La lettre gestion des groupes internationaux

Edition Octobre 2022

Anticiper et préparer l’entrée dans le champ d’application de la REP

Publié le 28 octobre 2022 à 10h53

PwC Société d'Avocats

Par Luana Higino-Balbino, PwC Société d’Avocats et Antoine Laniesse, PwC Société d’Avocats

La responsabilité élargie des producteurs (REP) est en développement constant depuis les années 1990 et notamment ces dix dernières années où de plus en plus de produits sont soumis à la REP à travers la création de nouvelles filières, entraînant obligations tant réglementaires, que financières toujours plus importantes. Dès lors, les entreprises doivent se préparer ou à défaut auditer leurs processus internes en place afin de pouvoir faire face à ces différentes obligations issues de la REP. Pour les entreprises, il s’agit tout d’abord de s’assurer de leur redevabilité à la lumière des produits commercialisés et d’anticiper les obligations réglementaires ainsi que les enjeux d’éco-conception permettant de maîtriser leur exposition aux éco-contributions.

Avant la REP, la phase de lobbying

Avant la création d’une filière, les producteurs et metteurs sur le marché doivent s’organiser. Ils vont pouvoir intervenir à différents stades de l’élaboration des règles de la filière :

– l’Ademe va préparer une étude de préfiguration de la filière REP qui sera rendue public. Cette étude dresse un état des lieux permettant d’établir des éléments de cadrage de la filière (analyse du marché, évaluation du gisement de déchets, filières existantes de collecte et traitement). L’étude propose les scénarios possibles d’organisation de la filière ;

– sur cette base, le ministère de la Transition écologique va soumettre à consultation un projet d’arrêté ministériel portant cahier des charges des éco-organismes, des systèmes individuels et des organismes coordonnateurs de la filière à responsabilité élargie. L’arrêté définit les objectifs de performance de la filière qui prennent la forme d’un cahier des charges. L’élaboration d’un cahier des charges est relativement longue, en général 10 à 12 mois, entre le début de la concertation des acteurs concernés et la publication du cahier des charges.

Durant ces phases de pré-études et de concertation, les entreprises peuvent tenter d’infléchir certaines positions prises par le Gouvernement en soumettant leurs commentaires durant les consultations publiques réalisées en application de l’article L. 123-19-1 du code de l’environnement pour la mise en œuvre du principe de participation du public aux décisions publiques ayant une incidence sur l’environnement prévu à l’article 7 de la Charte de l’environnement.

S’assurer des flux et produits entrant dans le champ d’application de la REP

Quel doit être le premier réflexe des entreprises ?

Le premier enjeu pour une entreprise s’interrogeant sur la soumission de l’un (ou plusieurs) de ses produits à une (ou plusieurs) filières REP est de s’assurer de leur redevabilité selon leur flux de produits (quel est le rôle exact de l’entreprise dans la chaîne de production ?) mais également au regard du produit commercialisé.

Il est essentiel pour une entreprise de déterminer cette redevabilité pour éviter une non-conformité à la loi ou, a contrario, de supporter des éco-contributions sans y être légalement soumis.

Une étude permettra à l’entreprise d’établir une cartographie précise des flux et produits déclenchant la redevabilité à la REP pour s’assurer :

– que les produits entrent ou non dans le périmètre des différentes filières de la REP. Les champs d’applications sont prévus par différents articles du code de l’environnement et sont spécifiques à chaque filière REP comme l’article R. 543-171-1 du code de l’environnement qui apporte des précisions relatives au secteur des déchets d’équipement électriques et électroniques. Les champs d’applications du code de l’environnement donnant de premières règles générales, il est nécessaire généralement d’analyser les décrets, arrêtés, et documentations publiées par les éco-organismes pour obtenir des informations plus précises. A titre d’exemple, citons le cas des marques propres dont la détermination de la redevabilité peut s’avérer complexe notamment lorsque plusieurs acteurs susceptibles d’être redevables s’échangent les marchandises (fabricant français et propriétaire/donneur d’ordre de la marque propre) ;

– que les flux déclenchant la redevabilité de l’éco-contribution sont bien identifiés tels que :

• l’importation (introduction de produits en provenance de pays tiers à l’Union européenne),

• acquisition/livraison intracommunautaire,

• fabrication sur le territoire national,

• exportation,

• dropshipping, etc.

