitude, les entreprises ont plus que jamais besoin de visibilité. La gestion de la trésorerie restant hautement stratégique, les experts restent très recherchés, car les entreprises ont besoin de profils à même d’avoir une vision globale sur la gestion du cash, tout en étant dans une dynamique de projection à moyen et à long terme », abonde Olivia Jacob, senior manager, Robert Walters.
Autre profil pour lequel les niveaux de rémunération continuent de progresser : le DAF. « Si un bon binôme directeur général/DAF est, de tout temps, essentiel, il devient plus important encore dans un contexte incertain, souligne Olivia Jacob. Les entreprises sont donc à la recherche de profils robustes, c’est-à-dire de DAF expérimentés et ayant exercé des fonctions semblables dans le même secteur. Elles ne prennent pas le risque d’aller vers des profils non confirmés pour les faire monter en compétences et privilégient les profils “plug & play”. »
Une recherche du candidat parfait
Dans les plus hautes fonctions finance, le candidat doit donc cocher toutes les cases. « 48 % des cadres nous disent que les entreprises sont devenues beaucoup plus exigeantes. Elles cherchent le candidat parfait », constate Stéphanie Sabou. En gage de réassurance, certains critères qui s’étaient estompés au cours des dernières années reviennent désormais en force. « C’est le cas du critère académique, souligne Alexandre Ricard. Pour ne pas se tromper, les entreprises misent sur des parcours académiques solides et se replient sur les grandes écoles. Elles se sentent également rassurées par des profils chassés à la concurrence. » Ainsi, un trésorier déjà en poste chez un concurrent aura davantage les faveurs d’un recruteur qu’un demandeur d’emploi.
Côté compétences, la maîtrise de l’intelligence artificielle progresse doucement. Celle-ci n’est cependant pas implicitement stipulée dans les annonces, puisque seules 0,3 % des offres en 2025 requièrent une maîtrise de l’IA. Reste que dans la réalité, une parfaite maîtrise de ces nouveaux outils est un vrai plus. « Un contrôleur de gestion qui aura déjà implanté Power BI dans une entreprise sera particulièrement recherché, indique Alexandre Ricard. Il y a dix ou quinze ans, alors que les grands groupes opéraient leur bascule vers SAP, la maîtrise de cet outil était un vrai plus. Aujourd’hui, c’est Power BI. »
«La demande de talents dans les directions financières est stable, voire en hausse.»
Côté candidats, pour qu’un départ s’opère, il faut que l’offre en vaille la peine. « Les candidats savent que la conjoncture n’est pas bonne. Ils sont donc très réticents à l’idée de changer de poste », constate Alexandre Ricard. Le contexte global et les annonces de PSE de grands groupes enjoignent aux rares candidats d’être prudents. Pour quitter une entreprise, dans un contexte incertain, il leur faut des garanties. Le télétravail et des engagements RSE forts restent des prérequis. Du côté de la rémunération, en revanche, les candidats sont prêts à changer de poste, même sans rémunération supérieure, à la condition que leur employabilité s’améliore. « Les candidats recherchent des trajectoires professionnelles. A salaire égal, un contrôleur de gestion est capable de changer d’employeur si on lui donne à voir les différentes étapes qui le mèneront au poste de directeur du contrôle de gestion », conclut Stéphanie Sabou.
Les biais de l’IA dans le recrutement
L’intelligence artificielle est désormais un outil qui se démocratise au sein des fonctions ressources humaines. 38 % des recruteurs déclarent utiliser l’IA dans leurs processus de recrutement. Néanmoins, tous ne sont pas prêts à admettre que les candidats l’utilisent également. Ainsi, si 52 % des cadres n’hésitent pas à utiliser l’IA pour candidater, 16 % des recruteurs déclarent écarter systématiquement les candidatures qui semblent avoir été réalisées grâce à une IA. « Si l’IA permet de trier les CV, elle ne garantit pas la réussite d’un recrutement, met en garde Stéphanie Sabou, managing director, Robert Walters. Sur un poste de directeur comptable, par exemple, les candidats vont tous être dotés des mêmes compétences techniques. Ce qui fait la différence pour la réussite d’un recrutement, ce sont les soft skills. Un recruteur saura dans quelle entreprise le placer, alors qu’une IA le placera dans toutes les entreprises. Par ailleurs, si vous avez été DAF toute votre vie, l’IA saura vous trouver. En revanche, l’IA va écarter systématiquement les profils hybrides. »