La guerre commerciale entamée par les Etats-Unis se traduit par une très forte volatilité sur les marchés actions et sur les produits de taux. Les mouvements enregistrés en Europe et aux Etats-Unis, parfois sur quelques heures, ont été impressionnants. Pour autant, le crédit résiste plutôt bien. Certes, les spreads sur les moins bonnes signatures se sont écartés, mais cela concerne plutôt les marchés américains et/ou certains fonds distressed. En Europe, la notation moyenne s’est améliorée ces dernières années et les fondamentaux des entreprises restent bons, même si une hausse des taux de défaut est attendue. De plus, le portage est relativement élevé avec des taux d’intérêt réels qui sont redevenus positifs. Pour évoquer les marchés obligataires (crédit et souverain) ainsi que les perspectives macroéconomiques et les évolutions à attendre dans les stratégies des banques centrales, le magazine Option Finance a réuni un panel d’experts en provenance de sociétés de gestion et d’un investisseur institutionnel.
- Changement de cap en Allemagne sur le budget, mise en place controversée d’une politique tarifaire aux Etats-Unis, comment interprétez-vous les évolutions macroéconomiques et quelles sont leurs incidences ?
- CDC données clés
- Quelles sont vos anticipations quant aux stratégies des banques centrales en Europe et aux Etats-Unis ?
- OFI Invest données clés
- Comment gérer des portefeuilles obligataires dans ce contexte de forte volatilité ?
- BNY Investments données clés
- Y a-t-il toujours un risque sur le souverain en France ?
- Ecofi données clés
- Pourriez-vous détailler les opportunités sur le marché du crédit ?
- Columbia Threadneedle données clés
- Les green bonds sont-ils toujours attractifs ?
Les intervenants :
- Violaine de Serrant, BNY Investments
- Pascal Coret, Caisse des dépôts
- David Jourdan, Ecofi
- Roman Gaiser, Columbia Threadneedle Investments
- Alban Tourrade, Ofi Invest AM
Photos : ©Taupinpord
Changement de cap en Allemagne sur le budget, mise en place controversée d’une politique tarifaire aux Etats-Unis, comment interprétez-vous les évolutions macroéconomiques et quelles sont leurs incidences ?
Roman Gaiser, head of fixed income, EMEA de Columbia Threadneedle : L’incertitude constitue ce qui caractérise le plus le contexte actuel aux Etats-Unis où la deuxième présidence de Donald Trump s’avère difficile à lire et à anticiper. Cette incertitude a un impact sur les entreprises qui manquent de clarté et ont du mal à établir une stratégie. Cela devrait se traduire par une diminution de la croissance. Ainsi le fonds monétaire international (FMI) a-t-il décidé d’abaisser ses prévisions de croissance. Nous nous attendons aussi à un ralentissement aux Etats-Unis, de quel niveau sera-t-il ? Il est difficile pour l’instant de le prévoir. Du côté de l’Allemagne, le mouvement est inverse. Un programme de dépenses de 1 000 milliards d’euros a été annoncé dans la défense et les infrastructures. Certes, il devrait courir sur 10 ans, son impact ne sera ainsi que progressif, mais il devrait être positif pour l’Allemagne et pour l’ensemble de l’Europe. Le grand changement en Allemagne concerne le « sentiment » des investisseurs, il redevient positif alors que ces dernières années, l’Allemagne était plutôt en difficulté avec un modèle économique remis en cause par la guerre en Ukraine et le conflit entre la Chine et les Etats-Unis. Les entreprises devraient avoir plus d’allant en Allemagne.
David Jourdan, directeur de la gestion crédit d’Ecofi : L’incertitude ambiante est en effet ce qui handicape le plus les marchés financiers et génère de l’attentisme. Les Etats-Unis semblent parfois se comporter comme les marchés émergents avec un mouvement à la hausse sur les taux d’intérêt et à la baisse sur la devise et les actions. Les forts mouvements consécutifs au « jour de la libération » se sont en partie résorbés, cependant les prévisions intègrent maintenant un ralentissement de l’économie. L’inflation devrait resurgir si les tarifs douaniers qui seront mis en place et conservés correspondent bien à ce qui avait été annoncé par l’administration de Donald Trump. En ce qui concerne l’Allemagne, le gouvernement est maintenant moins rétif à la dépense, ce qui devrait stimuler l’ensemble de la zone euro. C’est un facteur de soutien important pour l’économie européenne même si l’investissement va être lissé dans le temps. Dans une perspective de long terme, ces évolutions poussent à réfléchir à l’impact de ces changements sur la devise : le dollar va-t-il demeurer la devise de réserve internationale ? Son rôle peut-il être remis en cause ? Ces événements ne sont-ils pas de nature à entamer la confiance dans le dollar ?
