Compétences

La course aux analystes ESG

Publié le 16 septembre 2022 à 15h30

Anne del Pozo

Alors que la demande d’analystes ESG croît rapidement, les profils spécialisés restent rares sur le marché. Pourtant, les formations se développent et les salaires particulièrement attractifs ont de quoi attirer les candidats potentiels.

Alors que les préoccupations environnementales et sociétales gagnent du terrain dans les entreprises et le secteur de la finance, les métiers liés au développement durable sont de plus en plus plébiscités, en particulier les analystes ESG. « Le marché des analystes ESG est particulièrement tendu, constate Isabelle Mouret de Lotz, directrice du développement (executive search – sustainable finance) chez Birdeo. Nous n’avons plus aucun candidat disponible et sommes obligés, pour chaque demande d’entreprise sur ce profil, de chasser les candidats en poste. » Un constat également relevé par EthiFinance, l’agence de notation, de recherche et de conseil innovant spécialisé dans la finance durable. « Nous comptons une quarantaine d’analystes ESG au sein de notre structure, explique Victor Batrel, analyste ESG chez EthiFinance. Depuis plus d’un an maintenant, ces profils sont très recherchés sur le marché et par conséquent, de plus en plus difficiles à recruter. » Face à la pénurie de candidats, les entreprises puisent dans les viviers d’alternants et de stagiaires en formation sur le sujet, qu’elles recrutent généralement dès la fin de leur période d’apprentissage. « Même lorsqu’elles cherchent un analyste ESG avec deux ou trois années d’expérience, les entreprises sont prêtes à accepter un jeune ayant fait de l’alternance suivie d’une année seulement d’expérience », constate ainsi Isabelle Mouret de Lotz.

«La formation initiale sur les enjeux environnementaux est un prérequis important, mais aussi la compréhension des enjeux économiques et financiers. »

Victor Batrel Analyste ESG ,  EthiFinance

Des recruteurs plus nombreux

Sur ce marché en forte demande, la typologie des entreprises qui recrutent tend également à s’élargir. Au-delà des sociétés pour lesquelles le développement durable constitue le cœur de métier et des agences de notations extra-financières, des sociétés spécialisées dans la gestion d’actifs se portent aujourd’hui sur le marché, tout comme des investisseurs institutionnels, des banques mais aussi les entreprises hors secteur financier qui, de plus en plus, voient leur performance extra-financière scrutée par le marché. « Les analystes ESG peuvent alors être rattachés à la direction RSE ou à la direction financière », précise Isabelle Mouret de Lotz.

Des missions de collecte et d’analyse de données

Quelle que soit l’entreprise dans laquelle ils travaillent, la mission des analystes ESG consiste à collecter et analyser des informations extra-financières (émissions de carbone, nombre de voitures, mixité hommes/femmes, arrêts maladie…) concernant l’entreprise. « Au sein d’EthiFinance, nous sommes amenés à dialoguer avec les entreprises pour qu’elles nous fournissent des données qualitatives, précise Victor Batrel. Il nous revient ensuite de vérifier la qualité de ces informations et d’estimer les données manquantes à l’aide de modèles, puis de consolider les données sous forme d’indicateurs de performance extra-financière et enfin, de les publier auprès des investisseurs ou des entreprises. » Dans le cadre de ces démarches, les analystes ESG sont donc aussi amenés à développer des process et des revues de référentiels (modèles, indicateurs et spécifications sectorielles…). Les indicateurs extra-financiers sont bâtis soit par l’entreprise soit par des tiers spécialisés sur le sujet comme l’Ademe ou les agences de notation. « Les indicateurs sur lesquels nous travaillons peuvent être communs à d’autres acteurs du marché, mais nous pouvons également travailler sur des indicateurs spécifiques, en fonction des entreprises que nous évaluons ou des attentes de nos clients investisseurs », ajoute Victor Batrel.

Un niveau de rémunération attractif

  • Pour attirer des candidats sur un marché particulièrement tendu, les recruteurs misent d’une part sur leur engagement en termes de développement durable et de respect des enjeux sociaux et, d’autre part, sur le niveau de rémunération proposé aux analystes ESG. 
  • Selon Birdeo, les revenus des analystes financiers en début de carrière commencent à 45 000 euros fixes pour atteindre rapidement 50 000 euros après quelques années d’expérience, puis 100 000 à 120 000 euros pour les plus aguerris (hors bonus intéressement et participation). Ils ont alors généralement évolué vers des postes à plus haute responsabilité d’analyste senior ou responsable stratégie ESG de l’entreprise.

«Nous n’avons plus aucun candidat disponible et sommes obligés, pour chaque demande d’entreprise sur ce profil, de chasser les candidats en poste.»

Isabelle Mouret de Lotz Directrice du développement (executive search – sustainable finance) ,  Birdeo

De fortes attentes des entreprises, sur un sujet complexe

Pour remplir ces missions, les recruteurs attendent des analystes ESG différentes compétences. Généralement, ils sont diplômés d’une école de commerce ou d’ingénieur avec une option en finance durable. « La formation initiale sur les enjeux environnementaux, leurs causes et conséquences afin ensuite de comprendre, pour chaque secteur d’activité, quels en seront les impacts et conséquences est un prérequis important », indique Victor Batrel qui a complété sa formation (financière) en école supérieure de commerce par le master écologie industrielle et territoriale de l’Université Bretagne Sud. Au-delà de la formation, leur sensibilité aux enjeux de durabilité et leur compréhension du sujet sont indispensables. « Le sujet peut d’ailleurs s’avérer plus complexe que l’analyse financière, dont le concept est connu depuis plus longtemps », poursuit Isabelle Mouret de Lotz. Il est à ce sujet important que l’analyste ESG soit en capacité d’appréhender le sujet et d’analyser l’entreprise dans sa globalité. « Pour identifier les externalités négatives d’une organisation, il est nécessaire d’en avoir une vision globale et de comprendre les enjeux ESG dans toutes leurs dimensions », explique Nicolas Redon, Expert en Finance verte chez Novethic. De nombreux recruteurs attendent également des analystes ESG qu’ils aient une formation sur l’analyse financière. A ce titre, ils cherchent des candidats ayant des compétences en mathématiques et en analytique. « La compréhension du métier de la finance et des enjeux économiques ainsi que des données financières est d’ailleurs importante », précise Victor Batrel.

Enfin, les candidats sont particulièrement attendus sur les soft skills. « Leur capacité d’organisation ainsi que leur rigueur sont indispensables pour trouver et analyser les bonnes données, ajoute Nicolas Redon. De même, ils doivent avoir un bon sens relationnel et être capables de communiquer et de dialoguer avec l’entreprise et/ou leurs collaborateurs afin d’instaurer un climat de confiance et d’obtenir ainsi des informations qui aient du sens pour leurs analyses ESG. » Lorsqu’il est rattaché à une direction RSE ou financière, l’analyste ESG fait en effet le pont entre les collaborateurs qui remontent ces informations et les décideurs qui s’appuient sur ses analyses pour alimenter leurs réflexions et la stratégie ESG de l’entreprise. La curiosité intellectuelle du candidat est, à ce titre, un atout indéniable.

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