La lettre gestion des groupes internationaux

Edition Octobre 2022

Eco-concevoir ses produits pour maîtriser son éco-contribution

Publié le 28 octobre 2022 à 10h48

PwC Société d'Avocats    Temps de lecture 8 minutes

Par Jean-Baptiste Petit, PwC

Dans le cadre des filières à responsabilité élargie des producteurs, l’éco-contribution correspond au montant à verser pour un produit donné pour financer le système de gestion dudit produit en fin de vie, et même aujourd’hui sa réparation ou son réemploi. La loi Agec de février 2020 a en effet prévu, par exemple pour les équipements électriques et électroniques, qu’une partie des éco-contributions perçues par les éco-organismes servent à alimenter des fonds réparation et réemploi.

La modulation des éco-contributions

La réglementation prévoit la possibilité de moduler le niveau de ces éco-contributions en fonction des caractéristiques environnementales des produits concernés.

Ces caractéristiques peuvent inclure : la quantité de matière utilisée, l’incorporation de matière recyclée, l’emploi de ressources renouvelables gérées durablement, la durabilité du produit ou sa réparabilité, les possibilités de réemploi ou de réutilisation, la recyclabilité, la visée publicitaire ou promotionnelle du produit, l’absence d’écotoxicité et la présence de substances dangereuses.

L’objectif de cet éco-modulation est de favoriser la prise en compte de ces critères environnementaux dès la conception des produits, en d’autres termes, de favoriser l’éco-conception.

La loi Agec a renforcé le niveau possible de cette éco-modulation, qui peut atteindre jusqu’à 20 % du prix de vente hors taxe du produit. Concrètement, le produit se voit appliquer une prime lorsqu’il remplit des critères de performance environnementale, au regard des meilleures techniques disponibles, et une pénalité s’il s’en éloigne. Ce système d’écomodulation, dont les modalités sont en général définies par les éco-organismes en lien avec le régulateur, doit permettre d’atteindre les objectifs environnementaux fixés par la loi. Les éco-modulations peuvent ainsi être révisées en fonction de l’atteinte ou non de ces objectifs nationaux.

Les multiples avantages de l’éco-conception

Dans ce contexte, l’éco-conception, démarche qui vise justement à intégrer des critères environnementaux dès la conception des produits, est un enjeu clé pour l’entreprise avec des répercussions financières.

La norme française NF X30-264 définit l’éco-conception comme l’intégration systématique des aspects environnementaux dès la conception et le développement de produits (biens et services, systèmes) avec pour objectif la réduction des impacts environnementaux négatifs tout au long de leur cycle de vie à service rendu équivalent ou supérieur. Dans la mesure où environ 80 % des impacts d’un produit sont déterminés durant la conception, cette étape est cruciale dans la réduction des externalités négatives causées par le cycle de vie du produit, de l’extraction des matières premières le constituant à sa fin de vie.

Au-delà des considérations financières relatives à l’éco-modulation, l’éco-conception permet de maîtriser les risques environnementaux associés notamment à la réglementation, comme par exemple le règlement Reach. Ce dernier vise en effet à sécuriser la fabrication et l’utilisation des substances chimiques dans l’industrie européenne, en vue de protéger la santé humaine et l’environnement.

La démarche permet également d’anticiper les futures obligations de transparence sur les caractéristiques environnementales des produits, dit affichage environnemental, renforcé par la loi Agec et les futures réglementations européennes. Cet affichage, aujourd’hui expérimental, mais potentiellement obligatoire demain, implique la mise en place d’une gestion davantage industrialisée des caractéristiques environnementales des produits et des données associées (lieux de fabrication aux rangs 1, 2 et 3, potentiel de recyclabilité, etc.).

Si l’éco-conception permet de réduire les risques environnementaux, réglementaires et financiers, elle peut aussi être une formidable opportunité pour l’entreprise pour en faire un levier d’innovation et pour se différencier sur le marché, dans un contexte sociétal où de plus en plus de consommateurs attendent de la transparence sur les produits et privilégient des choix à moindre impact environnemental. Selon notre étude mondiale auprès de consommateurs (1), 52 % des personnes interrogées se disent en effet plus respectueuses de l’environnement qu’elles ne l’étaient il y a six mois. Cette statistique a augmenté de 2 points de pourcentage depuis notre enquête de juin 2021. Et environ la moitié des répondants prennent consciemment en compte les facteurs liés à la durabilité lorsqu’ils prennent des décisions d’achat.