Alban Tourrade, directeur de la gestion crédit chez Ofi Invest Asset Management (AM) : Il existe plusieurs scénarios macroéconomiques qui dépendent des décisions de l’administration américaine, mais celles-ci sont difficiles à prévoir en raison des nombreux revirements passés. Les entreprises ont, elles aussi, des difficultés à se positionner par rapport à un scénario central. Le point le plus important est peut-être celui sur l’inflation : celle-ci va-t-elle redémarrer ? A ce stade, il est encore trop tôt pour se prononcer, mais il est certain que la politique tarifaire américaine devrait peser sur la croissance. Par ailleurs, l’incertitude crée une forte volatilité sur les marchés financiers. La question de la place du dollar doit aussi être posée ainsi que celle de savoir qui sortira gagnant du bras de fer entamé entre la Chine et les Etats-Unis. Quel était le but initial de Donald Trump ? Va-t-il négocier des droits de douane a minima ? Si oui, les conséquences ne devraient alors peut-être pas être si dramatiques que cela.
CDC données clés
Pascal Coret, directeur adjoint du département gestion des placements, en charge des segments obligataires à la Caisse des dépôts
Pascal Coret, 60 ans, est diplômé de l’ESCP. Après un début de carrière en banque d’investissement puis à la direction financière du groupe Louis Dreyfus, Pascal Coret rejoint la filiale allemande de la Caisse des Dépôts à Francfort comme primary dealer sur la dette de l’Etat fédéral. De retour à Paris, il intègre le service de recherche économique de CDC-Marchés avant de rejoindre la gestion taux du compte propre de la Caisse des Dépôts, pour en prendre la tête en 2005. En juillet 2017, il devient responsable de la gestion taux du département des placements financiers. Depuis 2018, Pascal Coret est directeur adjoint du département gestion des placements, en charge des segments obligataires, au sein de la direction des gestions d’actifs à la Caisse des dépôts.
Effectifs dans la stratégie obligataire : l’équipe de la gestion taux intervient sur des deux bilans, celui du fonds d’épargne et celui de la section générale. Elle est composée d’environ vingt gérants/analystes.
Encours dans la stratégie obligataire et en % des encours totaux : l’encours total des portefeuilles de placements financiers de la CDC est de plus de 320 Md€. Les actifs gérés en direct représentent plus de 97 % des encours totaux. Les portefeuilles de taux représentent près de 80 % (260 Md€) de ces actifs.
Philosophie d’investissement en quelques mots : biais français (et européen), générer des revenus récurrents au travers d’une orientation à long terme des allocations, contribuer à l’adossement actif-passif des deux bilans, générer des externalités extra-financières par une politique d’investisseur responsable appliquée en permanence sur tous les portefeuilles.
Quelles sont vos anticipations quant aux stratégies des banques centrales en Europe et aux Etats-Unis ?
Violaine de Serrant, directrice France, Belgique et Luxembourg de BNY Investments : Cet environnement pose des défis aux banques centrales. Si une croissance européenne plus forte est la bienvenue, elle risque de s’accompagner d’une hausse de l’inflation, exacerbée par les droits de douane. Ce scénario devrait inciter la Banque centrale européenne (BCE) à adopter un rythme d’assouplissement plus progressif, avec un niveau de taux final plus élevé que prévu, mais il existe également un argument selon lequel l’incertitude mondiale accrue nécessite un peu plus de stimulus. Les marchés tablent actuellement sur deux à trois baisses de taux supplémentaires au cours des douze prochains mois. Après la réduction d’avril, une nouvelle réduction est attendue en juin ou juillet avant une pause pendant les mois d’été. Un récit similaire se retrouve au Royaume-Uni, où les marchés anticipent des baisses de taux en mai, août et septembre. Du côté des Etats-Unis, la Fed devrait être un peu plus attentiste en attendant d’estimer l’impact du choc tarifaire sur l’inflation à long terme. Nous nous attendons malgré tout à plusieurs baisses des taux d’intérêt dans les 12 prochains mois. L’élément déterminant sera l’évolution du marché de l’emploi. Si ce dernier montre des signes d’essoufflement, la Fed sera tentée de baisser les taux d’intérêt à court terme afin de soutenir la croissance.
Alban Tourrade : Les marchés anticipent trois à quatre baisses des taux d’intérêt aux Etats-Unis d’ici la fin de l’année. Nous estimons qu’elles pourraient être moins nombreuses, plutôt deux voire trois au maximum. L’inflation aux Etats-Unis n’est pas totalement contenue, même si la tendance est plutôt bonne. Toutefois, les chiffres de l’inflation à la suite de l’annonce de la hausse des droits de douane auraient d’ores et déjà augmenté. La Fed sera aussi attentive au marché de l’emploi. En Europe, les marchés anticipent trois baisses de taux d’intérêt d’ici la fin de l’année ; là encore, nous estimons que ce nombre semble excessif. De notre point de vue, il ne devrait se produire qu’une seule baisse des taux d’intérêt dans la zone euro, voire deux au maximum.
