Le grand débat

Dettes privées - Les gérants déploient plus rapidement les capitaux levés

Publié le 22 septembre 2023 à 10h39

Sandra Sebag

La hausse des taux d’intérêt s’est accompagnée d’une diminution des opérations importantes en matière de dettes privées, et les fonds de capital-investissement comme les investisseurs affichent un certain attentisme. A contrario, les besoins des entreprises augmentent. Les gérants parviennent ainsi plus rapidement à déployer les capitaux déjà levés. De ce fait, ils restent optimistes sur la classe d’actifs qui ne subirait qu’un trou d’air et qui conserve par ailleurs ses attraits. Elle s’appuie en effet sur une structure à taux flottants et s’inscrit, chez la plupart des gérants, dans une approche conservatrice minimisant le levier. Ce contrôle des risques renforcé s’accompagne d’un accent mis sur l’intégration de l’analyse extra-financière.Pour l’industrie financière, l’utilisation d’indicateurs clefs dans les différents domaines du développement durable confère aux entreprises une plus grande solidité. Enfin, les réflexions des gérants et des compagnies d’assurance s’articulent autour de la création de produits semi-liquides à destination notamment de l’assurance vie.

Avec (de gauche à droite et de haut en bas) :

  • Raphaël Charon, directeur de l’origination, direct lending chez Fidelity ;  
  • Alexandre Millarini, responsable de l’activité de direct lending chez Muzinich ;
  • Sandrine Richard, responsable de la dette privée en charge des activités de dette corporate privée directe et indirecte de Generali Investments Partners S.p.A. Società di gestione del risparmio ;
  • Luc Deschamps, responsable de la gestion financière au sein du groupe MACSF

Quel est l’impact de la hausse des taux d’intérêt sur la classe d’actifs et quels rendements en attendre ?

Raphaël Charon, directeur de l’origination, direct lending chez Fidelity : Avec la hausse des taux d’intérêt, la capacité d’emprunt des entreprises a diminué. Nous constatons ainsi depuis un peu plus d’un an une baisse du niveau de levier (ou endettement) des entreprises. Paradoxalement, cette baisse a signifié le retour des banques sur ce marché car ces dernières disposent de contraintes en termes de levier. Par ailleurs, la conjoncture est plus difficile, les flux de trésorerie (ou cash-flows) de certaines entreprises se sont réduits, ce qui a conduit à une baisse des valorisations. De leur côté, les fonds de capital-investissement rechignent à vendre des actifs avec des décotes. Ils préfèrent prendre leur temps avant de les céder afin d’en obtenir un meilleur prix. Nous constatons de ce fait une baisse des opérations importantes sur les 10 à 12 derniers mois.

Alexandre Millarini, responsable de l’activité de direct lending chez Muzinich : Nous partageons ce constat de la baisse des volumes de transaction liée à la hausse des taux d’intérêt, mais également à l’incertitude macroéconomique. Il est vrai également que nous subissons une concurrence plus directe des établissements bancaires, qui étaient plus en retrait l’année dernière. Néanmoins, pour les investisseurs institutionnels, la dette privée affiche actuellement des propriétés toujours très intéressantes : les rendements ont augmenté, ils ont suivi l’évolution des taux d’intérêt, tandis que les actifs financés sont de qualité similaire voire meilleure. La dette privée bénéficie dans 95 % des cas de taux d’intérêt flottants qui permettent de préserver les marges et d’afficher des rendements attractifs. Il ne faut pas oublier qu’il y a encore quelques mois les taux d’intérêt étaient à zéro ou proches de zéro, le rendement équivalait donc uniquement à la marge généralement autour de 7 %. Actuellement, il se situe autour de 10 % voire au-delà car il intègre cette marge plus la hausse des taux d’intérêt. Cette classe d’actifs est donc attractive y compris vis-à-vis du segment noté High yield (HY) qui séduit de nombreux investisseurs. Nous essayons de démontrer aux investisseurs qui souhaitent arbitrer en faveur du high yield que la prime de risque historique sur la dette privée se maintient en moyenne à 4 %, pour un niveau de risque en diminution, grâce à un taux de défaut très bas. Les dossiers de financement dans l’unitranche portent sur des entreprises de qualité et avec moins de levier qu’auparavant.

