Métier

Communication financière : des profils rares et très recherchés

Publié le 28 avril 2023 à 11h30

Chloé Consigny    Temps de lecture 7 minutes

Souvent désignés sous l’appellation d’IR pour « investor relations » ou « responsables relations investisseurs », les spécialistes de la communication financière, qui exercent au sein des entreprises cotées, sont de plus en plus recherchés. Les profils sont rares, ces spécialistes de la « com fi » devant être aussi à l’aise en finance qu’en communication, maîtriser parfaitement les marchés financiers et la langue anglaise. Les grands groupes du CAC 40 ne sont plus les seuls à les rechercher, des small et mid caps voulant aussi faire appel à leurs compétences.

Ils  sont une minorité. Dans les rangs des directions financières, très rares sont ces personnes qui manient aussi bien le chiffre que le verbe. A titre d’exemple, au sein d’un groupe tel que Seb (35 000 collaborateurs), la direction financière compte un millier de personnes, dont quatre seulement sont dédiées à la communication financière. Au sein des small et mid cap, ces équipes sont encore plus resserrées. « Je vois des émetteurs importants avoir uniquement deux personnes à temps plein pour la partie communication financière », constate Alexis de Maigret, partner, head of investor relations & shareholder engagement au sein de l’agence de conseil en communication Vae Solis. Selon le baromètre IRCliff, association française des professionnels de la communication financière, hors CAC 40 et SBF 120, ils sont en moyenne deux, avec des profils souvent polyvalents. « Il n’est pas rare qu’au sein des small et mid caps, les experts en communication financière cumulent cette activité avec d’autres fonctions, notamment le M&A et la communication corporate, explique Laurence Duc, déléguée générale d’IRCliff. Le head of investor relations (IR) est un véritable couteau suisse. » Dans un contexte de pénurie des talents, où le nombre d’offres d’emploi est supérieur au nombre de candidats disponibles, ces profils restent particulièrement difficiles à capter.

Un solide bagage financier requis

Du côté des compétences, ces experts sont avant tout des financiers. Leur background est principalement celui de finance de marché. « La “Rolls” de l’IR reste l’ancien analyste financier, constate Alexis de Maigret. Les responsables IR sont d’ailleurs souvent des profils très seniors dotés d’une solide expérience à l’interne ou à l’externe. » Toujours selon le baromètre IRCliff, un quart des IR aujourd’hui en poste ont été analystes financiers. Les autres sont d’anciens vendeurs ou des experts du trading. « Les profils communication financière doivent comprendre et appréhender les marchés financiers, explique Olivier Gernandt, VP investor relations au sein du groupe Seb. Ils doivent également avoir une connaissance fine de l’entreprise et de sa culture. On retrouve à mon sens deux types de profils selon les entreprises : des experts financiers qui viennent de l’analyse financière en société de bourse ou en banque d’affaires, et des profils internes à l’entreprise, en provenance par exemple du contrôle de gestion. » Les profils juniors qui rejoignent le département communication financière le font après une formation académique solide : école de commerce, Sciences Po Paris et plus rarement école d’ingénieur. Dans tous les cas, l’expert en communication financière doit être totalement à l’aise avec la lecture d’un bilan et les marchés financiers, sans oublier l’analyse PNL (programmation neurolinguistique, permettant de décrypter les attitudes des interlocuteurs). Pour leur capacité d’analyse et de synthèse, les jeunes diplômés dotés d’une première expérience en cabinet d’audit sont particulièrement appréciés. Enfin, toutes les communications financières se faisant en anglais, une maîtrise parfaite de cette langue est indispensable.

