Formation

Des cursus ESG émergent à destination des financiers

Publié le 24 mars 2023 à 12h32

Anne del Pozo    Temps de lecture 10 minutes

L’évolution réglementaire ainsi que la pression sociétale poussent les métiers de la finance à prendre part aux politiques RSE de leur organisation ou de leur secteur d’activité. Pour relever ce défi, ils ont besoin de monter en compétences sur ces sujets. Les organismes de formation, universités et syndicats professionnels l’ont d’ailleurs bien compris, qui renforcent leur catalogue de formations dédiées à la finance durable et/ou verte.

Avec la montée en puissance de la taxonomie verte et le projet de future taxonomie sociale portée par l’Union européenne, les critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) sont désormais incontournables pour les investisseurs mais également pour les entreprises. D’ailleurs, les trois quarts des entreprises cotées à la Bourse de Paris ont mis en place un comité chargé de la RSE au sein de leur conseil d’administration, contre à peine la moitié en 2019. Selon le Climate Bonds Initiative, les émissions d’obligations vertes finançant des projets respectueux de l’environnement devraient atteindre les 5 000 milliards de dollars d’ici à 2025. Parallèlement, d’après le cabinet de recrutement spécialisé dans le développement durable, Birdeo, le nombre d’offres d’emploi disponibles sur ce marché a bondi de 25 % en 2022. Une tendance qui devrait se maintenir, voire s’accentuer, cette année. « Alors que globalement le marché de l’emploi dans la finance est particulièrement tendu en ce moment, les jeunes auront d’ailleurs tendance à privilégier les entreprises qui ont une posture ESG pertinente et engagée », souligne François Beaume, vice-président Amrae en charge de la formation et des étudiants et directeur risques et assurances chez Sonepar. Si ces différentes évolutions et tendances vont ouvrir la voie à de nombreuses opportunités pour les professionnels de la finance (banque, assurance, finance d’entreprise) elles illustrent également la nécessité de faire évoluer les métiers et compétences des financiers pour faire face à ces nouveaux défis.

«Les trésoriers ont besoin de se former à la RSE pour comprendre comment mettre en œuvre concrètement le sujet dans leur entreprise.»

Emmanuel Rapin Vice-président de l’AFTE ,  Référent du centre de formation et directeur des financements et des relations investisseurs, Lagardère

Une forte augmentation de la demande en formation des financiers

Toutefois, l’émergence de ce marché implique la formation des professionnels déjà actifs sur le terrain ainsi que de ceux qui le seront demain. « La demande en formation des financiers autour du sujet de la RSE ne cesse d’augmenter, notamment au regard de l’évolution de la réglementation sur le sujet, de la mise en place de la Corporate Sustainability Reporting Directive (CSRD) et des obligations de reportings extra-financiers qui à terme toucheront toutes les entreprises », précise Céline Galet, responsable des événements et de la formation à la DFCG. Un constat fait par les organismes de formation spécialisés sur le sujet ou encore les universités mais également par les associations professionnelles du secteur de la finance. « Tous les cursus de la DFCG sur “le contrôle de gestion environnemental et le reporting RSE” ont affiché complet en 2022 et continuent d’être plébiscités cette année », précise Céline Galet. Dans son baromètre de l’engagement pour le climat, l’Amrae fait part de son côté d’une augmentation de 9 points en 2022 (par rapport à 2021) des besoins en formation exprimés par les risques managers sur les sujets liés aux risques climatiques. Le nombre de professionnels de la finance participant aux formations sur les enjeux RSE/ESG dispensées par Novethic ne cesse également de se développer. « Nous sommes passés de 920 financiers formés en 2020, à 1 227 en 2022, indique Anne Catherine Husson Traore, directrice générale de Novethic. En 2021, nous avons formé plus de 2 800 professionnels de la finance en participant à une opération de déploiement de tout un réseau pour un assureur. »

Associations et fédérations professionnelles se mobilisent

  • Conscientes des enjeux et des besoins de leurs adhérents sur le sujet des formations RSE, les associations et fédérations professionnelles renforcent leurs modules de formations autour de la finance durable pour accompagner leurs adhérents dans leur montée en compétences sur les sujets. « A la DFCG, nous proposons déjà deux formations autour du contrôle de gestion environnemental et du reporting RSE d’une part et des indicateurs ESG d’autre part, précise Céline Galet, responsable des événements et de la formation à la DFCG. Nous travaillons actuellement à la redéfinition de notre offre de formation sur ces sujets, afin d’y ajouter trois nouveaux modules plus pointus. » 
  • L’AFTE propose de son côté une formation d’une journée sur les financements ESG. « Elle fournit aux trésoriers et directeurs financiers un panorama complet de l’état du marché concernant les financements bancaires et obligataires ESG. Elle leur donne les clés pour comprendre les enjeux attachés à ces différents produits, pour savoir comment les structurer et réussir au mieux leurs négociations », précise Emmanuel Rapin, vice-président de l’AFTE, référent du centre de formation et directeur des financements et des relations investisseurs de Lagardère. Ce programme leur permet par exemple de connaître les principales méthodologies d’analyse et des scorings ESG et les techniques de mise en place d’un financement durable (tel que des green bonds et/ou crédits à impact). 
  • La notion de risques climatiques et d’enjeux ESG est également entrée au catalogue de formation de l’Amrae qui propose deux formations à ses adhérents sur ces sujets. La première a pour vocation de fournir aux risk managers une vue d’ensemble sur le sujet du changement climatique, de son traitement réglementaire et de ses implications pour l’entreprise et de faire le lien avec les outils et les concepts liés à la gestion des risques. La seconde est davantage articulée autour des enjeux ESG. Elle a pour objectif d’aider les risk managers à comprendre les risques et opportunités liés à l’ESG et leurs interactions avec leur organisation et à en appréhender l’impact potentiel et les conséquences des développements réglementaires ESG sur les entreprises.