Sandrine Richard, responsable de la dette privée en charge des activités de dette corporate privée directe et indirecte de Generali Investments Partners S.p.A. Società di gestione del risparmio : J’aimerais nuancer le constat du retour des banques. Nous observons, de notre côté, que les banques sont plutôt prudentes en matière de financement des entreprises. A contrario, le marché de la dette privée bénéficie d’une conjoncture favorable à travers une hausse des taux d’intérêt et une moindre concurrence des banques. Ces dernières sont en revanche plus ouvertes à monétiser des prêts qu’elles possèdent en portefeuille. Elles apportent ainsi des solutions à leurs clients via des partenariats notamment avec des fonds de dette. La comparaison entre taux d’intérêt fixes sur la dette notée HY ou investment grade (IG) et taux d’intérêt flottants est intéressante. Nous savons que les taux d’intérêt sont appelés à baisser dans les prochains mois, nous réfléchissons ainsi actuellement à la façon dont nous pourrions figer le niveau de taux d’intérêt actuels, malgré l’utilisation d’une structure de taux d’intérêt flottants. Plus généralement, en matière de conjoncture, nous n’avons pas identifié un secteur qui soit préservé vis-à-vis de la hausse des taux d’intérêt, de celle de l’inflation ou encore du ralentissement de la conjoncture économique. Nous sommes ainsi actuellement très prudents dans la sélection de projets.

Raphaël Charon : Concernant l’environnement concurrentiel, nous avons observé des opérations qui se sont faites sur la base de financements bancaires alors qu’il y a quelques mois encore les entreprises auraient plutôt eu tendance à privilégier un financement unitranche. Je rejoins aussi le constat de l’augmentation du nombre de partenariats entre les banques et les fonds de dette. Il existe ainsi beaucoup d’opportunités actuellement sur le marché et celles-ci s’inscrivent en effet dans le cadre de structurations plus conservatrices et avec moins de leviers. Le marché est donc très attractif : il offre plus de rendements et moins de risque. Du point de vue sectoriel, les activités liées à la consommation discrétionnaire qui pâtissent de la hausse de l’inflation nous semblent les moins attractives. Le marché se polarise entre d’une part des financements qui s’adressent à des entreprises de qualité et d’autre part, des financements en direction d’entreprises en restructuration et avec des niveaux de prime très élevés.

Raphaël Charon

Directeur de l’origination, direct lending chez Fidelity

Il existe beaucoup d’opportunités actuellement sur le marché et celles-ci s’inscrivent dans le cadre de structurations plus conservatrices et avec moins de levier. Le marché offre donc plus de rendement et moins de risques.

Parcours

Raphaël Charon a rejoint Fidelity International en avril 2022 en tant que directeur de l’origination pour l’équipe direct lending. Il cumule 20 ans d’expérience dans le domaine de la dette privée. Avant de rejoindre Fidelity, Raphaël était directeur leveraged finance de la Banque d’Irlande, où il a consacré 10 ans à fournir des solutions de dette à des entreprises détenues par des sponsors de private equity.

Chiffres clé

  • Effectifs dans l’expertise : 35 personnes.
  • Encours dans l’expertise : 2 milliards d’euros au 31/08/2023.
  • Historique de performance dans l’un des fonds phares : en phase de levée de fonds.
  • Philosophie d’investissement en quelques mots : la philosophie d’investissement de l’équipe est axée sur le long terme, en mettant l’accent sur la préservation du capital et sur la capacité à trouver et à réaliser des investissements dans le marché intermédiaire « core » (dans des sociétés avec un Ebitda compris entre 5 et 30 millions d’euros). Ce marché est une source d’alpha car il présente une dynamique concurrentielle attractive et procure un meilleur contrôle aux prêteurs. En raison de la croissance du marché, nous observons moins de concurrence sur ce segment. La plateforme de recherche mondiale de Fidelity est une autre composante majeure de la génération d’alpha du groupe car elle intègre plus de 500 professionnels de l’investissement.

Comment pouvez-vous figer les niveaux de rendement actuels ?

