La lettre de l'immobilier

Immobilier durable

Vers un sauvetage des clauses d’indexation à la hausse dans les baux commerciaux

Publié le 19 mai 2022 à 10h48

CMS Francis Lefebvre    Temps de lecture 8 minutes

La question de la validité des clauses d’indexation ne variant qu’à la hausse a fait couler beaucoup d’encre en raison des nombreuses décisions qui réputaient non écrites ces clauses.

Par Géraldine Machinet, avocat counsel en droit immobilier. Elle intervient tant en conseil qu’en contentieux, notamment en matière de baux commerciaux. geraldine.machinet@cms-fl.com et Jean Hentgen, avocat en droit immobilier. Il intervient tant en conseil qu’en contentieux, notamment en matière de baux commerciaux. jean.hentgen@cms-fl.com

La sanction est particulièrement lourde puisque la clause d’indexation, réputée ne pas exister, ne produit aucun effet pour l’avenir et que bailleur doit restituer les loyers versés en application de ladite clause. Cette question constitue donc un point de vigilance particulièrement en cas de vente d’immeuble compte tenu de l’importance de ses conséquences. Toutefois, la jurisprudence récente va vers un assouplissement de la sanction. Possibilité d’un réputé non écrit partiel 

Rappelons qu’après de nombreux arrêts contradictoires des juges du fond, la 3e chambre civile de la Cour de cassation avait estimé en 2016, par une interprétation très libre des dispositions légales, qu’« est nulle une clause d’indexation qui exclut la réciprocité de la variation et stipule que le loyer ne peut être révisé qu’à la hausse ». Elle en avait déduit que « la clause devait être, en son entier, réputée non écrite » en raison du « caractère essentiel de l’exclusion d’un ajustement à la baisse du loyer à la soumission du loyer à l’indexation » (3e civ. 14 janvier 2016, n°14-24.681).

Puis, la 3e chambre civile est venue infléchir sa position en jugeant qu’en présence d’une clause d’indexation divisible, seule la stipulation qui crée la distorsion prohibée est réputée non écrite. Cette évolution a permis de sauver les clauses d’indexation des baux, expurgées des stipulations qui créent la distorsion prohibée, dans deux hypothèses :

l’hypothèse d’une distorsion lors de la seule première indexation (3e civ. 29 novembre 2018, n°17-23.058 ; 3e civ. 6 février 2020, 18-24.599 ; 3e civ. 17 février 2022, n°20-20.463) ;

l’hypothèse où la stipulation prohibée était située dans un paragraphe distinct (3e civ. 11 mars 2021, n°20-12.345 ; 3e civ. 30 juin 2021, n° 19-23.038) ou une phrase distincte (3e civ. 12 janvier 2022, n°21-11.169).

Aujourd’hui, à propos d’un arrêt qu’elle a rendu le 12 janvier 2022 (n°21-11.169), la 3e chambre civile de la Cour de cassation précise sa position. Dans sa lettre n°6 de février 2022, elle invite les juges du fond, au titre de leur pouvoir souverain d’appréciation, à rechercher, de manière objective, si la stipulation prohibée peut être retranchée sans porter atteinte à la cohérence de la clause et au jeu normal de l’indexation, pour déterminer si la clause d’indexation doit être, ou non, réputée non écrite en son entier.

En pratique, les parties souhaitant encadrer le jeu de l’indexation, notamment en période d’inflation, devront veiller lors de la rédaction du bail à rédiger une clause d’indexation divisible.

Clarification de la restitution des sommes indument perçues

Par ailleurs, on a pu percevoir une divergence au sein de la 3e chambre civile sur la portée de la restitution des sommes indument perçues.

Ainsi, classiquement, le calcul des restitutions s’opérait sur la base du loyer d’origine (Cass. 3e civ. 12 mai 2016, n°15-16.285). Cette solution est logique dans la mesure où la clause d’indexation réputée non écrite doit être considérée comme n’ayant jamais existé.

Pourtant, la même 3e chambre civile de la Cour de cassation a affirmé, dans deux arrêts rendus dans la même affaire les 6 juillet 2017 (n°16-16.426) et 4 mars 2021 (n°19-12.564) que le loyer à prendre en compte pour le calcul du loyer applicable était le loyer acquitté à la date du point de départ de la prescription.

La 3e chambre civile semble néanmoins être revenue sur cette confusion entre l’action en répétition de l’indu soumise à la prescription quinquennale et la sanction d’une stipulation réputée non écrite, laquelle doit être considérée comme n’ayant jamais existé. Dans sa lettre n°6 de février 2022, elle réaffirme très clairement que, dans l’hypothèse où la clause d’indexation est éradiquée en totalité, la restitution portera sur la totalité des sommes versées par le preneur au titre de l’indexation et ajoute que l’indexation est censée n’avoir jamais existé, de sorte que le loyer restera pour l’avenir figé à son montant initial.

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