Une offre qui se structure

Face à ces besoins et à l’augmentation de la demande, l’offre de formation en lien avec la finance durable se structure, même si elle reste encore assez limitée. Selon le rapport « ClimatSup Finance, Former pour une finance au service de la transition », publié en décembre 2022 par The Shift Project, seulement 5 % des formations en finance intègrent les enjeux écologiques. « Le sujet est à la fois inspirant et questionnant, ce qui est évidemment propice au développement des formations, souligne Sébastien Duizabo, directeur de la formation continue de l’Université Paris Dauphine-PSL. Les besoins en formation diffèrent alors selon les métiers. Par exemple, les conseillers en clientèle dans les banques de détail vont avant tout avoir besoin d’être sensibilisés sur la notion de RSE. En revanche, il devient nécessaire pour les gestionnaires de fonds ou gestionnaires de portefeuille en private equity d’intégrer les notions de mesures d’impact environnemental et sociétal dans leurs réflexions. Dans les entreprises enfin, il est important de former les professionnels en charge de la communication et du reporting financier sur le sujet, de leur apprendre à construire des indicateurs extra-financiers et des reportings RSE ou encore à mettre en place une économie plus durable. » Au sein des entreprises, différents métiers de la finance sont d’ailleurs concernés par ce sujet (DAF, trésoriers, crédit managers, risk managers, etc.). « Aujourd’hui, les trésoriers doivent par exemple composer avec les contraintes réglementaires mais également faire face à la pression croissante de leur management, des banques et des investisseurs pour verdir leurs outils de financement, précise Emmanuel Rapin, vice-président de l’AFTE, référent du centre de formation et directeur des financements et des relations investisseurs de Lagardère. Ils ont à cet effet besoin de bien comprendre le sujet et ils doivent savoir comment le mettre en pratique concrètement dans leur entreprise. »

Pour répondre à ces attentes, les organismes de formations, universités et écoles, mais également associations professionnelles, se mobilisent pour développer leur offre de formation ou du moins, sensibiliser davantage les financiers sur le sujet.

«Pour former les financiers, il faut des connaissances actualisées : cela peut passer par la mise en place de webinaires, de matinées consacrées aux réglementations ou d’ateliers de mise en pratique autour des sujets ESG.»

Anne-Catherine Husson-Traore (© www.fabianvoizard.com) Directrice générale ,  Novethic

Des formations continues intégrant  des notions de développement durable

Certaines formations initiales en finance sont ainsi très clairement articulées autour des sujets environnementaux et sociétaux : le master 2 parcours économie du développement durable de la Sorbonne, le master énergie, finance, carbone de Dauphine, le master 2 finance durable de l’Institut supérieur de l’environnement (ISE), le master of science MSc sustainable finance de Kedge, ou encore le mastère spécialisé stratégies financières et investissements responsables d’Audencia.

Les universités et écoles se mettent par ailleurs peu à peu en ordre de marche pour intégrer dans leurs parcours de formation continue dédiés aux métiers de la finance des notions en lien avec le développement durable et sociétal ou pour dédier des cursus au sujet de la finance durable. Par exemple, l’Université Paris Dauphine-PSL aborde les sujets de l’épargne durable et de la finance durable dans son executive master en asset management. L’Université consacre également un des cinq certificats de son executive master banque contrôle et régulation, à la stratégie ESG, cadre de contrôle et reporting.

Un développement des formations courtes

Parallèlement à ces parcours académiques, ces écoles et universités développent également des formations plus courtes pour les professionnels de la finance. L’Université Paris Dauphine-PSL propose ainsi un certificat sur l’information extra-financière : reporting audit et notation, à l’issue d’une formation de neuf jours.

Les financiers ont également la possibilité de se tourner vers des organismes de formation tels que Cegos qui propose aux directeurs financiers et contrôleurs de gestion un cursus de deux jours sur « Intégrer la RSE dans le pilotage financier », ou encore Demos qui s’appuie sur l’expertise de l’agence de notation EthiFinance pour concevoir certains de ses programmes de formation sur la finance durable. Au-delà, des acteurs traditionnels de la formation, des spécialistes de la finance durable et/ou de l’économie socialement responsable développent également des cursus sur ce sujet dédiés aux financiers, à l’instar notamment de Novethics. « Pour former efficacement sur ce sujet, il faut aussi délivrer de l’information actualisée, précise Anne-Catherine Husson-Traore. A cet effet, nous avons mis en place des webinaires de deux heures, des matinées consacrées aux réglementations et à leurs implications, ou encore des ateliers de mises en pratique autour de sujets liés à la finance durable et verte, au climat ou encore à l’analyse ESG. » Si des efforts restent à faire sur le sujet, le monde de la formation se mobilise néanmoins pour répondre au mieux à la demande du secteur et des métiers de la finance. L’exercice est d’autant plus complexe pour les professionnels de la formation que le sujet de la RSE est en constante évolution. 

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