Sandrine Richard : Il existe plusieurs options possibles pour figer les taux d’intérêt. Les fonds de dette peuvent investir à taux d’intérêt fixes ou à taux d’intérêt variables. Ils peuvent en effet choisir la structure de financement, mais s’ils optent pour des taux d’intérêt fixes, ils sont alors exposés à un risque de duration. Il est également possible d’utiliser des swaps de taux d’intérêt ou de miser sur une rotation dans l’allocation d’actifs. Plus généralement, les fonds de capital-investissement comme les fonds de dette sont confrontés à une moindre liquidité. Cela les pousse à l’innovation. Elles portent par exemple sur des lignes de continuation qui sont apportées à des fonds de capital-investissement afin qu’ils puissent continuer à soutenir des entreprises détenues en portefeuille. Il y a également des lancements de fonds de titrisation de fonds de dette pour apporter une liquidité à des investisseurs qui ne seraient plus exposés ligne à ligne, mais uniquement sur la tranche « equity ». La hausse des taux d’intérêt conduit ainsi à un changement de paradigme et à une nouvelle forme de créativité qui n’est pas sans risque.

Comment réduire le risque en portefeuille ?

Sandrine Richard : Nous pouvons définir un niveau de levier maximum, mais cela n’est pas suffisant, il faut être attentif à l’ensemble des indicateurs des entreprises, comme les flux de trésorerie par exemple. Plus fondamentalement, la diversification est très importante. Les portefeuilles doivent intégrer un nombre de lignes suffisant et avec une exposition réduite à chacune. Les fonds de dette ont ainsi tendance à co-investir sur des titres unitranches pour réduire leur exposition. La diversification doit aussi porter sur les secteurs, la géographie, le type de financement (unitranche, senior, mezzanine, etc.).

Alexandre Millarini : Nous sommes historiquement prudents en termes de leviers, nous essayons de maintenir un niveau inférieur à 4.0x en moyenne dans l’ensemble de nos millésimes, ce qui est relativement modéré pour des fonds unitranches. Un des axes importants du contrôle des risques est effectivement la diversification. Nous sommes présents sur différents pays car la macroéconomie varie y compris au sein de la zone euro, ce qui se traduit par des évolutions différenciées en termes de flux et de valorisation. L’Allemagne et la France par exemple ont été très actives en termes de volume ces derniers mois, tandis que la Grande-Bretagne était plutôt en retrait. La diversification sectorielle est aussi importante même si en parallèle nous privilégions quelques secteurs qui nous apparaissent plus résilients comme la santé. Nos portefeuilles sont très diversifiés tant sur l’unitranche avec 30 lignes et plus par portefeuille, que sur notre stratégie de « parallel lending » aux côtés des banques, avec un objectif de plus de 100 lignes, chaque position représentant moins de 1 % du portefeuille.

Raphaël Charon : Nous évitons les secteurs B to C car ils peuvent pâtir de l’inflation. Nous privilégions les secteurs avec des contrats à long terme, des flux de trésorerie réguliers. Nous sommes aussi attentifs à la documentation, nous sommes plus exigeants en termes de covenants ou garanties. Le contrôle des niveaux de levier évoqués précédemment est également important.

Comment réagissent les investisseurs institutionnels à l’évolution de la classe d’actifs ?

Luc Deschamps, responsable de la gestion financière au sein du groupe MACSF : Nous sommes conscients des opportunités du moment, notamment en matière de fonds secondaires, ces derniers offrant des décotes de l’ordre de 10 %. Nous analysons ainsi actuellement quelques dossiers dans ce domaine afin de nous positionner sur ce type de stratégie. Par ailleurs, du fait de la hausse des taux d’intérêt et l’incertitude macroéconomique, nous sommes également sensibles au contrôle des risques, au niveau de levier des fonds, à la nécessaire diversification des portefeuilles… Nous apprécions la structure des taux d’intérêt variables qui permet actuellement de bénéficier de niveaux de rendement très élevés. Nous continuons ainsi à investir, mais de façon sélective. Mais nous sommes aussi contraints dans le cadre de nos allocations stratégiques. Nous sommes déjà très investis sur les actifs privés et notamment sur la dette privée et ne pouvons augmenter fortement nos allocations à ces actifs et investissons prioritairement dans des obligations cotées.