David Jourdan : Nous considérons que la Banque centrale européenne (BCE) devrait, comme cela est intégré dans les prix de marché, engager une nouvelle diminution des taux d’intérêt avant l’été. En revanche, il n’est pas évident, à ce jour, qu’elle diminue encore les taux d’intérêt durant la seconde partie de l’année. Nous tablons ainsi sur une seule baisse d’ici décembre voire plus selon les conditions économiques. Aux Etats-Unis, la Fed fait face à un dilemme entre le marché de l’emploi et les données d’inflation. A terme, la préoccupation emploi devrait, selon nous, l’emporter. Nous anticipons donc trois baisses de taux d’intérêt d’ici la fin de l’année. La prochaine baisse ne devrait pas intervenir après la réunion du mois de mai. Quoi qu’il en soit, l’incertitude est grande quant à la politique économique américaine et aux desiderata de Donald Trump.
Pascal Coret, directeur adjoint du département gestion des placements, en charge des segments obligataires à la Caisse des dépôts : Certains sur le marché anticipent et même certains à la BCE évoquent une baisse des taux d’intérêt de cinquante points de base ! On se demande sur quoi se fonde une telle anticipation. La BCE n’a pas vraiment d’urgence à agir. Malgré le climat d’incertitude, baisser en une fois de 50 points refléterait un degré d’inquiétude qui ne paraît pas justifié. Pour autant, la croissance européenne, déjà faible, va subir un ralentissement lié à la hausse des droits de douane américains. Quantifier ce ralentissement n’est pas tâche aisée, de même que son impact – à la baisse – sur le niveau des prix. Notons que la hausse de l’euro contre le dollar et la baisse des prix du pétrole en dollar aboutissent à une significative baisse du coût de l’énergie en euro qui devrait tirer l’inflation à la baisse. Dans ce contexte, la BCE pourra probablement annoncer prochainement une réduction de ses taux d’intérêt de 25 points de base, mais par la suite ne pas nécessairement suivre un rythme aussi fort et rapide qu’anticipé par le marché. Aux Etats-Unis, la croissance est bonne, elle a été à + 2,5 % en moyenne chaque trimestre de 2024, le socle de croissance reste solide, surtout avec un taux de chômage restant bas à 4,2 %. Le risque est celui d’un choc stagflationniste, qui serait problématique pour la Fed (Banque centrale américaine). Mais de façon plus importante que sur les taux des Fed funds, l’attention doit se porter sur les taux longs, ce que l’administration Trump a d’ailleurs bien compris. Le message du marché des Treasuries (bons du Trésor) a été clair, et reçu cinq sur cinq par l’exécutif américain le jour où le taux à 10 ans a grimpé de 25 points de base en quelques heures : la nouvelle politique commerciale doit être modérée. Et Donald Trump a annoncé dans la foulée un délai de 90 jours à la mise en place des droits de douane. Le risque reste celui de nouvelles tensions sur les taux longs soit à cause d’une Fed trop accommodante soit à cause d’une agressive politique commerciale et/ou budgétaire.
Roman Gaiser : La vraie question est de savoir si la hausse attendue de l’inflation aux Etats-Unis est transitoire ou non. Si la hausse des tarifs douaniers a un effet multiplicateur sur les prix, alors elle ne sera pas transitoire. Ce terme a été utilisé en 2022 et il est important car il y va de la crédibilité de la Fed de parvenir à estimer sans se tromper si l’inflation est transitoire ou durable. Cette analyse n’est pas évidente car les données sont contradictoires.
Pascal Coret : C’est vrai que la volatilité et la rapidité des mouvements ont été très impressionnantes, sans toutefois que les taux d’intérêt n’atteignent de nouveaux plus hauts. C’est aussi le cas en Allemagne où la forte hausse des taux, après l’annonce d’une augmentation radicale des dépenses, s’est rapidement résorbée, la dette allemande bénéficiant d’un regain d’intérêt au détriment de la dette américaine. Ainsi l’Allemagne se refinance au même niveau qu’avant la réforme budgétaire ! En parallèle, le mouvement généralisé de baisse du dollar est très clair. Aux Etats-Unis, les « break-even » qui reflètent les anticipations d’inflation montrent que le marché n’estime pas que le choc inflationniste lié aux droits de douane est durable et que l’effet négatif de ces derniers sur la croissance sera sensible.
David Jourdan : L’inflation demeure une préoccupation centrale pour les ménages. La baisse des cours du pétrole et la hausse de l’euro facilitent la prise de décision pour la BCE. L’issue des négociations commerciales demeure cependant le facteur déterminant pour envisager des baisses de taux supplémentaires.
Roman Gaiser : Les sorties de capitaux des Etats-Unis sont importantes et expliquent la baisse du dollar. Pourtant, sommes-nous au début d’un changement structurel sur les devises ? Va-t-on passer d’un marché acheteur sur le dollar à un marché vendeur ?
OFI Invest données clés
Alban Tourrade, directeur de la gestion crédit chez Ofi Invest Asset Management
Alban a débuté sa carrière en 2000 en tant qu’analyste crédit sell-side jusqu’en 2007 (Fortis Bank puis Natixis). En 2007, il rejoint le secteur de l’asset management en tant qu’analyste crédit chez Fortis Investment, puis chez Aviva Investors France où il est nommé gérant crédit en 2010. Il prend la responsabilité de la gestion crédit en 2015 chez Aviva Investors France devenu depuis Ofi Invest Asset Management. Alban est titulaire d’un master en finance de l’Université de Cergy-Pontoise, d’un master spécialisé en techniques financières de l’Essec et du diplôme de la SFAF.
