Nouvelles technologies

Comment la digitalisation bouleverse les directions financières

Publié le 27 septembre 2019 à 10h34

Patrice Remeur

C’est un nouveau défi pour les directeurs financiers, dont les compétences s’éloignent peu à peu des aspects traditionnels de la finance pour se tourner vers des compétences numériques, stratégiques, statistiques et collaboratives. Ils doivent désormais apprendre à piloter et à collaborer avec les intelligences artificielles (IA). La maîtrise des technologies devient une condition de survie.

«Le terme intelligence artificielle est incorrect. C’est l’intelligence accélérée. Elle vient augmenter l’homme. Il s’agit de faire des choses que vous pensiez jusqu’alors impossibles à faire à une vitesse spectaculaire», résume Cécile Dejoux, professeur des Universités au CNAM et spécialiste de l’IA.

L’IA, le big data, la blockchain ou l’informatique quantique sont des technologies pleines de promesses. Elles transforment radicalement les fonctions de la finance. Les directeurs financiers en sont conscients. «77 % des CFO déclarent chercher à améliorer les performances de l’entreprise grâce aux technologies disruptives», selon une étude du cabinet Accenture.

Alors comment ces technologies transforment-elles la fonction finance ? Les IA, telles que celles proposées par exemple par Yseop, une start-up française, peuvent facilement automatiser la conformité et améliorer le pilotage.

Des rapports de conformité instantanés

«Avec Yseop Compose, les entreprises peuvent générer des analyses financières comparatives, des analyses de risques et de conformité et autres rapports personnalisés d’une grande qualité, en quelques secondes. Yseop Compose rédige des rapports financiers, sur mesure, en plusieurs langues, à partir de la modélisation des meilleures pratiques de l’entreprise. Les données sont ainsi transformées automatiquement en un actif valorisable et en un avantage concurrentiel indéniable», affirme la start-up française.

De leur côté, les cryptomonnaies permettent des levées de fonds d’une rapidité inégalée, tout en améliorant la fiscalité et les coûts. Avec la mise en place de la loi Pacte, les entreprises peuvent plus facilement se lancer dans ces nouvelles formes de financements désormais encadrés…

Devenir le Google de l’analyse prédictive

L’intelligence artificielle et le machine learning ne se contentent plus simplement de développer des indicateurs de performance prédictifs, mais de créer des moteurs de recherche prospectifs. Par exemple, la société américaine Endor, permet aux directeurs financiers de poser tout type de questions dans son application (quelle société est susceptible de souscrire à tel ou tel service financier ? Quel client pourrait bientôt être en cessation de paiement ?, etc.) et d’obtenir rapidement de nouvelles informations sur le marché afin d’améliorer immédiatement les performances. Endor souhaite devenir le «Google de l’analyse prédictive» pour apporter des prévisions instantanées automatisées, chiffrées et sécurisées. La plateforme respecte le RGPD et travaille sur des analyses comportementales et sociales. Le système est tellement simplifié que ses utilisateurs n’ont nullement besoin de disposer de compétences techniques type data scientist. Il suffit de savoir précisément ce que l’on cherche comme sur n’importe quel moteur de requêtes.

Rich Clayton, vice-président du groupe de produits d’analyses et d’analyses des entreprises d’Oracle, souligne également l’importance de l’analyse prédictive dans la transformation des fonctions finance : «L’analyse d’une multitude de données sur le marketing, les ventes, les opérations financières et même le comportement des clients, permet aux équipes financières non seulement de prévoir plus précisément les revenus futurs, mais également d’anticiper la demande de produits. Les constructeurs automobiles utilisent par exemple depuis longtemps les données historiques d’achats pour prévoir la demande future. A présent, ils peuvent également superposer à ces données, des informations sur les recherches en cours sur le web afin de mieux prévoir les ventes et les transactions.»

Des outils aux interfaces améliorées

Avec la réalité virtuelle ou augmentée, la consultation des données et des informations peut être facilitée, l’organisation des équipes transformée. BNP Paribas a ainsi déployé l’application de réalité virtuelle de l’américain Magic Leap au sein de trois de ses métiers (real estate, corporate & institutional banking, et wealth management) et dans cinq sites différents (Hong Kong, Dubaï, Londres, Francfort et Paris). Le but : réinventer les relations à distance entre collaborateurs ou avec les clients.

Autre exemple du même type, mais aux Etats-Unis cette fois, avec la banque Citi qui a déployé la solution HoloLens (lunettes de réalité augmentée développée par Microsoft) pour son activité de trading ; cette solution consiste en un «poste de travail holographique» pour les gestionnaires de salle de marchés. «Le nouveau “poste de travail holographique” optimise la capacité d’un opérateur à interagir avec les données dans un système hiérarchisé. Il permet d’extraire le sens des données rapidement et avec précision. Il ouvre une toute nouvelle manière de collaborer», affirme Stuart Riley, responsable mondial de la technologie chez Citi. Les traders utilisent les gestes de la main et la voix pour, par exemple, filtrer les transactions de manière fluide et naturelle.

L’IA au service d’une aide à la décision instantanée

Qu’en est-il de la décision ? Les IA apportent également un accompagnement majeur dans ce domaine. Le Français Augustin Huret, qui a travaillé pour les systèmes militaires d’aviation de Dassault, a développé une IA dont le but est de fournir une aide à la décision en temps réel. Fort de ses dizaines d’années de recherche, il a créé la société MondoBrain, dont l’activité consiste à extraire l’intelligence des données, celle de l’entreprise et de l’environnement (tiers, conjoncture économique, météo…) mais également à établir des scénarios probables qui s’ajustent automatiquement en fonction des données exogènes. Les données et les informations sont combinées avec l’intelligence artificielle, les intelligences humaines de l’entreprise et l’intelligence collective (tiers, parties prenantes…) pour porter la connaissance et l’aide à la décision précisément là où l’entreprise en a besoin. Concrètement, le système d’intelligence augmentée de MondoBrain peut par exemple permettre de réduire les temps de réponse aux demandes de crédit, tout en réduisant le risque d’impayés.

La nouvelle conception de la valeur

L’organisation ou l’aide à la décision ne sont pas les seuls domaines à être transformés par les technologies. La notion de «valeur» va elle aussi être bouleversée. Outre une valeur comptable, un actif matériel ou immatériel disposera en outre d’une valeur de données ; cette dernière va résider dans les compétences humaines à l’exploiter et dans l’utilisation des technologies qui permettront de la traiter et de la faire circuler pour la rendre «active» et l’enrichir avec les parties prenantes.

Le métier de directeur financier va donc probablement se transformer en un métier de stratégiste des données. Il sera amené à trouver un équilibre entre les données partageables et non partageables, c’est-à-dire celles qui sont vitales à son écosystème. C’est le partage de la donnée et des informations entre les partenaires qui nouera la confiance, socle d’un écosystème résilient et dynamique. La donnée sera-t-elle la nouvelle monnaie de demain ?

Les directeurs financiers investissent l’IA

  • «Plus du tiers des directeurs financiers cherchent à mettre en œuvre l’IA, les robots et la blockchain au cours des deux prochaines années», affirment les consultants du cabinet Grant Thornton dans le compte rendu d’une enquête de mars 2019.
  • La moitié des dirigeants financiers ont déclaré que la technologie changera le modèle économique global de l’entreprise et autant s’attendent à des changements dans la RH et structure organisationnelle (47 %).
  • «Les technologies en évolution apportent un réel changement dans les processus métier, pas seulement à la vitesse», constatent les décideurs. Plus de la moitié investiront dans la formation.

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