Raphaël Charon : Nous sommes dans un marché dans lequel l’incertitude macroéconomique a conduit les investisseurs institutionnels à retarder des décisions d’investissement. A cela s’ajoute un effet technique lié aux effets de seuil, c’est-à-dire que le pourcentage alloué aux actifs privés a augmenté mécaniquement en raison de la baisse de la valorisation des actifs traditionnels en 2022. Certains investisseurs ont ainsi atteint leur limite d’investissement dans la classe d’actifs. Les levées de fonds sont en retrait en volume par rapport à l’an dernier. Pourtant, la classe d’actifs conserve tout son intérêt pour les raisons précédemment évoquées : caractère plus défensif des fonds, hausse de la rémunération, etc.

Alexandre Millarini : Il est vrai que cet effet dénominateur à tendance à ralentir les investissements. De même, les investisseurs ont retrouvé de l’appétit pour les obligations souveraines. Il est tout de même intéressant de noter que les spécialistes constatent que la dette privée est restée très attractive au sein de la classe d’actifs alternatifs. Par ailleurs, si les levées ont été moins nombreuses, les besoins de financement des entreprises sont quant à eux en augmentation. Le déploiement des investissements a ainsi été plus rapide ces derniers mois. De notre côté, nous avons clôturé un fonds de 800 millions d’euros au mois de décembre dernier en Europe, de 500 millions de dollars en juillet en Asie sur la stratégie direct lending (unitranche), et sommes déjà repartis en levée de fonds en Europe et bientôt aux Etats-Unis car il existe des besoins importants de financement sur le marché.

Sandrine Richard : Nous constatons que les assureurs ont réduit leurs allocations aux actifs privés. Que se passera-t-il en 2024 ? Il est encore trop tôt pour le dire. Les premières discussions que nous avons avec les assureurs y compris les compagnies d’assurances du groupe Generali montrent que ces derniers ont toujours de l’appétit pour la classe d’actifs. Celle-ci se développe à travers le lancement de nouveaux produits et de fonds thématiques. Mais il est trop tôt pour faire des projections car les investisseurs s’interrogent encore sur l’évolution des taux d’intérêt. Sommes-nous sur un plateau ? Les taux d’intérêt peuvent-ils encore augmenter ? Les observateurs s’interrogent aussi sur les conséquences des difficultés potentielles rencontrées par les acteurs exposés à l’immobilier. Vont-ils devoir réduire leurs expositions aux actifs illiquides ? Nous considérons que nous nous situons dans un changement de paradigme. Nous avons donc lancé de nouvelles stratégies en matière de prêts directs, d’ABL (asset base lending) et de financement de situations spéciales.

L’assurance vie peut-elle constituer une source de diversification pour les sociétés de gestion ?

Alexandre Millarini : Nous observons cette tendance, elle est très positive et nous intéresse. Nous essayons de ce fait d’identifier des compagnies avec lesquelles initier un partenariat. Il est en effet nécessaire de collaborer avec une compagnie d’assurances pour structurer un fonds et avoir une garantie, en termes de liquidité notamment, ainsi qu’un accès à un réseau de distribution. Nous pouvons aussi nous appuyer sur les réformes réglementaires. Il existe une dynamique positive avec la réforme des fonds Eltif qui facilite l’accès des particuliers aux actifs illiquides. Indépendamment de cela, nous essayons de prendre en charge la clientèle des particuliers, via leur banque privée ou leur family office, à travers la mise en œuvre d’une stratégie semi-liquide. Nous allons lancer fin septembre un fonds perpétuel (evergreen) qui offre une certaine liquidité aux investisseurs qui répondent aux critères d’éligibilité.

Raphaël Charon : Nous menons actuellement les mêmes réflexions tant en matière de lancement de produits semi-liquides que de partenariats avec des compagnies d’assurances. Le développement d’un segment de marché semi-liquide est très positif. Nous nous intéressons aussi à la possibilité d’utiliser les fonds Eltif dans le cadre de produits dédiés à la retraite qui feraient la part belle aux actifs privés. Ces évolutions devraient permettre une augmentation des volumes de transaction sur les marchés européens.

