Recrutement

Ingénieurs financiers : des profils très recherchés

Publié le 5 octobre 2023 à 8h30

Pol-Malo Le Bris

Quant analyst, risk manager ou structureur, tous ces métiers regroupés sous la bannière de l’ingénierie financière ont pour but de concevoir et d’optimiser les produits financiers qui permettent aux institutions financières d’opérer sur les marchés. Réputés très bons mathématiciens, ces profils, les plus scientifiques de la finance, doivent de plus en plus utiliser des compétences informatiques, notamment pour gérer les stratégies d’investissements fondées sur la donnée.

Une bonne dose de mathématiques appliquées, saupoudrée de programmation informatique, le tout relevé par des connaissances économiques solides : tels sont les ingrédients du bon ingénieur financier. En réalité, l’appellation «  ingénieur financier » regroupe toute une gamme de fonctions au sein des institutions financières (banques, assureurs, sociétés de gestion ou hedge funds). Leur but est de concevoir ou d’appliquer des modèles mathématiques et informatiques qui optimisent les investissements. «  La problématique d’optimisation et d’ingénierie est présente partout en finance, explique Mathieu Rosenbaum, responsable du master  2 “Probabilités et finance” à l’Ecole polytechnique et chercheur en mathématiques appliquées. Bien sûr, le marché est la rencontre de l’offre et de la demande, mais, par exemple, si je vends des centaines de millions d’actions d’une entreprise, je ne vais pas le faire en une seule seconde, je vais recourir à une optimisation de la stratégie d’exécution, pour en tirer le meilleur prix, et cela requiert l’usage de modèles mathématiques et d’informatique. »

Des formations cibles

En France, le vivier pour recruter des ingénieurs financiers est relativement restreint. Grandes écoles d’ingénieurs et masters en mathématiques financières des meilleures universités forment la grande majorité des futurs ingénieurs financiers. « Nous avons des écoles d’ingénieurs cibles pour recruter nos talents : Centrale, l’ENPC, Polytechnique, l’Ensae et des masters 2 en mathématiques appliquées ou mathématiques financières, détaille Virginie Duthil, directrice ressources humaines des activités de marchés chez Société Générale. Le profil d’ingénieur est très demandé, car au-delà du diplôme, nous cherchons des profils avec des fondamentaux solides et capables de monter en compétence une fois en poste. »

D’ailleurs, cette capacité à apprendre et à s’adapter est l’un des points centraux des formations. « Dans notre master, nous souhaitons former des ingénieurs d’excellence, c’est-à-dire très complets, insiste Mathieu Rosenbaum. Notre but n’est pas de fournir un élève capable de résoudre le problème à la mode, mais de comprendre et de s’adapter aux problématiques à venir. » De fait, le secteur de la finance évolue rapidement, au rythme des technologies qui bousculent le milieu. « Dans le domaine de l’ingénierie financière, il est de plus en plus important d’être compétent en informatique », assure Mathieu Rosenbaum. « Au cours de ma carrière, j’ai surtout eu besoin de mes connaissances en finance et en informatique, il y a finalement très peu de mathématiques au quotidien, confirme David Smadja, évoluant au sein du fixed income systematic trading chez Millennium. En fait, plus les marchés deviennent systématiques et plus ils s’approchent de la haute fréquence, moins les ingénieurs financiers utilisent de mathématiques. »

«Contrairement à d’autres domaines, en finance quantitative, le temps entre une innovation et son utilisation pratique est très court.»

Mathieu Rosenbaum Chercheur en mathématiques appliquées et responsable du master 2 « Probabilités et finance » ,  Ecole polytechnique

Des postes techniques

Au sein des institutions financières, le panel des métiers qui entrent dans la catégorie des ingénieurs financiers est relativement varié, et tous ne font pas appel aux mêmes compétences. Alors qu’un structureur, qui est chargé d’élaborer des produits dérivés, devra utiliser plus de mathématiques pour estimer le prix de ces derniers, l’analyste quantitatif (aussi appelé trader systématique, ou encore trader électronique) sera plutôt amené à concevoir des approches systématiques, c’est-à-dire basées sur des règles et à l’aide d’algorithmes. « En tant que trader électronique, la question que je me pose au quotidien est : comment trader de la manière la plus efficace possible les instruments de crédit au vu des données dont je dispose ? », explique David Smadja.