Cette seconde étape permettra en outre de déterminer le statut de l’entreprise au regard des éco-contributions (certaines éco-contributions pouvant prévoir plusieurs statuts comme celui de producteur et/ou de distributeur) entraînant des obligations différentes.

Cette étude de redevabilité permettra par ailleurs de définir les obligations réglementaires spécifiques à chaque éco-contribution. La conformité de l’entreprise à la REP n’en sera que meilleure et permettra également d’avoir à disposition des sources d’information communicables à la première demande aux autorités, en cas de contrôles.

Appréhender les obligations réglementaires et anticiper les enjeux réglementaires spécifiques à chaque éco-contribution

Quelles peuvent être les obligations associées à la redevabilité de la REP ?

Lorsque la redevabilité est avérée, de multiples obligations réglementaires selon l’éco-contribution doivent être respectées. A cet égard, les obligations réglementaires étant précisées dans des sources diverses et variées, les opérateurs peuvent rencontrer des difficultés pour appréhender le large périmètre des obligations qu’elles doivent respecter. Exposons de manière succincte et non exhaustive un corpus d’obligations pesant sur un producteur (entreprise redevable) d’une éco-contribution :

– mise en place d’un système individuel agréé de collecte et de gestion des déchets ou d’adhésion à un système collectif via éco-organisme ;

– obligations déclaratives auprès de l’éco-organisme (ou de l’Ademe) des types et quantités de produits mis sur le marché (par an, par semestre ou par trimestre) selon les éco-contributions ;

– obligation de marquage et d’étiquetage des produits : selon les types de produits et d’éco-contribution, des obligations de marquages doivent être reportées sur le produit telles que logo, date de mise sur le marché ou identité du producteur. En cas de non-respect de ces obligations de marquage et d’étiquetage, au-delà des sanctions relatives à la non-conformité des produits, les marchandises sont susceptibles d’être bloquées notamment lors de contrôle à l’importation. Il est donc fondamental d’anticiper ces obligations ;

– obligation d’information, d’affichage ou encore de reprise et de collecte des produits usagés dans les locaux commerciaux (généralement accessible au public) ;

– disponibilité d’un rapport de procédures convenues (« RPC ») : en cas de dépassement du seuil relatif au montant de l’éco-contribution payée, le RPC est obligatoire. Il s’agit d’un document rédigé par un CAC ou un expert-comptable permettant de certifier la conformité du processus déclaratif et de la qualité des données de l’opérateur redevable ;

– élaboration d’un plan de prévention et d’éco-conception : tout producteur est tenu d’élaborer et de mettre en œuvre un plan de prévention et d’éco-conception ayant pour objectif de réduire l’usage de ressources non renouvelables, d’accroître l’utilisation de matières recyclées et d’accroître la recyclabilité de ses produits.

Trouver le bon équilibre entre conformité et exposition financière à la REP

La REP, selon les produits et les volumes mis sur le marché national, peut entraîner le versement d’une contribution financière pouvant s’élever à des montants significatifs avec des impacts plus ou moins importants (marge opérationnelle, acceptation du prix d’achat par les consommateurs, stratégie de sourcing des produits, etc.).

Dès lors, il convient au moyen des différents leviers à la disposition des entreprises, de maîtriser le montant des éco-contributions, qui sont depuis plusieurs années en constante augmentation. A titre d’illustration, nous pouvons citer l’emploi de matériaux recyclés dans la fabrication du produit ou encore l’arbitrage selon les différents critères favorables (utilisation de plastique issu de matière recyclé, anticipation des marquages relatifs aux consignes de tri, niveau de réparabilité, etc.) à l’entreprise, selon les produits disponibles sur le marché ou la situation du fournisseur vis-à-vis des éco-contributions (si le fournisseur est lui-même redevable, cela permet de ne pas avoir la charge de l’éco-contribution).

Egalement, l’analyse par l’entreprise des barèmes d’éco-modulation publiés annuellement par les éco-organismes peut permettre de bénéficier de « bonus » ou a minima d’éviter les « malus ». Même si selon les éco-contributions, la marge de manœuvre varie, l’entreprise dispose de leviers pour réduire son exposition financière aux éco-contributions. 


La lettre gestion des groupes internationaux

Eco-concevoir ses produits pour maîtriser son éco-contribution

PwC Société d'Avocats    Temps de lecture 8 minutes

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