Effectifs dans l’expertise gestion obligataire : 13 gérants (6 taux et 7 crédit), 2 gérants obligations convertibles, 14 analystes crédit.
Encours sous gestion dans la gestion obligataire et % des encours totaux : 114,6 milliards d’euros, soit 64,4 % des encours d’Ofi Invest Asset Management (à fin 2024)
Philosophie d’investissement en quelques mots : nos équipes possèdent une expertise historique dans la gestion obligataire, couvrant l’ensemble du spectre des investissements. Nous offrons une gamme variée d’OPC obligataires, qu’ils soient benchmarkés, flexibles ou encore de portage. Nous proposons également des solutions de gestion sur mesure sous mandat sur l’ensemble du segment obligataire, ainsi que des stratégies d’overlay sophistiquées. Ces stratégies prennent en compte les critères ESG, notamment via l’exclusion des secteurs ou acteurs les moins vertueux, un suivi des valeurs via une notation ESG propriétaire et qualitative, le vote et l’engagement afin de faire évoluer des pratiques et la transparence, etc.
Comment gérer des portefeuilles obligataires dans ce contexte de forte volatilité ?
Alban Tourrade : Quand il se produit un événement choc comme l’annonce du plan de relance allemand ou le « jour de la libération », le mieux est de ne pas agir dans la précipitation et cela d’autant plus que le marché obligataire est un marché de gré à gré dans lequel les coûts de transaction augmentent fortement si la liquidité est moindre. Il est préférable de prendre le temps d’analyser la situation. Pour autant, la volatilité crée des opportunités. A titre d’exemple, nous possédons des fonds de performance absolue qui sont flexibles et qui ont été conçus pour tirer profit de la volatilité. Les gérants spécialisés dans le crédit peuvent aussi utiliser des indices « cross-over » (à la frontière entre plusieurs notations) et des produits dérivés dans leurs fonds afin de générer de la performance. En ce qui nous concerne, au paroxysme de l’écartement des spreads de crédit en avril dernier, nous avons estimé que les niveaux des indices dérivés anticipaient un taux de défaut trop élevé, par conséquent, nous avons vendu tactiquement de la protection afin de créer de la valeur. Il est également possible de jouer sur la duration. Lorsque les taux allemands ont fortement augmenté, il nous semblait probable que cette situation ne serait pas tenable pour beaucoup de pays de la zone euro. Nous anticipions ainsi un retour progressif à la normale et dans ce cas-là, il était pertinent d’augmenter la duration, ce qui permettait de profiter de la baisse des taux d’intérêt. Nous opérons des mouvements tactiques, mais nous sommes avant tout des créanciers, si nous considérons que les émetteurs peuvent nous rembourser, il n’y a pas de raison de modifier radicalement notre allocation.
David Jourdan : Il est difficile de gérer des mouvements brutaux, il vaut mieux ne pas réagir au cœur de la bataille. Concernant les stratégies notées investment grade, le contexte économique devenant plus difficile, cela ne plaide pas pour la prise de risque et la sélection des moins bonnes notations. Certes, nous constatons un repricing sur les tranches les plus risquées et notamment sur les tranches high yield, mais si la conjoncture économique se dégrade véritablement, alors les taux de défaut devraient augmenter. Le risque sur les moins bonnes signatures n’est donc pas suffisamment rémunéré. Nous adoptons donc une attitude prudente. D’ailleurs, cette approche nous caractérise depuis plusieurs mois. Cela se traduit aussi par une incidence sur les choix sectoriels. Nous sommes ainsi très surpondérés sur les financières qui constituent une partie significative du segment investment grade. Pour les autres secteurs, nous regardons avec attention les émetteurs exposés à une dégradation de la conjoncture et/ou à une hausse des droits de douane. Parmi ceux-ci figure bien évidemment le secteur automobile. D’un point de vue macroéconomique, malgré notre prudence, nous n’anticipons pas une hausse très conséquente des taux de défaut en Europe. Enfin sur le souverain, il peut être intéressant de mettre en place des stratégies d’arbitrage entre les signatures européennes lors des périodes de stress, notamment entre l’Italie et la France.
Roman Gaiser : Il est difficile actuellement de faire des paris compte tenu de la volatilité et des mouvements abrupts enregistrés sur les taux d’intérêt. Si l’on considère le 10 ans américain sur l’ensemble de l’année 2023, la progression a été de seulement 1 point de base, mais la volatilité a été très forte tout au long de l’année. Dans nos stratégies de taux, nous essayons de jouer les mouvements de dislocation (lorsque les mouvements sont exagérés) de façon tactique. Nous pouvons aussi réaliser des transactions entre les courbes, entre le sterling et le dollar australien par exemple et généralement sur des paires de souverains moins centraux que la relation euro/dollar afin de générer de la performance. Nous réalisons aussi des arbitrages sur la courbe des taux d’intérêt. Nous incitons les investisseurs institutionnels dans le cadre de nos mandats à nous donner plus de flexibilité pour réaliser ce type de transaction à travers des dérivés, des CDS. Par ailleurs, nous n’avons pas évoqué le fait que les obligations sont devenues plus intéressantes ces dernières années grâce à la hausse des taux d’intérêt car elles offrent à nouveau du rendement. Les taux réels positifs sont aussi de retour, ce qui très favorable pour la classe d’actifs. Les investisseurs doivent ainsi estimer s’ils ont suffisamment d’obligations dans leur portefeuille et sinon augmenter leur exposition.