«Le bon dosage est difficile à trouver, car un bon financier n’est pas forcément un bon communicant et inversement. »

Alexis de Maigret Partner, head of investor relations & shareholder engagement ,  Vae Solis

Une capacité à raconter une histoire à partir de chiffres

Si le volet financier est fondamental, le volet communication est tout aussi important. « Le bon dosage est difficile à trouver : un bon financier n’est pas forcément un bon communicant et inversement, observe Alexis de Maigret. Le responsable IR est un oiseau rare : à la fois à l’aise avec les chiffres et doté d’une bonne capacité de synthèse et d’écriture. Il doit également être très à l’aise à l’oral. » L’une des compétences de l’IR est d’être capable de repérer les informations clés pour ensuite les livrer sous une forme digeste. « Notre métier consiste à sortir de l’analyse des chiffres pour écrire une histoire, poursuit Olivier Gernandt. Finalement, notre rôle est celui d’un metteur en scène ou d’un scénariste qui conçoit un film ou une pièce de théâtre sur la base de l’analyse de la performance de l’entreprise. Notre travail d’analyse et de conception de messages est essentiel pour permettre aux dirigeants de l’entreprise de dialoguer de manière régulière et efficace avec leurs actionnaires ainsi qu’avec la communauté financière au sens large afin de leur rendre des comptes. » En vue d’une levée de fonds ou d’une IPO ce sont eux qui formalisent, l’« equity story » à destination des investisseurs. Un exercice particulièrement délicat qui consiste à donner à voir les opportunités de développement et les atouts de l’entreprise lui permettant de créer de la valeur à court et moyen terme. C’est également l’équipe IR qui rédige le document d’enregistrement universel (document de référence) en lien avec les équipes juridiques.

Des possibilités d’évolution vers les plus hautes fonctions

Après l’écriture du scénario, il n’est pas rare que les IR doivent également monter sur scène. Si les présentations semestrielles sont souvent réalisées par le directeur financier et le directeur général, l’IR peut être amené à prendre la parole lors des présentations trimestrielles. Autre volet de son quotidien : les conférences financières durant lesquelles il présente l’entreprise à de potentiels investisseurs. L’aspect relationnel est donc clé. Enfin, en cas de crise comptable ou financière majeure, les IR se placent aux côtés de la direction de la communication pour rédiger les communiqués de presse, tout en maintenant le lien avec les actionnaires. Ils sont partie intégrante de la cellule de crise alors formée. Des compétences plurielles qui n’ont de cesse de s’étoffer. Autrefois exclusivement financières, les informations traitées se sont enrichies avec le développement de la RSE. Les experts IR travaillent désormais en lien étroit avec les directions RSE. A nouveau, leur rôle est de coordonner l’ensemble des informations disponibles au sein de l’entreprise et de les rendre digestes aux investisseurs et actionnaires. Cette capacité de coordination les place au cœur de la stratégie de l’entreprise.

Si certains œuvrent toute leur carrière durant dans la communication financière, d’autres choisissent d’y consacrer trois à quatre années, avant de voler vers d’autres horizons. « En tant qu’IR, vous êtes au contact direct du directeur financier et du directeur général, constate Olivier Gernandt. Il n’est pas rare qu’un ancien IR monte à des postes de directions financières voire de direction générale. » Et les exemples en la matière sont nombreux : beaucoup de CEO de grands groupes du CAC 40 ont, un jour ou l’autre, réalisé un passage par les relations investisseurs. C’est le cas notamment de l’actuel directeur général du groupe Legrand, Benoît Coquart, qui a auparavant été à la tête des relations investisseurs du groupe.

Une rémunération alignée sur celle des directions financières

  • La rémunération de ces experts qui exercent en interne est alignée sur celle des directions financières et non sur celle des directions de la communication. 
  • Pour les agences extérieures, en revanche, les salaires sont davantage alignés sur ceux des experts de la communication, sauf cas particulier et profil particulièrement financier. « Nous sommes toujours ravis de recruter un ancien analyste ou un ancien banquier d’affaires, explique Alexis de Maigret. Cependant, le marché est structurellement déséquilibré, avec plus de demandes que d’offres. Les compétences financières restent particulièrement recherchées. Notre cabinet compte beaucoup de jeunes consultants que nous accompagnons dans leur montée en compétences grâce à la formation. »

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