Start-up

Directeurs financiers : comment s’acclimater à une entreprise en croissance

Publié le 23 septembre 2022 à 10h44

Chloé Consigny

En recherche de talents, les licornes, fintechs, start-up et entreprises innovantes chassent de façon très offensive les meilleurs profils financiers. Si la prime à l’embauche peut être réelle, l’intégration au sein de ces entreprises aux cultures de groupe parfois singulières peut désarçonner les financiers les plus chevronnés. Ils doivent savoir transmettre leur culture financière à des opérationnels qui en sont souvent éloignés.

Les offres d’emploi au sein des entreprises de croissance sont nombreuses. Par définition, celles-ci sont amenés à croître vite. Pour les accompagner, elles sont donc en recherche d’un directeur administratif et financier (DAF), véritable bras droit du dirigeant, à même de structurer rapidement la fonction finance. « En véritable sparring-partner, le CFO interagit quotidiennement avec le dirigeant et l’accompagne sur l’ensemble des sujets structurants de l’entreprise », explique Philippe Millot, directeur associé au sein du cabinet de recrutement Arrowman Executive Search, spécialiste du recrutement de CFO par approche directe. Son portefeuille est aujourd’hui composé à 40 % d’entreprises de croissance, contre 5 % seulement il y a trois ou quatre années.

De réelles opportunités d’embauche

Toutes les entreprises ne recrutent pas au même niveau. « Le profil recherché est fonction du niveau de maturité de l’entreprise. A leur création, les entreprises de croissance se font accompagner par un expert-comptable, parfois externe et missionné de façon ponctuelle. Lorsque l’entreprise grandit, il n’est pas rare qu’elles recrutent un directeur administratif et financier, souvent un profil junior chargé notamment de les accompagner dans leur première levée de fonds. En phase d’IPO, ces entreprises se structurent davantage encore avec des DAF plus chevronnés à même de porter un discours financier à l’interne et à l’externe », détaille Matthias Collot, associé, expert-comptable, membre du comité exécutif du groupe Exponens. Le CFO, profil beaucoup plus expérimenté, a alors notamment pour mission d’accompagner les dirigeants dans leurs différents roadshows réalisés auprès des fonds. Il a également la charge de la communication à l’interne et à destination des marchés.

La crainte d’un retournement ?

Si, au cours des dernières années, les entreprises de croissance étaient fortement attractives pour les jeunes talents, cette tendance commence à s’inverser. Les déconvenues rencontrées par certains géants du secteur freinent les élans de financiers en quête de changements. « En Bourse, les GAFA ont dévissé depuis le début de l’année. Certaines sociétés technologiques ont annoncé des gels des recrutements voire des licenciements et des arrêts de programmes ou de filiales. Ce type d’actualité, si elle perdure, n’est pas sans incidence sur l’engouement des jeunes financiers tentés par l’aventure des entreprises de croissance et du potentiel offert par l’actionnariat salarié », constate Matthias Collot, associé, expert-comptable, membre du comité exécutif du groupe Exponens.

De multiples compétences requises

La liste des compétences requises est longue. « Les compétences techniques sont importantes et ne vont pas de soi, souligne Philippe Millot. La fonction de DAF, dans une entreprise de croissance, requiert à mon sens trois compétences indispensables : d’abord le “finance partnering opérationnel”, c’est-à-dire la capacité à mettre en place des solutions agiles adaptées au profil spécifique de l’entreprise et au pilotage de sa croissance. Ensuite, le volet “finance corporate”, qui intègre l’ensemble des modalités de financement de l’entreprise ainsi que les projets de croissance externe (M&A). Enfin, le DAF d’une entreprise de croissance se doit de maîtriser la “communication interne et externe”. En interne, il mobilise les équipes et développe la culture financière de l’entreprise. En externe, il porte la communication financière de l’entreprise auprès des investisseurs », précise Philippe Millot. Un profil rare et qui provient rarement des grands groupes cotés. « Il faut bien avoir à l’esprit qu’au sein de grosses structures ou d’entreprises plus matures, la fonction finance est organisée par domaines d’expertise (contrôle de gestion, fiscalité, M&A, relations investisseurs, etc.). Identifier dans ces environnements des financiers présentant un profil suffisamment complet adapté aux enjeux d’une entreprise de croissance peut s’avérer difficile », poursuit Philippe Millot. Ultra-agile, le DAF doit par ailleurs être à même d’avancer dans un environnement en perpétuel changement. A titre d’exemple, si au sein des grands groupes les processus budgétaires de suivi des comptes sont très normés, tout reste à mettre en place au sein des entreprises de croissance. Il lui faudra donc sans cesse s’adapter, quitte à faire et à défaire au fur et à mesure de la croissance de l’entreprise.

