La lettre gestion des groupes internationaux

Edition Octobre 2022

Le cycle de vie du produit, une pression juridique de plus en plus forte mais des sources d’opportunité pour les entreprises

Publié le 28 octobre 2022 à 10h30

PwC Société d'Avocats    Temps de lecture 6 minutes

Par Antoine Coursaut-Durand avocat associé, PwC Société d’Avocats et Aurélie Cornetto PwC

Les entreprises sont de plus en plus soumises à un exercice de transparence en matière environnementale. Une entreprise ne peut plus se contenter de se mettre en conformité par rapport à la réglementation notamment pour le recyclage des déchets mais doit définir une stratégie ESG pour anticiper et maîtriser le risque contentieux et le risque réputationnel. Les entreprises ont besoin d’expertises opérationnelles pointues et pluridisciplinaires permettant d’appréhender l’intégralité de ces enjeux.

Un contrôle juridique de plus en plus serré sur les entreprises au-delà de leurs obligations de recyclage

Trois associations ont récemment mis en demeure neuf géants de l’agroalimentaire et de la grande distribution pour l’insuffisance de leurs actions dans la réduction des risques liés à la pollution plastique, sur le fondement de la loi sur le devoir de vigilance.

L’article L. 225-102-4 du code de commerce impose aux entreprises et aux groupes qui emploient deux années consécutives plus de 5 000 salariés en France ou plus de 10 000 en France et à l’étranger : (i) d’établir un plan de vigilance, (ii) de le mettre en œuvre de manière effective, et de (iii) publier au sein de leurs rapports de gestion annuel d’une part, le plan de vigilance et d’autre part, le compte rendu de la mise en œuvre effective de ce plan.

Ce plan de vigilance a pour objet de présenter des mesures « de vigilance raisonnable » pour identifier et prévenir des risques d’atteintes graves notamment à l’environnement « résultant des activités de la société et de celles des sociétés qu’elle contrôle ».

En résumé, le plan de vigilance comprend une cartographie des risques, des procédures d’évaluation, des actions adaptées d’atténuation des risques ou de prévention des atteintes graves, un mécanisme d’alerte et un dispositif de suivi des mesures mises en œuvre et d’évaluation de leur efficacité.

Au regard des atteintes graves et irréversibles liées à l’utilisation du plastique sur l’environnement et la santé des populations, ces associations reprochent à ces grandes entreprises de ne pas avoir pris en compte ou suffisamment en compte le plastique dans leur plan de vigilance, lorsqu’elles en ont un.

Les tiers comme ces associations disposent en effet d’une action en justice spécifique : toute personne justifiant d’un intérêt à agir peut saisir le juge compétent d’une action tendant à faire enjoindre à la société de se conformer à son obligation d’établir, publier ou mettre en œuvre un plan de vigilance. L’injonction peut être assortie d’une astreinte. Les demandeurs peuvent saisir le juge au fond, ou d’une demande en référé. Cette action doit être précédée d’une mise en demeure, assortie d’un délai de trois mois.

L’usage du plastique et plus généralement la question de l’économie circulaire sont sans aucun doute l’un des sujets majeurs pour la protection de l’environnement. On ne doute pas que ces grandes entreprises respectent leurs obligations réglementaires sur l’usage du plastique, son recyclage et en particulier leurs obligations au titre de la responsabilité élargie des producteurs lorsqu’elles y sont soumises et sont « metteurs sur le marché ».

Se pose alors pour les grandes entreprises la question de l’intégration des risques liés aux usages du plastique, dans leurs plans de vigilance. Alors qu’elles peuvent être en conformité voire en avance sur leurs obligations réglementaires, ces entreprises se retrouvent dans une situation de grande incertitude quant à la stratégie à adopter sur un risque environnemental donné.

Cette tendance aura un impact sur toute la chaîne d’approvisionnement et notamment les PME-ETI qui ne sont pas soumises à la loi sur le devoir de vigilance mais travaillent à un moment ou un autre pour ces grands groupes.

De nombreux défis également à venir en matière de reporting extra-financier sur ces sujets

Depuis 2001 avec la loi NRE, il existe en France des obligations en matière de publication d’informations RSE. Au fil des années, la réglementation s’est intensifiée et s’est étendue à un nombre plus large d’acteurs. Depuis 2017, à la suite de la transposition française de la directive européenne sur le reporting extra-financier (« NFRD »), certaines grandes entreprises sont soumises à l’obligation de publier des informations sociales et environnementales mais aussi en matière de droits humains, de lutte contre la corruption et lutte contre l’évasion fiscale dans leur déclaration de performance extra-financière (« DPEF »).

Aujourd’hui, ces informations ne suivent pas nécessairement un cadre normatif précis et communément partagé. En effet, souvent les entreprises présentent leurs actions, des résultats, des indicateurs de performance déterminés à partir de leur propre référentiel. C’est ainsi qu’on retrouve dans certaines DPEF des informations en matière de gestion des déchets, de recyclabilité des produits, d’éco-conception établie avec des indicateurs différents d’une entreprise à l’autre.

La révision de cette directive européenne (« NFRD ») et son remplacement par la corporate sustainability reporting directive (« CSRD ») vont introduire la mise en place d’un référentiel normatif (ESRS, european sustainability reporting standards). Ces normes de durabilité, qui devront être suivies par toute entreprise entrant dans le champ de la CSRD, sont encore au stade de projets mais à un niveau suffisamment abouti pour comprendre l’ampleur du challenge qui attend les entreprises. Alors qu’hier les entreprises choisissaient les informations sociales et environnementales qu’elles souhaitaient rendre publiques, demain elles devront communiquer une quantité d’informations préétablie par les normes de durabilité.

Nous avons présenté dans les articles précédents les défis lancés par la REP, d’autres sont encore à venir avec les ESRS. Un pilier environnemental et une section économie circulaire sont prévus. A titre d’exemple, il est attendu que les entreprises communiquent sur les politiques qu’elles ont définies en matière d’économie circulaire et d’utilisation des ressources naturelles, qu’elles précisent leurs objectifs non seulement en termes de réduction des déchets et de taux de recyclage des produits mais aussi en ce qui concerne l’élimination de matières premières issues de ressources non renouvelables et la régénération des ressources renouvelables et des écosystèmes. L’ambition est certes élevée, mais elle reflète l’urgence et la nécessité de changer le modèle économique et social actuel vers plus de durabilité.

Ces nouvelles et nombreuses obligations présentent l’avantage de donner un cadre et plus de visibilité aux entreprises, bien qu’au prix d’une plus grande complexité juridique. Les entreprises ne doivent pas considérer cela comme une couche de reporting réglementaire additionnel mais plutôt comme une véritable opportunité de repenser leur stratégie, leur modèle d’affaires, toute leur chaîne de valeur et d’établir un projet d’entreprise qui embarque l’ensemble des collaborateurs et qui soit source de différenciation.


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