Sandrine Richard : Les compagnies d’assurances du groupe Generali disposent d’unités de compte sur l’immobilier et les infrastructures. Nous menons actuellement une réflexion afin de lancer un produit investi sur la dette privée corporate, mais cela n’est pas si simple, même avec la réforme des fonds Eltif. Les compagnies d’assurances doivent garantir la liquidité et elles possèdent déjà des contraintes importantes dans ce domaine. Je partage par ailleurs bien évidemment le point de vue des autres gérants spécialisés, l’arrivée des particuliers sur ce marché permettra d’augmenter l’accès aux financements des entreprises et constitue une bonne nouvelle.

Luc Deschamps : Nous avons lancé en 2021 une unité de compte investie sur de la dette privée et qui est gérée par notre partenaire historique Tikehau, qui est l’un des pionniers de la dette privée en France. C’est l’un des premiers fonds purs en dette privée éligible à l’assurance vie qui a été lancé en France. Il est totalement liquide avec une valorisation qui est réalisée tous les 15 jours. Il s’agit d’un fonds perpétuel (evergreen) qui est accessible à partir de 200 euros. Il est investi sur des financements directs adressés à 80 % à des ETI (établissements de taille intermédiaire) français. Il permet ainsi de financer le tissu économique local. Cette solution, très innovante, reste encore inégalée sur le marché. Elle a rencontré un réel succès depuis son lancement il y a deux ans. Le fonds a atteint récemment les 450 millions d’euros d’encours et a été investi par 15 000 sociétaires. Lors du lancement, son objectif de performance était équivalent à deux fois celui de notre fonds en euro. Il a réussi à le réaliser puisque la performance nette 2022 était supérieure à 4 % et, depuis le début de l’année à fin août, la performance annualisée est supérieure à 6 %. Enfin, ce fonds est labellisé ISR et assure la promotion d’objectifs de développement durable.

Sandrine Richard

Responsable de la dette privée au sein de Generali Investments Partners, en charge des activités de dette corporate privée directe et indirecte

Nous considérons que l’intégration des critères ESG permet de réduire les risques en portefeuille et constitue aussi un outil de suivi des sociétés en portefeuille.

Parcours

Précédemment, Sandrine Richard a travaillé huit ans pour Muzinich, où elle a dirigé la stratégie européenne et française de dette senior, contribuant au lancement et à la gestion de fonds de dette privée intégrant des processus ESG. Auparavant, elle a occupé différents postes chez AXA Investment Managers pendant 10 ans, notamment à la tête de l’équipe d’investissement en dette privée, et a été analyste sell-side actions pendant sept ans, notamment chez Exane. Sandrine est titulaire des certifications Cesga (Certified Environmental, Social and Governance Analyst), CAIA (Chartered Alternative Investment Analyst) et SFAF (Société française des analystes financiers), en plus d’avoir obtenu un executive master administrateur indépendant de l’EM LYON, et un diplômé de l’Institut supérieur de gestion (ISG) Business School.

Chiffres clé

  • Effectifs dans l’expertise : 15 personnes à septembre 2023 au sein de l’activité corporate private debt.
  • Encours dans l’expertise et % des encours totaux : 7,53 milliards d’euros à fin juin 2023 représentant 1,5 % des encours totaux du groupe.
  • Historique de performance dans l’un des fonds phares : performance brute cible 7-9 % par an.
  • Philosophie d’investissement en quelques mots : sur l’activité « indirecte », la philosophie d’investissement repose sur une stratégie de « buy-and hold » investissant dans de larges fonds de dettes privées globaux offrant une diversification en termes d’instrument de dette, de taille d’émetteurs et de zones géographiques (les continents américains et européens, principalement). Sur l’activité « directe » en cours de développement, la philosophie d’investissement suivra une stratégie de « buy and hold » et aura vocation à proposer des instruments de dettes privées (dette senior, unitranche et mezzanine) pour accompagner les petites et moyennes entreprises européennes souhaitant s’engager sur des objectifs ESG.

L’intégration des facteurs ESG est-elle maintenant incontournable dans la dette privée ?

