La lettre des fusions-acquisition et du private equity

Mars 2017

Les assurances dans les deals M&A : outil d’optimisation des opérations

Publié le 24 mars 2017 à 11h44    Mis à jour le 24 mars 2017 à 15h30

Audrey Levy-Corcos, Marsh SAS

Le rapport CMS European M&A Study 2017, portant sur les opérations conseillées en 2016, indique que l’usage de l’assurance de garantie de passif était de 3 % pour les deals d’une valeur inférieure à 25 millions d’euros, de 16 % pour les deals entre 25 millions et 100 millions d’euros et de 34 % pour les deals supérieurs à 100 millions d’euros.

Par Audrey Levy-Corcos, responsable du pôle solutions transactionnelles au sein du practice private equity and M&A chez Marsh SAS. Elle intervient dans la structuration des solutions d’assurance d’opérations de fusion-acquisition transfrontalières, notamment dans les secteurs du private equity et de l’immobilier, particulièrement en France, Belgique, Italie, Luxembourg et Espagne. audrey.levycorcos@marsh.com

Dans le cadre d’opérations financières (fusions, acquisitions, cessions, etc.), les entreprises doivent faire face à de nombreux risques pouvant engendrer une charge imprévue, une perte de chiffre d’affaires ou encore impacter la rentabilité escomptée de l’investissement. Dès lors, deux intérêts s’opposent : celui de l’acheteur souhaitant prendre des risques maîtrisés et ne pas supporter un prix prohibitif et celui du vendeur désirant optimiser les prix et conditions de l’opération.

Face à ces difficultés, l’assurance peut permettre d’atteindre différents objectifs :

– limiter, voire supprimer, les engagements hors bilan issus de la garantie de passif pour le vendeur tout en apportant le niveau de protection requis par l’acheteur ;

– éviter la constitution d’un séquestre ou de garanties bancaires généralement exigée par un acheteur pour sécuriser la garantie de passif ;

– augmenter et/ou compléter pour l’acheteur le plafond de la garantie de passif consentie par le vendeur pour lui assurer une meilleure protection ;

– augmenter la durée des garanties par rapport à ce que le vendeur est prêt à accorder à l’acheteur ;

– anticiper et traiter en amont certains risques identifiés au niveau de la cible afin d’optimiser les conditions de la cession en limitant les ajustements de prix ;

– transférer les risques environnementaux, y compris les risques résultant d’une pollution historique.

Ces trois dernières années, le marché de l’assurance de garantie de passif a connu une croissance exponentielle. L’entrée de nouveaux assureurs et agences de souscription (souscrivant pour le compte de syndicats des Lloyd’s) a permis une baisse très importante des taux de prime. En effet, sur une opération standard, le taux moyen de prime en Europe se situe désormais autour de 1,42 % hors taxes d’assurance (coût doublé pour les Etats-Unis), soit une prime d’environ 142 000 euros HT pour une capacité de 10 millions d’euros. Cette prime n’est payable qu’une seule fois à la mise en place de l’assurance pour toute la durée de celle-ci (en général, vingt-quatre mois pour les garanties générales et durée de la prescription, avec un maximum de sept ans pour les garanties fondamentales, fiscales et sociales).

Ces assurances se sont également développées grâce à la professionnalisation des équipes chez les assureurs et chez Marsh avec le recrutement d’anciens avocats M&A et d’associés spécialisés en fiscalité. Cela permet l’étude de cas spécifiques et complexes afin de mettre en place un contrat d’assurance sur mesure pour répondre aux besoins de l’opération. Le processus de souscription de ces polices peut être rapide et nous veillons à ce qu’il s’intègre dans le timing de l’opération. Marsh procède à un appel d’offres auprès des assureurs pertinents pour le dossier en fonction de la langue, du droit applicable au contrat de cession et de la juridiction de la cible. Les assureurs peuvent désormais suivre quasiment tous les droits et toutes les juridictions.

L’assurance de garantie de passif : un outil à connaître

La solution assurantielle la plus utilisée est l’assurance de garantie de passif qui consiste en une prise en charge des conséquences financières de la mise en jeu de la convention de garantie négociée entre l’acheteur et le vendeur. Les assurances dites «acheteurs» sont utilisées dans 99 % des cas. En effet, l’assurance dite «vendeur» n’est possible que lorsque des vendor due diligences sont disponibles et permet d’éviter la constitution d’un séquestre ou la mise en place d’une garantie bancaire sans pour autant permettre le transfert total de la responsabilité du vendeur.

Qui dit assurance de garantie de passif dit contrat de garantie : en effet, l’assureur assure le wording des déclarations et garanties données par le vendeur à l’acheteur. Le contrat d’assurance est un accessoire du contrat de cession comprenant le contrat de garantie.