Violaine de Serrant : Cela fait apparaître des opportunités d’investissement intéressantes, mais cela nécessite aussi de réaliser une sélection précise pour en profiter. Le bond picking est d’autant plus indispensable. En ce qui nous concerne, dans les fonds crédit noté investment grade, nous n’allons pas pratiquer une stratégie de trading permanente car sur les marchés obligataires, il y a trop de frais de frottement. En revanche, il est possible d’utiliser les CDS (produits dérivés) pour tirer profit de la volatilité ou pour arbitrer des papiers en euro entre le marché domestique et le marché américain car l’écartement des spreads y est plus important. Nous pourrions encore multiplier les exemples de stratégies qui permettent de tirer profit de la volatilité. Comme vous l’avez souligné précédemment, les marchés obligataires sont redevenus attractifs. Selon nous, en adoptant une approche mondiale, les investisseurs peuvent accéder plus aisément à certains secteurs spécifiques et améliorer leur diversification, tout en bénéficiant d’opportunités de valeur relative. Les marchés régionaux varient en termes de rendements, de spreads et de sensibilité aux taux d’intérêt, sous l’effet de différents facteurs sous-jacents, macroéconomiques et de marché. Nous mettons aussi en avant les fonds à performance absolue car il s’agit de solutions véritablement décorrélées des marchés obligataires et qui intègrent de très nombreuses classes d’actifs sur lesquels il est possible de prendre des positions longues et courtes. Ils nous semblent plus adéquats que les fonds flexibles obligataires directionnels dont les performances ont pu être affectées en 2022 par la hausse des taux d’intérêt, et ce même s’il est vrai que les fonds de performance absolue ressemblent parfois un peu à des « boîtes noires » et qu’il est nécessaire de faire de la pédagogie auprès de la clientèle.
Alban Tourrade : Nos clients conseillers en gestion de patrimoine (CGP) et courtiers portent une attention bien légitime à la performance des supports qu’ils conseillent. Le fait de posséder une gamme obligataire variée est un atout dans le contexte de volatilité actuel car cela nous permet de proposer différentes stratégies à nos clients. Ces trois dernières années, nous avons mis en avant les fonds de portage obligataires auprès de nos partenaires. Depuis quelques mois, nous privilégions les fonds crédit flexibles qui nous donnent une latitude de gestion plus pertinente dans les marchés que nous connaissons actuellement. Pour notre clientèle institutionnelle qui préfère souvent construire ses propres allocations obligataires, nous proposons une gestion plus benchmarkée notamment sur le high yield, mais également du sur-mesure de type overlay qui leur permet par exemple de piloter leur duration selon leurs contraintes.
Pascal Coret : La CDC est avant tout un investisseur de long terme avec une approche buy-and-hold affirmée et avec un biais orienté vers la France. Notre positionnement ne nous empêche pas d’être agiles si par exemple des épisodes de forte volatilité aboutissent à des valorisations « aberrantes ». Tel n’a pas été le cas partout lors de l’épisode récent très chahuté : les spreads du segment investment grade par exemple ne se sont élargis que de seulement 20 points de base avant de revenir presque sur leur niveau antérieur. Par ailleurs, quand la volatilité augmente, le marché primaire se ferme, or nous nous intervenons principalement sur ce marché. La dette high yield pour le coup peut présenter des opportunités, surtout si ses rendements étaient amenés à se retendre, ce qui pourrait bien être le cas si les actions décrochent fortement. Parmi les opportunités du moment figure également le niveau des taux réels qui sont significativement positifs : les OAT indexées longues offrent des taux d’intérêt réels proches de 1,5 %, un niveau historiquement élevé, à comparer au PIB potentiel de la France, estimé proche de 1 %.
BNY Investments données clés
Violaine de Serrant, directrice France, Belgique et Luxembourg de BNY Investments
Violaine de Serrant est directrice France, Belgique et Luxembourg de BNY Investments. Elle a rejoint BNY en 2014, en charge de la clientèle wholesale pour la France, la Belgique et le Luxembourg. Violaine a plus de deux décennies d’expérience dans l’industrie. Auparavant, elle a occupé un poste de directrice chez UBS Wealth Management et des postes de vente chez M&G et Rothschild et Cie Banque. Violaine a débuté sa carrière en tant que cash equity sales chez Deutsche Bank France et ABN Amro. Elle est titulaire d’un master de la London School of Economics, a étudié les sciences politiques et les relations internationales à l’Université catholique de Louvain et dispose d’une licence en économie de l’Université libre de Bruxelles.