Enfin, cette démarche, si elle est portée au plus haut niveau avec un positionnement stratégique clair, a le potentiel de faire adhérer les collaborateurs à un projet d’innovation et de valoriser l’image de l’entreprise.

La mise en place d’une stratégie d’éco-conception

Le déploiement d’une stratégie d’éco-conception passe par différentes étapes, suivant le niveau de maturité de l’entreprise, du diagnostic de l’existant au regard des forces et faiblesses internes et de l’écosystème, à la stabilisation du système de management et au pilotage stratégique d’indicateurs clés de performance.

Démarrer par un pilote sur un ou quelques projets de conception peut permettre dans un premier temps d’en tirer les enseignements, bénéfices et difficultés rencontrées, propres à l’organisation, avant de déployer progressivement l’apprentissage avec l’intégration systématique de l’éco-conception et le développement de procédures.

La définition opérationnelle des critères d’éco-conception pour l’entreprise intégrera différentes dimensions stratégiques et réglementaires, en lien notamment avec les critères regardés pour l’éco-modulation, mais également la stratégie RSE de l’entreprise et les attentes des parties prenantes. Ces critères pourront concerner par exemple : la réduction voire la suppression des substances dangereuses ; la conception en vue d’augmenter la durabilité, la réparabilité, et la recyclabilité des produits ; l’intégration de matières alternatives, recyclées ou renouvelables. Ceci favorise les primes sur l’éco-contribution dans le cadre des filières REP.

Des critères d’impact environnemental peuvent également être pris en compte, comme les émissions de gaz à effet de serre, l’épuisement des ressources, la pollution de l’air ou de l’eau. Pour cela, la méthode d’analyse du cycle de vie («ACV») est la plus répandue. Elle suit une démarche normée par des standards ISO (2) visant à assurer une approche scientifique et transparente dans les données et hypothèses utilisées pour calculer les impacts environnementaux d’un produit sur tout son cycle de vie. L’exercice d’ACV repose sur plusieurs données de l’entreprise voire même de ses partenaires sur la chaîne de valeur (données de transport, de consommation de matières et d’énergie, d’utilisation des produits, etc.) et peut demander un certain effort au départ. Ces données sont croisées avec des bases de données d’ACV (impact des matières premières utilisées par exemple) grâce à un outil dédié, par exemple l’outil TEAMTM de PwC.

Quelques clés pour la réussite du projet

La réussite d’une démarche d’éco-conception dépend bien entendu de facteurs propres à chaque entreprise, mais certains facteurs clés peuvent être observés d’après notre expérience.

L’implication des bonnes ressources, à commencer par le soutien du top management, la sensibilisation d’équipes pluridisciplinaires aux enjeux de la démarche (par exemple : R&D, achats, marketing, etc.) et l’identification d’un ou de plusieurs référents éco-conception pilotant la démarche. La formation est clé pour garantir le bon niveau de connaissance du contexte réglementaire et normatif, des solutions techniques (par exemple : matériaux, procédés, etc.) et des potentiels nouveaux outils d’éco-conception (par exemple : logiciel, check-lists, guides, etc.).

La bonne structuration des projets implique de définir des objectifs clairs, concrets et réalistes alignés avec la stratégie, le choix d’outils pragmatiques adaptés et l’identification des bonnes bases de données. Enfin, une vision progressive et globale de la démarche, avec des relations plus étroites avec les partenaires de la chaîne de valeur (par exemple : fournisseurs, recycleurs, éco-organismes, etc.) est également clé.

Le contexte réglementaire et sociétal pousse les filières REP et les entreprises à intégrer et piloter de plus en plus systématiquement l’éco-conception des produits pour être en mesure de fournir de l’information aux parties prenantes et limiter les risques associés, ou tirer profit des opportunités, comme par exemple dans le cas de l’écomodulation. 

1. December 2021, Global Consumer Insights Pulse Survey.

2. ISO 14040, Management environnemental, Analyse du cycle de vie, Principes et cadre et ISO 14044, Management environnemental, Analyse du cycle de vie, Exigences et lignes directrices.


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