La lettre de l'immobilier

Septembre 2018

JO 2024 et implication des personnes publiques : quels types de contrats ?

Publié le 17 septembre 2018 à 14h55    Mis à jour le 17 septembre 2018 à 18h17

François Tenailleau et Sophie Weill

L’organisation des Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris en 2024 impliquera de nombreuses personnes publiques et ce, à différents titres. Ainsi, les contributions publiques sont évaluées à ce jour à 1,5 milliards d’euros.

Par François Tenailleau, avocat associé en droit public et responsable de la pratique Infrastructure. Il accompagne des opérateurs de tous secteurs et des entreprises de construction, des institutions financières et des fonds d’infrastructures ainsi que les entités du secteur public. Il intervient notamment en matière de contrats publics (marchés publics, concessions, partenariats public-privé, etc.). francois.tenailleau@cms-fl.com et Sophie Weill, avocat en droit public. Elle intervient tant en conseil qu’en contentieux auprès des opérateurs privés et entités du secteur public, notamment dans le cadre de contrats publics (marchés publics, concessions, partenariats public-privé, etc.). sophie.weill@cms-fl.com

Outre la mobilisation nécessaire du foncier public, on pense immédiatement à la réalisation de nouvelles enceintes sportives. Elles s’avèrent pourtant peu nombreuses, puisque l’argument fort en faveur de la candidature de Paris reposait sur les nombreux équipements sportifs déjà existants.

Les trois projets d’ampleur concerneront le centre aquatique olympique, le village olympique ainsi que celui des médias, conçus pour l’échéance des JO mais prévoyant aussi leur reconversion ultérieure au profit des territoires concernés (phase dite «héritage»). Les JO 2024 s’avèrent également un accélérateur de divers projets préexistants.

Fréquemment, l’intervention des personnes publiques impliquera de conclure des contrats avec elles, sous différentes formes.

Organisation institutionnelle et contractualisation entre différents intervenants

Depuis la sélection de la candidature de Paris, la structuration de l’organisation des JO 2024 a abouti à la création de deux entités : le Comité d’organisation des Jeux Olympiques et Paralympiques (COJO), qui est une association, et la société de livraison des équipements olympiques et paralympiques (SOLIDEO), constituée sous la forme d’un établissement public à caractère industriel et commercial, cette dernière étant responsable de la réalisation ou de la modernisation de l’ensemble des ouvrages durables réalisés à l’occasion des Jeux.

Toutefois, la réalisation des investissements pour 2024 s’effectuera sous la responsabilité d’une multitude d’autres personnes publiques.

Pour garantir le respect des délais dans ce contexte, outre des fonctions de financeur et d’aménageur, un rôle majeur de superviseur a été confié à la SOLIDEO, qui la conduit à piloter actuellement 39 projets menés par 28 maîtres d’ouvrage différents, majoritairement publics (Etat, villes de Paris et de Marseille, Voies navigables de France, Mutuelle générale de la Police, départements des Hauts-de-Seine et de Seine-Saint-Denis, etc.).

Pour accomplir cette mission de supervision, la SOLIDEO a mis en place un mécanisme de pilotage des projets qu’elle impose par voie conventionnelle aux maîtres d’ouvrage. De même, elle pourra se substituer aux éventuels maîtres d’ouvrage défaillants pour garantir le respect du calendrier, dans des conditions qui devraient être encore détaillées à l’avenir (cf. article 5 sexies du projet de loi Elan, version Sénat, 25 juillet 2018).

Au-delà de ces contrats de pilotage, de nombreuses autres conventions, notamment au titre des financements, seront conclues entre les différents acteurs publics des JO 2024 pour décliner les engagements pris par la ville de Paris dans le cadre du contrat «ville-hôte» conclu à Lima avec le Comité international olympique le 13 septembre 2017. Ledit contrat ville-hôte et ses conventions d’exécution bénéficient quant à eux d’une disposition législative dérogatoire à l’article 2060 du Code civil, autorisant la clause compromissoire qu’ils comportent au bénéfice du Tribunal arbitral du sport, en principe interdite dans les contrats des personnes morales de droit public (article 6 de la loi du 26 mars 2018 relative à l’organisation des Jeux Olympiques et Paralympiques de 2024).