Effectifs dans l’expertise gestion obligataire : Insight Investment, boutique de BNY Investments spécialisée sur l’obligataire, comprend 275 professionnels de l’investissement spécialisés en gestion obligataire et en solutions de risques.
Encours sous gestion dans la gestion obligataire et % des encours totaux : gestion obligataire active : 234 Md$ soit 30 % des encours d’Insight Investment, la société d’investissement de BNY spécialiste de l’obligataire. Le reste des encours d’Insight est principalement du LDI et de la gestion overlay (données au 31/03/2025).
Performance de l’un des fonds phares : BNY Mellon Global Short-Dated High Yield Bond Fund, performance de la part couverte en euro depuis le début de l’année au 30 avril 2025 : 1,70 %, et sur un an : 7,20 %.
Philosophie d’investissement en quelques mots : l’équipe de gestion cherche à offrir aux investisseurs à travers le fonds BNY Mellon Global Short-Dated High Yield Bond Fund une exposition internationale gérée activement à des obligations à haut rendement à duration courte. Conçue pour offrir une volatilité plus faible que le haut rendement et être plus résiliente dans un contexte de ralentissement économique, cette approche à duration courte est plus conservatrice en raison d’une meilleure visibilité sur la capacité d’une entreprise à rembourser ou refinancer sa dette dans un horizon de temps de deux à trois ans.
Y a-t-il toujours un risque sur le souverain en France ?
Pascal Coret : Le marché accueille favorablement les annonces du gouvernement français qui envisage des baisses substantielles dans les dépenses publiques. Bercy affiche une réelle volonté d’agir dans ce sens.
Roman Gaiser : Les évolutions des deux côtés de l’Atlantique plaident pour un renforcement de l’intégration européenne. L’union des marchés de capitaux doit progresser et faciliter la vie des entreprises.
Pascal Coret : L’Europe et plus généralement les économies occidentales ont notamment été bâties depuis 1945 sur le multilatéralisme, le libre-échange et la « rule of law ». Ce modèle est bouleversé par les Etats-Unis, cela doit être une opportunité pour l’Europe qui doit de son côté renforcer son système financier pour offrir une alternative solide au dollar. Le poids du marché de la dette des principales économies européennes n’est toutefois pas suffisant à lui seul pour se substituer à la dette américaine. Un marché étendu de la dette de l’UE est une option intéressante, mais qui ne garantit pas pour autant une profondeur suffisante face au dollar.
Roman Gaiser : La question de l’actif de référence se pose. Le dollar est la monnaie de réserve et de référence depuis la seconde guerre mondiale. Certes, une érosion a été amorcée au moment du lancement de l’euro, mais il reste dominant. Nous pensons que la part de dollar dans les réserves internationales va continuer à diminuer, mais il ne devrait pas y avoir une seule monnaie qui va le remplacer, il y en aura plusieurs.
Pascal Coret : Il existe un déficit courant aux Etats-Unis et un excédent au Japon et en Europe, l’Europe doit conserver son excédent d’épargne et l’investir localement. Pour cela, le rendement doit être suffisamment attractif. La redomestication de l’épargne européenne est un vrai sujet.
David Jourdan : Elle est au cœur du rapport Draghi qui a été publié l’an dernier et qui a mis l’accent sur les problèmes structurels de l’Europe. Il met en évidence les faiblesses européennes qu’il faut impérativement dépasser. La Commission européenne et les acteurs privés doivent s’y atteler.
Ecofi données clés
David Jourdan, directeur de la gestion crédit d’Ecofi
David démarre sa carrière en tant que chargé d’études au sein du Groupe JP Morgan, avant de rejoindre CPR, tout d’abord comme chargé de mission auprès de l’inspection générale puis comme analyste des risques de crédit et de contrepartie, et enfin en tant que gérant/analyste obligations privées. En 2000, David rejoint l’équipe d’origination de produits structurés chez HSBC CCF Investment Bank France. Quatre ans plus tard, il intègre les équipes d’Ecofi en qualité de gérant obligataire avant de devenir directeur de la gestion crédit.
Effectifs dans l’expertise gestion obligataire : 6
Encours sous gestion dans la gestion obligataire et % des encours totaux : 1 483 M€ (18 % des encours totaux).
Performance de l’un des fonds phares : Ecofi Credit Short Duration, performances sur trois mois à fin février : + 1,2 % et sur un an : 5,23 %.
Philosophie d’investissement en quelques mots : Ecofi Credit Short Duration est un fonds ISR spécialisé dans la mise en œuvre de stratégies d’arbitrage sur supports obligataires. Son objectif est de dynamiser sa trésorerie longue (objectif €STR + 0,75 %), de construire un portefeuille diversifié offrant un taux de portage attractif en s’appuyant sur des supports obligataires en euros multiples. Il bénéficie d’une analyse crédit rigoureuse, d’une gestion dynamique et d’une sélection des valeurs selon les enjeux environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) avec notre méthodologie propriétaire extra-financière PRISME.
Pourriez-vous détailler les opportunités sur le marché du crédit ?