Prenons pour exemple un groupe coté, engagé dans un programme de cessions destiné à restructurer sa dette bancaire et soutenir son cours de bourse. L’acheteur exige des garanties importantes ainsi que la constitution d’un séquestre pour sécuriser lesdites garanties. Or, le vendeur souhaite limiter le montant des garanties données et recevoir immédiatement le maximum du produit de cession pour respecter ses engagements vis-à-vis de ses banques. Une solution est donc de mettre en place une assurance de garantie de passif qui permet d’augmenter le plafond des garanties données par le vendeur tout en limitant le montant exigé en séquestre par l’acheteur. Ainsi, l’acheteur obtient des garanties suffisantes et le vendeur limite ses engagements hors bilan à un niveau acceptable et reçoit immédiatement la quasi-totalité du produit de cession.

L’assurance de risque spécifique : comment résoudre des situations de deal-breaker

Une autre solution assurantielle possible est l’assurance de risque fiscal identifié qui consiste en la prise en charge des conséquences d’un redressement fiscal (exemple : application discutable ou incertaine d’un régime fiscal particulier, changement de position de l’administration fiscale, clause d’indemnisation fiscale spécifique, etc.) dont la survenance dans le temps et/ou le quantum restent incertains. Il convient toutefois de s’assurer que le sous-jacent soit un risque juridique et non pas un risque purement formel ou lié au non-respect de la réglementation. Il peut s’agir de couvrir soit un risque fiscal dans le cadre de l’assurance de garantie de passif, soit un risque fiscal particulier dans le cadre d’une police d’assurance spécifique. Chaque risque est unique et analysé spécifiquement. Le taux de prime varie de 1 % à 15 % de la limite assurée en fonction de la nature du risque.

L’assurance du rachat de litige ou claim buy out consiste quant à elle à traiter un risque identifié dont la survenance dans le temps et/ou le quantum restent incertains.

Par exemple, un groupe de services cherche à se vendre à un concurrent. Le groupe fait l’objet d’une dizaine d’assignations concernant des problèmes sociaux susceptibles de s’étendre à d’autres salariés en fonction de l’issue des litiges en cours. L’analyse du dossier sur le plan juridique est plutôt favorable pour la société cible mais, dans le cas contraire, l’impact financier peut être significatif. Le vendeur, estimant le risque peu probable, accorde des garanties très nettement inférieures à celles requises par l’acheteur, mettant la transaction dans une impasse. La mise en place d’une assurance claim buy out permet d’externaliser vers un tiers assureur l’intégralité du risque associé à ces litiges.

L’assurance du passif environnemental consiste en la prise en charge des conséquences financières liées à des faits de pollution existant avant la cession. Elle peut permettre de garantir les dommages corporels, matériels et immatériels causés à des tiers et les coûts de dépollution et de remise en état sur site et hors site requis par les autorités.

Par exemple, un groupe industriel procède à la cession de plusieurs sites de production à un fonds d’investissement sensible aux problématiques environnementales. L’acheteur exige des garanties importantes en matière de pollution historique. Le vendeur, coté en bourse, souhaite limiter le niveau de ses engagements hors bilan en matière d’environnement. Une assurance du passif environnemental est souscrite par la société prenant en charge les conséquences financières d’une pollution historique qui se révélerait au cours des dix ans suivant la transaction (avec couverture des frais de remise en état en cas d’évolution défavorable de la législation). L’acheteur obtient ainsi le confort nécessaire sans imposer au vendeur la contrainte d’une garantie de nature à générer des engagements hors bilan importants sur une longue durée.

Il est désormais indispensable de se poser la question sur chaque opération afin de déterminer si l’assurance peut apporter de la valeur ajoutée à l’opération envisagée.


La lettre des fusions-acquisition et du private equity

L’assurance de garantie de passif

Hubert Bresson, avocat associé

L’assurance de garantie de passif est un outil intelligent et souple, susceptible de faciliter la concrétisation d’un certain nombre d’opérations de cession d’entreprise. Elle est en effet susceptible de permettre au vendeur de réduire le niveau de garantie qu’il doit octroyer à l’acquéreur et, par conséquent, de diminuer les engagements hors bilan qui y sont associés et les contre-garanties (garantie de la garantie ou séquestre) qui peuvent être exigées de lui. Elle doit en parallèle permettre à l’acquéreur de bénéficier d’un niveau de confort au moins égal à celui qu’il aurait pu obtenir du cédant en termes de montant et de durée de garantie et d’obtenir de ce dernier un effort sur le prix de cession en contrepartie d’un niveau de garantie réclamé moins élevé.

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