Equipements et contrats de commande publique

Rares sont donc les équipements sportifs nouveaux majeurs et les contrats de commande publique d’ampleur qui les accompagneront. On peut citer le centre aquatique olympique à Saint-Denis, dont le périmètre et la configuration sont encore en discussion en raison d’un risque de dérive des coûts identifiés dans le projet initial par l’Inspection générale des finances (rapport IGF, mars 2018). Ce projet pourrait toutefois se réaliser dans le cadre d’une délégation de service public1, alors même que son équilibre économique reposera largement sur un paiement public. S’il devait se confirmer, ce choix permettrait d’illustrer la tendance actuelle, et très marquée, de recourir à des contrats de type concessif plutôt qu’à un marché de partenariat2. Les marchés de partenariat sont d’ailleurs les grands absents des contrats pour l’organisation de ces Jeux, alors que les montages globaux sans financement privé ont le vent en poupe. Pour preuve, les ouvrages nécessaires à l’organisation des JO 2024 devraient prochainement bénéficier d’une exception au principe d’allotissement des marchés publics permettant à leurs maîtres d’ouvrage d’avoir recours sans condition à des marchés de conception-réalisation (cf. article 5 septies du projet de loi Elan).

Au rang des projets préexistants, les JO 2024 constituent un catalyseur de montages parfois originaux : outre Grand Paris Express, citons la SEMOP3 Gare du Nord (article 67 de la loi du 28 février 2017 relative au statut de Paris et à l’aménagement métropolitain) ou encore la concession «publique» pour le Charles-de-Gaulle Express (article L.2111-3 du Code des transports, modifié par les articles 20 et 21 de la loi du 26 mars 2018 relative à l’organisation des Jeux Olympiques et Paralympiques de 2024).

Conventions domaniales et cessions foncières

Enfin, les projets publics et privés ainsi que le déroulement même des JO 2024 nécessiteront la mobilisation de nombreuses emprises foncières publiques. Selon les cas, elles pourront faire l’objet d’autorisations d’occupation temporaire ou de cessions.

Or, depuis l’ordonnance du 19 avril 2017 relative à la propriété des personnes publiques, adoptée sous l’impulsion de la jurisprudence européenne (CJUE, 14 juillet 2016, C-458/14, Promoimpresa Srl), les autorisations temporaires d’occupation du domaine public doivent être, en principe, précédées d’une procédure de publicité et de mise en concurrence (article L.2122-1-1 du Code général de la propriété des personnes publiques) et donnent lieu au paiement d’une redevance par l’occupant.

Pour faciliter son intervention, le COJO profite à cet égard d’une dérogation législative (article 17 de la loi du 26 mars 2018 relative à l’organisation des Jeux Olympiques et Paralympiques de 2024) pour conclure de gré à gré les autorisations d’occupation des dépendances du domaine public dédiées aux JO.

Une autre dérogation bénéficie aux sous-occupations du domaine public consenties par le COJO lui-même à ses partenaires de marketing (au sens du contrat de ville-hôte), qui pourront être librement conclues et à titre gratuit.

Reste que toutes les autres occupations des dépendances du domaine public devront en principe faire l’objet d’une procédure préalable, à l’inverse des cessions foncières qui pourront quant à elles, en principe, être conclues librement (l’habilitation contenue dans la loi Sapin II pour soumettre ces cessions à une procédure de publicité et de mise en concurrence n’ayant pas été mise en œuvre par le Gouvernement ; seul l’Etat demeure donc pour le moment soumis à une telle obligation). Selon toute vraisemblance, la SOLIDEO devrait néanmoins lancer des opérations de type concours de promoteur (sur le modèle «réinventons la métropole») en ce qui concerne les terrains dans les zones d’aménagement concerté dont elle est aménageur.

1. Voir par exemple l’article «Paris 2024 : et si la piscine des Jeux était en kit ?», paru dans Le Parisien, le 23 avril 2018.

2. Sur un tel constat et ses raisons, voir la vidéo en ligne «Que reste-t-il des partenariats public-privé dans les nouvelles ordonnances ?», allocution par François Tenailleau, colloque de l’Université Toulouse Capitole, 1er décembre 2017.

3. Société d’économie mixte à opération unique.

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Au sommaire de la lettre


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