Violaine de Serrant : Aujourd’hui le crédit investment grade européen offre un rendement attractif de 3,20 %. A partir de 3 %, les acheteurs naturels que sont les investisseurs institutionnels se positionnent sur la classe d’actifs. Nous avons aussi constaté des réallocations d’investisseurs qui réduisaient leur position sur les marchés américains au profit des marchés européens. Nous considérons que le marché est attractif tant que nous ne nous situons pas dans un schéma de récession. Les émissions financières devraient de leur côté bénéficier de la déréglementation aux Etats-Unis qui pourrait avoir un impact positif sur le secteur bancaire européen. Nous sommes aussi constructifs sur le secteur des services aux collectivités, qui se démarque. Les émissions y sont nombreuses, car les sociétés sont confrontées au financement de la transition énergétique et doivent contribuer à remplir l’objectif de souveraineté énergétique des pays européens. Concernant le segment noté high yield, nous avons pu d’un côté noter les réallocations d’investisseurs institutionnels qui ont souhaité se repositionner sur la classe d’actifs, considérant qu’il s’agit d’un bon point d’entrée, et à l’inverse quelques gestions privées ont décidé de réduire le risque crédit de leurs portefeuilles à la suite des annonces de Trump. En ce qui nous concerne, nous privilégions une approche à duration courte sur le high yield afin de mieux appréhender le risque de crédit sur un horizon de temps d’un à trois ans maximum, ce qui permet néanmoins d’obtenir encore des rendements attractifs de 5,75 % en euro. Selon nous, le segment high yield nous semble moins risqué que par le passé avec des entreprises qui, à la suite des différentes crises traversées, ont mis en place des processus leur permettant d’améliorer leur résilience dans les périodes les plus compliquées. Nous avons vu une nette amélioration de la qualité de crédit moyenne de ces marchés avec 66 % du marché européen et 50 % du marché américain notés BB fin 2024.
Roman Gaiser : Sur le high yield, nous constatons une dispersion notamment aux Etats-Unis. Après les annonces de hausse des droits de douane, les entreprises notées triple C ont sous-performé les titres notés double B. Ce déphasage exprime une crainte de récession. L’incertitude macroéconomique touche de nombreux secteurs dont l’automobile. Pour autant, ce secteur est peu endetté, nous envisageons ainsi qu’au pire, il soit obligé de se refinancer à un coût supérieur, mais il est difficile d’envisager une hausse importante des défauts. Il important de gérer activement le risque en fonction des fondamentaux.
Alban Tourrade : Nous avons du mal à ne pas être constructifs sur le crédit, qu’il s’agisse du crédit investment grade ou du high yield. Sur la composante spreads, nous sommes en dessous des niveaux historiques, donc nous pouvons considérer que ces segments sont un peu chers. Cependant, le portage reste attractif. Avec des titres avec un rendement à 3,2 % pour une duration de 4,5 ans sur les notations investment grade, le risque est selon nous toujours bien rémunéré. Sur le high yield, les rendements sont autour de 6 % avec une duration de trois ans, là encore le risque nous semble bien rémunéré : même en cas d’écartement des spreads, le portage embarqué reste protecteur. Nous constatons par ailleurs que les entreprises en difficulté commencent à renégocier les conditions de leur crédit en amont d’être en défaut et cela permet aussi de protéger l’investisseur. Par conséquent, nous observons des événements de crédit, mais pas de défaut. Enfin, il est vrai comme vous l’avez évoqué que les notations triple C se sont bien écartées en avril, toutefois, ces titres ne sont pas plébiscités par des fonds high yield classiques, mais plutôt par des fonds distressed.
Violaine de Serrant : Le marché du high yield est maintenant plus solide car de nombreuses entreprises qui faisaient précédemment appel à ce marché se financent désormais sur les marchés privés qui sont capables de leur offrir des solutions sur mesure leur permettant de faire face à des situations financières complexes ou tendues.
David Jourdan : La baisse continue des taux d’intérêt devrait aussi entraîner des réallocations du monétaire vers l’obligataire. L’an dernier, beaucoup d’investisseurs sont restés peu actifs car ils pouvaient placer des fonds sur du monétaire avec un rendement attractif. Avec des taux d’intérêt qui vont baisser jusqu’à 2 % voire moins, les flux vont revenir vers l’obligataire.
Columbia Threadneedle données clés
Roman Gaiser, head of fixed income EMEA and high yield EMEA
Roman a rejoint Columbia Threadneedle Investments en 2018. Basé à Londres, il est responsable de la gestion fixed income et high yield EMEA et gérant des portefeuilles high yield. Il possède plus de 28 ans d’expérience dans les obligations d’entreprises européennes et plus de 25 ans d’expérience dans la gestion de portefeuilles high yield européens. Il a rejoint Columbia Threadneedle Investments et l’équipe high yield en 2018, après avoir travaillé chez Columbia Threadneedle Investments en tant que gérant de portefeuille high yield entre 2005 et 2011. Entre 2011 et 2018, il a été responsable du high yield chez Pictet Asset Management, où il était en charge des stratégies European High Yield et European Short Term High Yield Bond. Précédemment, il a exercé comme gérant de portefeuille au sein de F&C à Londres et comme analyste pour Bankgesellschaft à Berlin.