«Si au sein des grands groupes, les processus budgétaires de suivi des comptes sont très normés, tout reste à mettre en place au sein des entreprises de croissance.»

Philippe Millot Directeur associé ,  Arrowman Executive Search

Une structuration rapide de la fonction finance

Selon les différents experts interrogés, le profil idéal reste le financier qui a connu une phase de développement similaire à celle dans laquelle l’entreprise de croissance s’apprête à entrer. A titre d’exemple, un financier qui vient de réaliser une levée de fonds dans une entreprise de croissance sera hautement chassé par les entreprises qui arrivent à ce stade. Au-delà des compétences techniques, le financier se devra être prêt à relever des défis de taille, parmi lesquels se trouve l’inculture financière, voire la réticence des opérationnels. « Au sein d’une grande entreprise présentant des process et une culture financière déjà bien établis, l’ensemble des opérationnels est déjà rompu aux exigences financières. Les sujets de compliance, de contrôle interne ou de maîtrise du cash par exemple ont largement été diffusés auprès de l’ensemble des business units et des managers opérationnels. La question est bien différente au sein d’entreprises à forte croissance, moins matures, où les opérationnels ne disposent pas des mêmes réflexes et ont davantage besoin d’être sensibilisés aux enjeux financiers. Le DAF doit alors fonctionner en forte proximité avec ces managers, intégrer parfaitement la culture de l’entreprise et faire preuve de beaucoup de pédagogie », met en garde Philippe Millot. « La direction générale et les opérationnels sont focalisés sur la croissance. La fonction finance doit être à même de suivre en se structurant rapidement et en mettant en place des process très rapidement », abonde Matthias Collot.

Des salaires élevés et d’importantes perspectives de carrière

Qu’en est-il des salaires proposés ? « Avant la première levée de fonds, l’entreprise de croissance n’a pas la trésorerie nécessaire au recrutement d’un financier chevronné. Elle commence donc par un junior », explique Matthias Collot. Lorsqu’elles grandissent, elles sont alors dotées des capacités financières leur permettant de concurrencer le marché. Cependant, ce n’est pas leur seul atout. Elles mettent largement en avant le caractère disruptif de leur offre et misent sur l’actionnariat salarié pour séduire les talents. Les BSPCE (bons de souscriptions de parts de créateur d’entreprise) et les BSA (bons de souscription d’actions) font souvent partie du package qui, pour un DAF, se situe entre 150 000 et 180 000 euros annuels. Pour ces talents, les perspectives d’évolutions sont réelles, même s’il est très rare de voir un DAF d’une entreprise de croissance retourner ensuite dans une entreprise du CAC 40. « Un DAF ayant eu une expérience au sein d’une start-up aura aimé sa liberté. Il aura également attrapé le virus de la croissance. Compte tenu de ces éléments, il est peu probable qu’il se tourne ensuite vers un grand groupe. Il est en revanche fort probable qu’il choisisse de rejoindre d’autres entreprises innovantes de plus grande taille. Il peut également évoluer en interne pour devenir COO ou CEO », conclut Matthias Collot. 

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