Sandrine Richard : Nous intégrons les critères ESG dans l’ensemble de nos fonds de dettes privées. Nous avons un fonds de fonds investis dans des fonds sélectionnés relevant a minima de l’article 8 du règlement SFDR (Sustainable Finance Disclosure Regulation) et qui suit les critères de sélection de la politique ESG de la société de gestion. Dans la partie « direct lending », les critères ESG font partie intégrante de notre sélection. Nous considérons qu’ils permettent de réduire les risques en portefeuille et constituent aussi un outil de suivi des sociétés en portefeuille. Ils leur permettent d’être plus robustes, plus pérennes. Nous avons ainsi constitué une équipe d’analyses ESG dédiée à l’activité de direct lending. Cette dernière intervient dès le process de sélection et jusqu’au remboursement de la dette à terme.

Alexandre Millarini : L’ESG devient maintenant un standard minimal. Tous les gérants intègrent les critères ESG, cela ne constitue plus un critère de différenciation, mais devient un prérequis. Nous disposons d’une équipe dédiée complètement indépendante des équipes d’investissement, dirigée par un spécialiste des thématiques ESG, ayant travaillé auparavant à l’ONU lors de l’élaboration des principes pour l’investissement responsable (PRI). Il possède un rôle de contrôle de nos investissements et adopte un point de vue critique. Nous le sollicitons régulièrement dès lors que nous avons des doutes sur un investissement, sur des pratiques. Tous nos fonds sont SFDR 8, cela implique d’être actif dans l’obtention d’informations et le suivi d’indicateurs. Nous devons collecter des informations et inciter les entreprises à s’équiper pour les rendre disponibles. L’intégration des critères ESG nous permet d’être plus présents auprès des entreprises, de les accompagner davantage. Nous associons un bonus à l’amélioration de certains indicateurs prédéfinis. Nous réduisons notre rémunération de 10 à 15 points de base en cas d’atteinte de certains objectifs ESG, ce qui incite les entreprises à s’améliorer.

Raphaël Charon : Notre approche est assez semblable. Nos fonds relèvent aussi de l’article 8 du règlement SFDR. Nous appliquons un système de scoring dont la méthodologie a été développée pour les entreprises cotées. Ce système de scoring est assorti d’objectifs dont le suivi est analysé. Pour nous, l’engagement est important : nous communiquons directement avec les équipes des fonds d’investissement et avec les managers afin de nous assurer qu’ils cherchent à atteindre les objectifs fixés, mais également afin de les accompagner, d’apporter des idées. Nous employons un collaborateur dont la mission est d’entretenir le dialogue avec les managers. Notre équipe d’analyse ESG comprend une trentaine de spécialistes sur ces enjeux. Nous prenons donc ce sujet très au sérieux car la partie ESG fait partie de l’analyse crédit. Les entreprises qui ne prennent pas en compte les aspects ESG sont plus à risque et a contrario, celles qui le font peuvent bénéficier d’un impact positif sur leur valorisation.

Luc Deschamps : Nous ne proposons aujourd’hui que des fonds article 8 et article 9 dans notre offre d’unités de compte dont des fonds thématiques. Concernant notre fonds de dette privée, Tikehau Financement Entreprises, nous mettons notamment en avant les objectifs du développement durable (ODD) auxquels nos sociétaires sont particulièrement sensibles, en particulier l’ODD santé et bien-être, la MACSF étant une mutuelle dédiée aux professionnels de santé ou encore l’ODD relatif à la lutte contre le réchauffement climatique.

Alexandre Millarini

Responsable de l’activité de direct lending chez Muzinich

Nous réduisons notre rémunération de 10 à 15 points de base en cas d’atteinte de certains objectifs ESG, ce qui incite les entreprises à s’améliorer.

Parcours

Alexandre Millarini, a rejoint l’équipe de dette privée à Paris en 2022 pour renforcer et diriger l’activité de direct lending en France. Il a précédemment travaillé chez LGT Private Debt en tant que directeur associé. Alexandre est titulaire d’un master en management de l’ESCP Europe et parle français, anglais, espagnol, italien et serbe.