D’autres métiers entrent dans la catégorie de l’ingénierie financière : « Mon rôle est de construire des solutions financières adaptées aux besoins de nos clients, explique Emeline Reignier, directrice des équipes d’advisory pour assureurs et fonds de pension chez Société Générale. Parfois, nous avons des solutions mathématiques d’optimisation des contraintes financières conformes aux besoins théoriques du client mais qui ne peuvent pas être déployées en l’état. Par exemple, une couverture des risques peut s’avérer parfaite économiquement, mais si elle nécessite trop de ressources opérationnelles chez le client pour la mettre en place, elle ne peut pas être retenue. » Le but partagé par les ingénieurs financiers est de développer et d’appliquer des méthodes scientifiques au domaine de la finance afin de permettre aux entreprises de prendre les bonnes décisions en matière d’investissement.

Vers des profils plus diversifiés ?

Dans le métier d’ingénieur financier, être une femme demeure une exception, et les institutions financières sont encore loin de leur objectif de parité. « Les banques font de réels efforts dans le recrutement, mais le robinet est bouché en amont, atteste Mathieu Rosenbaum, responsable du master 2 « Probabilités et finance » à l’Ecole polytechnique et chercheur en mathématiques appliquées. Chaque année, parmi mes élèves, je n’ai même pas 10 % de femmes. » Un objectif qui devrait être encore plus compliqué à atteindre dans les prochaines années alors que la réforme du lycée a marqué un net recul de la parité dans les matières scientifiques, surtout en mathématiques.

Des tensions pour recruter

Paradoxalement, les exigences requises pour prétendre à une carrière en ingénierie financière ont créé les conditions d’une tension sur les profils à recruter. « La concurrence des entreprises de technologie est forte », explique Virginie Duthil. D’autant plus que le monde de la finance a perdu de son attractivité auprès des jeunes, en particulier à la suite de la crise des subprimes.

Cependant, la compétition pour le recrutement ne s’arrête pas aux entreprises de technologie, en particulier à Paris, qui a bénéficié de l’arrivée de nombreuses banques situées à Londres depuis le Brexit. « La concurrence est forte également au sein de l’industrie financière, que ce soit avec les autres banques ou avec des fonds d’investissement », rapporte Virginie Duthil. En effet, alors que dans les années 2000, les départements de recherche quantitatifs des banques d’investissement représentaient la voix royale à la sortie des études, depuis quelques années, hedge funds et entreprises de trading propriétaire attirent de plus en plus les profils juniors.

Un attrait pour l’innovation

Ce phénomène s’explique notamment par la mutation technologique rapide de la finance. « Le plus grand changement de ces dernières années, et c’est l’explosion de la data ; que ce soit la data science ou le big data, la gestion de la data est clé », relate David Smadja. Ainsi, l’innovation devient un argument majeur de l’attrait pour l’ingénierie financière : « Contrairement à d’autres domaines, en finance quantitative, le temps entre une innovation et son utilisation pratique est très court, étaye Mathieu Rosenbaum. Une caractéristique qui se confirme d’autant plus au sein des hedge funds et des teneurs de marché. » Or, faire régulièrement face à de nouvelles problématiques est un bon point pour les ingénieurs financiers : « En finance quantitative ou trading électronique, nous sommes constamment confrontés à de nouveaux problèmes et il faut pouvoir utiliser ses compétences en informatique et en finance pour les résoudre », précise David Smadja. Mais pour les ingénieurs financiers, cette complexité fait justement l’intérêt de cette carrière décrite comme intellectuellement stimulante.

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