Le parcours boursier du secteur bancaire européen, et notamment de certains établissements français, se distingue par sa performance. Cette tendance haussière peut-elle se poursuivre ? Antonio Roman, gérant d’Axiom European Banks Equity, analyse les tendances de fond qui animent le secteur.
Comment expliquez-vous la forte progression boursière des valeurs bancaires européennes ?
Elle reflète la trajectoire de profitabilité du secteur, dont les profits ont été multipliés par trois depuis 2021. Ils ont été tirés par une conjugaison de plusieurs facteurs, en premier lieu la hausse des taux d’intérêt de ces dernières années, qui a permis la collecte de marges d’intermédiation importantes. Il est vrai que nous sommes désormais entrés dans une phase de baisse de taux, néanmoins le contexte demeure favorable aux établissements financiers. Cette baisse porte pour l’instant sur les taux courts, mais les taux longs demeurent inchangés. Les banques vont pouvoir profiter de la duration de leur bilan. Un phénomène positif qui n’est d’ailleurs pas encore reflété dans les cours de Bourse, ni dans les résultats des sociétés.
Cela ne crée-t-il pas une dépendance aux évolutions des courbes de taux ?
Le secteur bancaire est intéressant car il profite dans le même temps d’autres vecteurs de performance. Ainsi, après deux années atones, les volumes des dépôts bancaires des ménages sont en hausse. Les dépôts à vue, desquels les banques retirent les meilleures marges, ont ainsi vu leurs encours progresser de 5 % par rapport à l’année dernière. Les dépôts à terme, plus onéreux, qui ont triplé en volume entre 2022 et 2024, sont de nouveau en contraction. La collecte reprend également sur les placements, notamment en assurance-vie, du fait de la hausse des taux d’épargne. A cela s’ajoute une reprise des crédits immobiliers, dont la production revient sur des niveaux pré-hausse des taux, notamment en Espagne et aux Pays-Bas. Enfin, l’intelligence artificielle est aussi un facteur de gain de productivité qui va jouer positivement dans le futur.
Le secteur bancaire est également très sensible aux évolutions réglementaires. Vont-elles jouer en sa faveur ?
Tout à fait, les évolutions réglementaires devraient permettre aux banques d’accélérer la rotation de leur bilan. Un assouplissement portant sur la pondération des actifs risqués dans leur bilan devrait favoriser la reprise du marché de la titrisation en Europe – dans un cadre encore prudent et limité aux tranches seniors. Les banques pourront plus facilement vendre leurs prêts et ainsi libérer du capital pour financer leur croissance ou rétribuer les actionnaires. De plus, la Savings and Investments Union, héritière de la Capital Market Union, devrait permettre d’accélérer les investissements en Europe, en favorisant notamment les supports tels que le PEA ainsi que l’épargne par capitalisation. Les effets mettront du temps à se matérialiser, mais il s’agit d’une tendance porteuse sur le long terme.
Faut-il privilégier les banques de certains pays ?
Malgré un contexte politique et budgétaire sensible, la France est intéressante. Les banques françaises ont un certain retard et devraient bénéficier d’un effet de rattrapage boursier, alors que les effets bénéfiques des hausses de taux passées seront progressivement reflétés dans les revenus des prochaines années. La Pologne, avec un PIB en croissance de 3 % par an, est aussi très attractive. Liée à l’économie allemande, elle est bien placée pour profiter du plan d’investissement allemand. Le secteur se consolide, avec la fusion annoncée entre la deuxième banque, Pekao, et le premier assureur du pays, PZU.
Le secteur bancaire attire-t-il les investisseurs ?
C’est en tout cas ce qu’ils disent ! Beaucoup se sont positionnés pour profiter de la surperformance du secteur. Celui-ci s’échange à 9,0 fois les résultats, ce qui représente toujours une décote de 35 % par rapport au reste de la cote européenne. Historiquement, cela constitue aussi un niveau attractif, puisque la décote du secteur bancaire entre 2010 et 2020 a plutôt évolué autour de 25 %. Les investisseurs expliquent donc être exposés au secteur bancaire et manifestent un intérêt pour ces valeurs. Néanmoins, les chiffres montrent que la majorité des gestionnaires d’actifs sont encore sous-exposés. Nous pensons donc qu’il existe un important potentiel de rattrapage.