Effectifs de l’équipe obligataire à fin décembre 2024 : 144 collaborateurs dans le monde.
Encours sous gestion dans la classe d’actifs à fin décembre 2024 : 238 milliards d’euros soit 38 % des encours sous gestion globaux.
Performance de l’un des fonds phares : CT (Lux) European High Yield Bond. Performance brute sur un an à fin décembre 2024 en euro : 8,3 %
Philosophie d’investissement du fonds : l’approche est influencée par le risque de perte en capital permanente et l’asymétrie des rendements potentiels inhérente à l’investissement dans le crédit corporate. La société de gestion considère que la plus grande source d’alpha à long terme est la sélection des émetteurs et des titres ainsi que le fait d’éviter des pertes en capital importantes. C’est pourquoi son processus d’investissement est fondé sur un solide processus de recherche fondamentale crédit dirigé par des analystes. A certains moments du cycle de crédit, des considérations top-down peuvent également être un moteur important de la performance. Elle exploite ces opportunités grâce à son processus de construction de portefeuille top-down dirigé par les gérants.
Les green bonds sont-ils toujours attractifs ?
Violaine de Serrant : Nous avons certes observé un certain repli réglementaire en matière d’ESG (prise en compte des critères extra-financiers par les produits financiers) et un désintérêt aussi du côté des Etats-Unis avec les annonces de l’administration Trump notamment. Les émissions de « green bonds » ont diminué ces derniers mois, représentant 17 % aujourd’hui contre 25 % il y a six mois. Cela a un impact sur le « greenium » ou prime associée aux obligations vertes. Il y a quelques années, l’investisseur recevait moins de spreads lorsqu’il investissait sur ce type d’émission par rapport aux obligations classiques. Aujourd’hui, il n’y a pas de différence et parfois dans les secteurs où il y a un volume d’émissions importants, la prime redevient plus importante que sur les marchés classiques. Il s’agit aussi d’une conséquence de l’« ESG-bashing » (ou remise en cause de l’ESG). Toutefois l’intérêt des investisseurs en Europe pour les « green » et « social bonds » ne se dément pas car ils apprécient la transparence que cela procure aux projets financés par émission obligataire ainsi que sur les objectifs de durabilité.
David Jourdan : Ce mouvement de « défiance » vis-à-vis de l’ESG devrait s’estomper car certaines gestions institutionnelles sont contraintes de détenir ce type d’instruments et surtout, les enjeux ESG n’ont pas disparu, il y a une vraie réalité même si des discours climatosceptiques persistent. Il est vrai que l’offre en matière de green bonds a beaucoup augmenté ces dernières années et est devenue plus diversifiée. Il est donc logique que le rendement s’ajuste et devienne similaire à celui des obligations classiques de même notation. Pour un investisseur institutionnel, à prix égal, il préférera toujours un green bond ou un social bond car même si l’image de marque de l’ISR est moins en vogue, la gestion s’inscrit dans le temps long. Les investisseurs institutionnels ne souhaitent pas se départir de leur stratégie ESG et climat qui a été mise en place dans une optique de long terme. Chez Ecofi, nous continuerons à investir dans les sociétés qui prennent en compte les risques ESG pour répondre aux grands défis de notre temps.
Pascal Coret : Et ce d’autant plus s’il y a même un intérêt financier à investir sur les green bonds ou social bonds qui sont devenus peu chers. Notre portefeuille de bonds ESG avoisine les 20 milliards d’euros et nous le renforçons chaque année ; nous soutenons également l’émergence de nouveaux segments de marché comme les obligations à coupon de partage (OCP), produit innovant auquel nous avons déjà souscrit à deux reprises.
Alban Tourrade : Chez Ofi Invest AM, nous sommes très favorables à la résurgence du marché du green bond, qui garde tout son sens pour les investisseurs obligataires européens. Nous souhaiterions qu’il s’agrandisse et se diversifie avec le développement des « sustainability-linked bonds ». En effet, à ce stade, le marché du green bond s’articule essentiellement autour de quatre secteurs : les financières, les services aux collectivités locales, l’immobilier et les télécommunications, ce qui limite quelque peu son expansion.
Violaine de Serrant : Nous sommes sur un segment qui reste très dynamique. Les projets peuvent se décliner sur l’environnement, le social, mais aussi l’eau (blue bonds) ou encore des activités très spécifiques, comme l’aluminium vert dans les pays nordiques ou l’acier vert en Autriche. Les « green bonds » constituent l’une des rares classes d’actifs à travers laquelle il est possible d’allier impact et performance, la recherche d’impact ne conduisant pas à abandonner une partie de la performance.
Roman Gaiser : En Allemagne, il y a eu récemment une émission pour de l’hydrogène vert. Les besoins en infrastructure sont importants et les investisseurs institutionnels européens ne vont pas radicalement changer de stratégie pour s’aligner sur la politique américaine.