Chiffres clé

  • Effectifs dans l’expertise dette privée : 43 professionnels de l’investissement dans le monde, dont 30 en Europe.
  • Encours dans l’expertise et % des encours totaux : 3,8 milliards de dollars US au 30 juin.
  • Historique de performance dans l’un des fonds phares : Muzinich Pan European Private Debt II fund (senior secured unitranche) : le fonds étant toujours en période d’investissement, il n’est pas possible de communiquer sur l’historique de performance, mais le TRI net est en ligne avec son objectif entre 7 et 9 %. A noter que le nouveau millésime en cours de levée de fonds, Muzinich Pan European Private Debt III, vise un TRI net entre 9 et 10 %.
  • Philosophie d’investissement en quelques mots : les stratégies de dette privée de Muzinich (direct lending senior secured unitranche ou parallel lending senior secured 1er rang) permettent aux investisseurs d’accéder à des opportunités d’investissement dans des petites et moyennes entreprises privées en Europe, au Royaume-Uni, en Asie-Pacifique et aux Etats-Unis. En tant que prêteurs directs, Muzinich travaille en étroite collaboration avec les entreprises détenues en portefeuille et recherche des entreprises intéressées par la croissance et l’expansion. La société de gestion se considère comme un partenaire de celles-ci et est en mesure de personnaliser ses solutions de prêt. Muzinich est également en capacité d’intégrer des considérations ESG dans les conditions du contrat de prêt.

Quels types d’indicateurs suivez-vous ?

Raphaël Charon : Nous cherchons à obtenir un engagement des emprunteurs en matière de mesure et réduction d’émissions carbone, de consommation d’eau et d’énergie. Il est important de s’assurer que les managements mettent en place des plans, s’attellent à publier des données et soient plus généralement conscients des enjeux liés au développement durable.

Alexandre Millarini : Les fonds qui relèvent de l’article 8 du règlement SFDR sont soumis à des obligations de reporting qui intègrent la publication d’indicateurs précis. En conséquence, nous devons accompagner les entreprises afin qu’elles publient des données détaillées relevant de la sphère ESG. Chaque manager et chaque entreprise doivent maintenant publier des indicateurs sur les émissions de carbone, la consommation d’eau, les déchets, etc. Ces indicateurs doivent être objectifs et pertinents. Nous proposons donc souvent aux entreprises de se faire accompagner par des consultants spécialisés.

Sandrine Richard : Nous souhaitons investir dans des entreprises qui mettent en place des indicateurs chiffrés. Il s’agit de définir avec elles des indicateurs pertinents, opérationnels qui puissent leur permettre de diminuer leurs risques et d’accroître leur valorisation. Les entreprises apprécient ce type d’approche. Nous mettons en place des incitations financières (tant pour l’émetteur que pour les prêteurs) liées à l’obtention de résultats extra-financiers.

Luc Deschamps

Responsable de la gestion financière au sein du groupe MACSF

Nous avons lancé en 2021 une unité de compte investie sur de la dette privée et gérée par notre partenaire historique Tikehau, qui est l’un des pionniers de la dette privée en France.

Parcours

Luc Deschamps est responsable de la délégation de gestion dans le cadre de l’actif général. Il est également chargé de la sélection et du suivi des unités de compte de l’assurance vie. Luc est entré à la MACSF en 2003 après cinq années comme gérant OPCVM chez Robeco Banque et Robeco Gestion. Il est diplômé de l’Université de Montpellier 1, titulaire d’une maîtrise d’économie et d’un DESS de finance.

Chiffrec clé

  • Effectifs dans l’expertise dette privée : 2 collaborateurs.
  • Encours dans l’expertise dette privée et % des encours totaux : 540 millions d’euros. 2 % de l’ensemble des actifs du groupe.
  • Historique de performance dans l’un des fonds phares de dette privée : performances de l’unité de compte : Tikehau Financement Entreprises 4,27 % en 2022 ; 4,52 % en 2023 au 8 septembre (soit 6,85 % en annualisé).
  • Philosophie d’investissement dette privée ESG en quelques mots : application de critères d’éligibilité extra-financiers stricts (secteur, alignement climat, fonds impact, classification SFDR). Application de critères de durabilité et des impacts concrets.

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