Direction financière

Les managers de transition sur le pont

Publié le 22 mai 2020 à 11h13

Anne del Pozo

Afin de surmonter leurs difficultés de trésorerie imputables à la crise, certaines PME et ETI ont commencé à s’entourer des services de managers de transition. Face à une reprise économique qui s’annonce graduelle, les cabinets spécialisés anticipent une hausse du nombre de missions en finance dans les prochains mois, ce qui devrait notamment se traduire par un regain de sollicitations pour les profils expérimentés dans les situations de retournement.

Le coup de frein n’aura-t-il été que passager ? Habitués à voir leur chiffre d’affaires croître d’une vingtaine de pourcents en rythme annuel depuis plusieurs exercices, les managers de transition ont vu la progression de leurs revenus stoppée quasiment net en 2019 (+ 3 %), selon le baromètre publié le mois dernier par France Transition, la Fédération des acteurs du management de transition. Si leur activité a continué à marquer le pas durant la période de confinement, tous s’attendent néanmoins à une forte reprise de la demande des entreprises dans les semaines qui viennent, en particulier en ce qui concerne les profils spécialisés en finance. «Dans le contexte actuel et à venir, certaines entreprises se trouvent ou risquent de se trouver confrontées à un manque de compétences transitoires en finance», confirme Patrick Abadie, dirigeant de Delville Management. Parmi elles, certaines étaient en passe, avant le début de la crise, de renforcer leurs équipes de direction financière. Or la conjoncture a perturbé plusieurs projets de cet ordre. Tandis que les perspectives économiques restent très incertaines, certains candidats chassés ont en effet préféré rester dans leurs fonctions actuelles plutôt que de prendre le risque de démissionner au profit d’un CDD ou d’un CDI incluant une période d’essai.«Dans ce contexte, un certain nombre d’entreprises recherchent des managers de transition orientés finance pour tutorer leur équipe en place, alors que la crise implique de s’appuyer sur des compétences techniques et métiers dont elles ne disposent pas toujours en interne», ajoute Patrick Abadie.

Les profils de credit managers et de trésoriers ciblés

Dans l’environnement actuel, l’une des priorités consiste en effet à renforcer le suivi et le pilotage des prévisions de trésorerie sur du très court terme comme sur du long terme. «Les entreprises ont besoin de financiers spécialisés dans la gestion du cash, du besoin en fonds de roulement et du bas de bilan, capables d’optimiser les paiements fournisseurs, d’aller chercher les arriérés de paiement client, de travailler sur les stocks ou encore de mettre en place des solutions d’affacturage, insiste François Beaugrand, associé chez X-PM. Ils doivent également être en mesure de se doter des outils de prévision de trésorerie, de cibler et solliciter les aides de l’Etat, de négocier avec Bpifrance ou encore de récupérer les lignes de crédits négociés par l’entreprise avant la crise. Le tout dans un contexte législatif et réglementaire fortement évolutif, avec des publications quotidiennes de nouveaux décrets.»

Or tous les financiers en poste ne sont pas habitués à gérer des situations de crise et des trésoreries tendues, justifiant ainsi un renfort de compétences.«Des entreprises nous sollicitent pour des managers de transition finance ayant des expertises en retournement de situation et l’habitude de travailler dans des structures disposant de peu de trésorerie», poursuit Patrick Abadie. Les spécialistes du management de transition privilégient également des profils de «credit manager» ou de «trésorier», marqués par un parcours professionnel en ETI. Enfin, des compétences comportementales (soft skills) sont également requises pour tenir la pression de la crise et d’éventuelles fins de mois difficiles.

Des plans de restructuration à piloter

Avec le déconfinement qui vient de s’amorcer, les sociétés spécialisées dans le management de transition sont convaincues que le nombre de missions à dimension financière va aller croissant. Les profils recherchés seront alors différents de ceux qui l’étaient au plus fort de la crise sanitaire. Dans la mesure où toutes les aides publiques auront déjà le plus souvent été sollicitées, les entreprises seront davantage dans une démarche d’économie du cash. «Les compétences attendues des managers de transition s’articuleront certes autour de leur capacité à adapter le besoin en fonds de roulement à la reprise de l’activité, mais également autour de leur capacité à négocier des crédits avec les banques, au-delà des Prêts garantis par l’Etat», indique François Beaugrand.

Nombreux sont aussi les groupes qui n’auront pas d’autre choix que de passer par la case fonds propres, comme l’anticipe Bertrand Falcotet, associé chez Valtus.

Certains fonds d’investissement ou directeurs généraux devraient aussi chercher des financiers spécialisés dans la renégociation de covenants bancaires. Une mission que les directeurs ou responsables administratifs et financiers en poste par exemple dans des PME n’ont pas forcément pour habitude de mener. «D’autres entreprises vont également avoir du mal à se relever de la crise sanitaire, explique pour sa part Bertrand Falcotet, associé chez Valtus. Elles auront alors besoin d’être accompagnées par des managers de transition finance ayant l’habitude de travailler avec des mandataires judiciaires pour, par exemple, mettre en place un mandat ad hoc ou une procédure judiciaire. Leur capacité à appréhender les enjeux ressources humaines liés à ces démarches sera également indispensable.» D’après les acteurs du restructuring, les prochains mois devraient en effet être marqués par une vague de restructurations financières et de mises en place de plans de sauvegarde de l’emploi (PSE)… 

Manager de transition finance : une opportunité à saisir

l Pour les sociétés spécialisées dans le management de transition finance, l’un des principaux enjeux consiste aujourd’hui à identifier, dans leur portefeuille de candidats, les mieux à même de gérer les finances d’une entreprise en période de crise. «Parmi les managers de transition de crise de notre vivier (DG, DRH, DAF, etc.), certains sont spécialisés dans la gestion de crises telles que celle que nous traversons actuellement, précise François Beaugrand, chez X-PM. Ces profils sont cependant en nombre limité pour le moment.» Face à cette pénurie, d’autant profils sont plébiscités. «Nous sélectionnons donc également des financiers “généralistes”, avec des compétences éprouvées en trésorerie», poursuit François Beaugrand.

l Les gels d’embauches et les licenciements à venir pourraient néanmoins inciter d’anciens cadres financiers à tenter l’aventure du management de transition. «Une opportunité d’autant plus intéressante à mener pour ceux qui souhaitent relever des défis que les niveaux de revenus restent très intéressants», conclut Bertrand Falcotet, chez Valtus. Selon l’expérience et la mission, la rémunération annuelle peut s’inscrire dans une fourchette allant entre 100 000 et 200 000 euros, voire davantage dans certains cas.

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